C'était un jeudi soir du mois d'août 1994. Près de 40 000 personnes étaient réunies au Stade olympique pour encourager les Expos, l'équipe de l'heure dans le baseball majeur.

Dans les gradins et sur la tribune de presse, tous avaient une question en tête en surveillant ce match contre les Cards de St. Louis: était-ce la dernière fois qu'on voyait à Montréal cette superbe formation, victorieuse dans 14 de ses 15 derniers matchs?

Malgré les deux circuits de Larry Walker, les Expos baissèrent pavillon 7-3. La rencontre terminée, en compagnie de plusieurs journalistes, je me suis retrouvé devant la case du solide voltigeur. «Je n'ai pas le goût de tomber en grève, on brasse le derrière de toutes les équipes ces jours-ci», lança-t-il.

Dans le grand vestiaire des Z'Amours, l'ambiance était lourde. Et cela n'avait rien à voir avec le revers contre les Cards. Les négociations en vue de renouveler la convention collective étaient embourbées. Et la méfiance entre les propriétaires et les joueurs avait atteint un niveau inégalé.

Tout indiquait qu'une grève serait déclenchée le 12 août, après un séjour de sept matchs de l'équipe à l'étranger. Et que les Expos rateraient leur rendez-vous avec l'histoire. Jamais la formation n'avait été si dominante. Jamais la perspective d'une participation à la Série mondiale n'avait semblé si réaliste.

Au cours des jours suivants, sans surprise, aucun déblocage ne survint. «Dans ma tête, les Expos seront champions du monde si la saison ne reprend pas», affirma Kevin Malone, le jeune directeur général de l'équipe, manifestement dépassé par tous ces événements. Un commentaire sympathique, mais aussi empreint de naïveté.

Un véritable championnat aurait donné des ailes à la concession des Expos. Cela lui aurait permis d'affermir sa place dans le paysage sportif montréalais et, potentiellement, de sécuriser son avenir économique.

En lieu et place, les joueurs déclenchèrent la grève. Ils passèrent pour les mauvais garçons de l'affaire, mais l'ineptie des propriétaires, leur manque de vision et leur manière archaïque de négocier contribuèrent tout autant à la tournure des événements.

Les Expos de 1994 ne refoulèrent jamais le terrain du Stade olympique. Cette magnifique équipe de baseball serait brisée en mille morceaux au printemps suivant, à la reprise des activités.

C'était un jeudi soir d'été.

C'était le 4 août 1994.

C'était le triste adieu de ces fabuleux Expos à leurs partisans.

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Warren Cromartie avait quitté les Expos depuis plus de 10 ans en 1994. Mais c'est à l'ancien numéro 49 qu'on doit l'idée d'honorer cette grande équipe, samedi, à l'occasion du deuxième match préparatoire entre les Blue Jays de Toronto et les Mets de New York au Stade olympique.

Cromartie croit au retour du baseball majeur à Montréal, un rêve qui risque de demeurer à l'état de projet. La fin des Expos a laissé un mauvais souvenir aux autorités de ce sport.

Rappelez-vous: après la saison 2001, elles voulaient éliminer la concession des Expos et celle des Twins du Minnesota. Ce plan, approuvé par les propriétaires, aurait diminué à 28 le nombre de formations. Mais un recours juridique au Minnesota, combiné à un grief de l'Association des joueurs, stoppa le projet.

Samedi, plus de 45 000 personnes sont attendues au Stade pour célébrer les Expos de 1994. Le match de la veille attirera presque autant de partisans. Cela contraste avec la moyenne de 7500 personnes aux matchs locaux des Expos en 2001...

Mais il faudra être prudent avant d'y déceler une tendance lourde démontrant que le baseball majeur pourrait de nouveau fonctionner à Montréal. Un exemple: les cotes d'écoute locales des néo-Expos justifieraient-elles le versement de dizaines de millions en droits de télé?

Les amateurs de sport aiment les événements hors de l'ordinaire. Mais cela ne signifie pas qu'ils développent un attachement indéfectible au sport ainsi mis en vitrine. La courbe des assistances aux trois matchs inauguraux de l'Impact en Major League Soccer le démontre bien: 58 912 personnes en 2012; 37 896 en 2013; et 27 207 en 2014.

De la même manière, on peut douter que deux matchs préparatoires des Blue Jays attirent autant d'amateurs le printemps prochain si l'expérience est reconduite.

Mais pour l'instant, contentons-nous de célébrer ce court, mais fort agréable, retour du baseball. Et d'applaudir les Expos de 1994. Ils nous ont fait vivre des moments formidables et méritent mieux que le triste adieu de leur dernier match au Stade olympique.

Prompt rétablissement, M. Béliveau

Les ennuis de santé n'ont pas épargné Jean Béliveau au cours des dernières années. Mais chaque fois, il a lutté contre le mauvais sort avec énergie.

Âgé de 82 ans, l'ancien capitaine du Canadien fait face à une nouvelle difficulté. Il souffre d'une blessure dans la région du bassin après une chute survenue à son domicile le mois dernier.

Réjean Houle, le coeur et l'âme de l'organisation des Anciens Canadiens, l'a visité au centre spécialisé où il séjourne présentement. «Jean garde le moral, dit-il. Il fait une heure et demie d'exercices par jour pour renforcer sa musculation. La guérison suit son cours, mais il faut être patient.»

Au cours des dernières semaines, Jean Béliveau a reçu plusieurs visites, notamment de Guy Lafleur, Serge Savard, Dickie Moore, Mario Tremblay, Yvan Cournoyer, Ronald Corey, Pierre Boivin et le journaliste André Rousseau, qui le côtoie depuis longtemps.

En août 2011, à l'occasion de son 80e anniversaire de naissance, j'ai parlé à Jean Béliveau. Il se remettait d'une intervention pour soigner un anévrisme de l'aorte. Rappelant les nombreuses malchances l'ayant affecté au cours des 15 dernières années, il avait dit: «Mon moral est toujours resté fort. Ma carrière d'athlète m'a aidé à passer à travers ces maladies. J'ai appris depuis longtemps à composer avec de mauvaises périodes.»

Le grand numéro 4 a toujours affronté l'adversité avec panache. Il conserve la même attitude aujourd'hui.

Prompt rétablissement, M. Béliveau.