Il en aura fallu du temps. Près de quatre mois. Mais la semaine dernière, Gary Bettman a enfin répondu à la lettre que lui a adressée l'Association médicale canadienne (AMC) en novembre dernier.

Ce groupe, représentant 80 000 médecins au pays, offrait à la LNH sa collaboration dans la lutte aux commotions cérébrales. Avec raison, elle s'estimait bien placée pour sensibiliser la direction du circuit et les propriétaires d'équipe aux «effets tragiques» des traumatismes crâniens.

Alors, croyez-vous que la LNH a saisi la balle au bond et accepté de rencontrer les porte-parole de l'AMC? Bien sûr que non!

La LNH déteste qu'on se mêle de ses affaires sans y être invité. Même les travaux des réputés chercheurs de l'Université de Boston ne l'intéressent pas. Ces spécialistes du cerveau sont apparemment assez crédibles pour la Ligue nationale de football, mais pas pour la LNH.

Dans sa réponse de trois pages aux médecins canadiens, Gary Bettman n'évoque pas leur proposition de rencontre. Son texte est plutôt un plaidoyer où il décerne une médaille d'or à son circuit, soulignant ses efforts afin d'assurer la sécurité des joueurs sur la patinoire.

En août dernier, l'AMC a fait preuve de courage en adoptant une résolution dénonçant la «complaisance» des propriétaires d'équipe vis-à-vis des coups vicieux. Ce geste n'a évidemment pas plu à la LNH. Mais dans un pays fou de hockey comme le Canada, il était essentiel.

La LNH occupe en effet le sommet de la pyramide. Lorsqu'elle sanctionne mollement les comportements violents et refuse d'interdire les bagarres, elle envoie un mauvais message à la base.

Le Dr Pierre Harvey, l'auteur de la résolution, rappelle que les jeunes hockeyeurs s'inspirent de leurs héros de la LNH. Avec des conséquences parfois désastreuses.

«Pour chaque joueur de la LNH victime d'une commotion cérébrale, dix jeunes joueurs provenant du hockey mineur au Canada subissent le même sort. Est-ce là le sport que nous voulons leur léguer?», écrivait-il récemment.

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Réunis en Floride cette semaine, les directeurs généraux de la LNH n'ont pas abordé la question des commotions cérébrales ou des bagarres. Ils ont consacré leurs discussions à des sujets moins épineux, avec lesquels ils sont beaucoup plus à l'aise.

Gary Bettman a été le seul à parler du dossier des commotions, qui demeure brûlant d'actualité. Il a affirmé que leur nombre était en diminution cette saison. Pas question, cependant, de dévoiler des chiffres ou la méthodologie utilisée pour compiler les données. Il faut le croire sur parole.

Malheureusement, tant que la LNH ne jouera pas la carte de la transparence dans ce dossier, elle souffrira d'un grave déficit de crédibilité.

Cela dit, deux passages de la réponse de Gary Bettman à l'AMC sont intéressants.

D'abord, malgré les nombreux incidents violents cette saison, le commissaire soutient que les comportements évoluent dans la bonne direction.

«Nous voyons chaque soir des joueurs éviter un contact qu'ils auraient lancé il y a quelques années, en modifiant leur trajectoire pour éviter de frapper leurs adversaires par-derrière ou d'un angle mort», écrit-il.

Peut-être. Mais ce n'est pas suffisant. De Patrick Kaleta à Shawn Thornton, la liste des gestes disgracieux en 2013-2014 est longue. Ces affaires ont noirci l'image de la LNH, le seul des cinq grands sports professionnels nord-américains à tolérer des débordements semblables.

Ensuite, Gary Bettman indique que le nombre de punitions majeures pour s'être battu est en baisse. Selon ses données, après 880 matchs cette saison, elles ont diminué de 8% par rapport à 2011-2012 (dernière saison complète) et de 27% par rapport à 2010-2011. Il ajoute qu'aucun combat n'est survenu dans 604 des 880 premiers matchs cette saison, soit près de 70%.

Ironiquement, ces chiffres démontrent qu'il suffirait d'un peu de volonté politique pour les interdire. Les assistances dans la LNH n'ont jamais été aussi bonnes, ce qui détruit l'argument voulant que les bagarres constituent un argument de vente auprès du public.

Les gens pro-bagarres aiment rappeler que les amateurs se lèvent lorsque deux joueurs jettent les gants. C'est vrai. Mais ils se levaient aussi dans les années 70 et 80 durant les mêlées générales qui éclataient trop souvent. Lorsqu'on y a mis fin en adoptant des règlements musclés, les amphithéâtres ne se sont pas vidés pour autant.

Et ils ne se videront pas davantage lorsque les combats seront éliminés. Si la LNH désire sérieusement enrayer les coups à la tête, elle doit interdire les plus évidents d'entre eux, soit les coups de poing au visage. C'est le simple bon sens, comme Serge Savard, Ken Dryden et plusieurs autres l'ont souvent rappelé.

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À RDS jeudi soir, le collègue Sébastien Boucher a présenté un documentaire sur cette culture de la violence de la LNH. J'ai eu le plaisir d'y participer. Et en regardant le produit final, j'ai été frappé par deux témoignages.

Le premier est de Stéphane Quintal. L'ancien défenseur du Canadien travaille aujourd'hui pour la LNH, où il seconde Brendan Shanahan, le préfet de discipline.

À son avis, les bagarres disparaîtront «dans quelques années». Entendre un membre important de la direction du circuit s'exprimer ainsi est réconfortant. Le processus sera lent, mais la tendance de fond est là.

Le deuxième est de René Fasel, président de la Fédération internationale de hockey sur glace (FIHG), qui n'a jamais eu peur des mots. À son avis, les bagarres sont inutiles. «La LNH devrait réfléchir à éliminer ce comportement stupide et idiot.»

Pour cela, il faudra continuer de faire pression sur la LNH. Comme l'Association médicale canadienne n'hésite pas à le faire.

Nos médecins mènent le bon combat.