Après la deuxième période du match de jeudi, les États-Unis devançaient le Canada 1-0. Ces satanés États-Unis, la bête noire de nos filles en hockey féminin! Mais dans les gradins, André Ouellette ne semblait pas trop stressé.

Une casquette noire du Canada sur la tête, une veste rouge du Canada sur les épaules et un gros appareil photo suspendu au cou, le père de Caroline, la capitaine d'Équipe Canada, croyait toujours aux chances de ses préférées. «Elles ont manqué des chances, mais c'est pas grave. Si elles marquent en début de troisième, elles mettront de la pression sur les Américaines.»

M. Ouellette a vu juste. Les joueuses au chandail rouge ont patiné avec énergie dans les 20 dernières minutes de jeu et remporté une belle victoire de 3-2. Ce résultat a fait du bien à leur moral, puisque les Américaines les avaient battues lors des quatre derniers matchs préparatoires.

«C'est énorme pour notre confiance, a dit sa fille Caroline. On ne peut pas être plus fières de notre match. On a des petites choses à améliorer, mais nous serons prêtes pour la demi-finale.»

André Ouellette et sa femme Nicole n'étaient pas les seuls partisans de l'équipe dans le petit amphithéâtre bondé, où régnait une superbe ambiance. Les couleurs canadiennes virevoltaient dans tous les sens. Sidney Crosby, Carey Price, P.K. Subban et plusieurs autres joueurs de la sélection masculine étaient aussi présents, ce qui a fait plaisir aux filles.

«C'est l'fun d'avoir leur soutien, a expliqué Charline Labonté. Ils sont fantastiques avec nous, ils appuient notre sport. En septembre dernier, à Calgary, on a soupé avec eux. On a découvert les gens derrière les athlètes. Ce sont de grandes vedettes, mais de bonnes personnes. J'étais assise à une table avec Roberto Luongo, Mike Smith et Carey Price...»

Labonté a brillé devant le filet canadien. Son arrêt-clé en toute fin de deuxième période a empêché les Américaines de doubler leur avance, permettant ainsi à ses coéquipières de garder espoir.

«Je suis tellement fière pour Charline, a ajouté Caroline Ouellette. Ce sont ses quatrièmes Jeux olympiques, mais c'est la première fois qu'elle affrontait les Américaines aux Jeux. Elle était calme et confiante. Ça ne pouvait arriver à une meilleure fille, elle est vraiment extraordinaire.»

Le Canada et les États-Unis ont obtenu leur billet pour les demi-finales en terminant aux deux premiers rangs du groupe A. Ils devraient logiquement s'affronter en finale dans une semaine, un match au cours duquel les Canadiennes obtiendraient les avantages du club receveur grâce à leur meilleure fiche en ronde préliminaire.

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Si Charline Labonté a brillé, l'autre vedette du match a été Hayley Wickenheiser, la grande dame du hockey féminin. Elle était partout sur la patinoire et elle a entraîné ses coéquipières dans son sillon.

Sa passe à Meghan Agosta sur le premier but du Canada était géniale. Wickenheiser a ensuite elle-même inscrit le deuxième filet à la suite d'une action controversée, l'arbitre ayant sifflé un arrêt de jeu avant que la rondelle ne glisse lentement au fond du filet.

«Hayley Wickenheiser a toujours été bonne sous pression, a dit Labonté. Plus l'enjeu est grand, meilleure elle est. Elle a été comme ça toute sa carrière.»

À Sotchi, Wickenheiser veut gagner la médaille d'or, sans doute pour la dernière fois. Mais elle a aussi un autre objectif: être élue au sein du Comité international olympique (CIO). Jusqu'à mercredi prochain, les 3000 participants aux Jeux sont invités à choisir deux représentants au sein de la Commission des athlètes. Les gagnants deviendront du coup membres du CIO.

Dans le village des athlètes, on retrouve donc des chambres, une cafétéria, des salles de jeux et des aires de repos, mais aussi... un bureau de vote! Ce fut un des premiers arrêts des filles de l'équipe de hockey à leur arrivée en Russie, la semaine dernière.

«Nous avons toutes appuyé Hayley, a dit Caroline Ouellette. Elle ferait une représentante extraordinaire. On a aussi parlé de sa candidature à des filles d'autres équipes. On ne peut pas tenir pour acquise la place du hockey féminin aux Jeux. Voilà pourquoi il faut continuer de développer notre sport. Le retirer des Jeux entraînerait l'effet contraire: ça le tuerait.»

Wickenheiser le sait mieux que quiconque. En 2000, elle a participé aux Jeux d'été de Sydney, en softball. Ce sport a plus tard disparu du programme, brisant ainsi le rêve olympique de centaines d'athlètes.

À Vancouver, en 2010, Jacques Rogge, président du CIO, avait laissé planer un doute sur l'avenir à long terme du hockey féminin aux Jeux si la concurrence entre les équipes ne s'avivait pas.

Jeudi, Mark Adams, porte-parole du CIO, s'est fait rassurant. «Il y a de très bons matchs aux Jeux de cette année et nous sommes très satisfaits de la progression de ce sport. Il continue de se développer.»

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La journée de jeudi en a fourni l'illustration. En plus de l'excitant match entre le Canada et les États-Unis, la Finlande a vaincu la Suisse en prolongation, 4-3, dans une rencontre chaudement disputée.

Si Wickenheiser est élue au CIO, elle sera une des deux successeures de Saku Koivu - oui, oui, l'ancien capitaine du CH -, et de Beckie Scott, la formidable fondeuse albertaine, gagnante d'une médaille d'or à Salt Lake City en 2002.

«J'ai soumis mon nom avec plaisir, a expliqué Wickenheiser. Ultimement, les Jeux olympiques sont d'abord à propos des athlètes. C'est important que notre voix soit entendue au CIO.»

Ces élections sont tenues aux Jeux d'hiver et d'été. Les mandats de huit ans s'amorçant à des dates différentes, le renouvellement est continu.

Parmi les autres candidats, on retrouve de grands athlètes comme le skieur suisse Didier Cuche, le biathlonien Ole Einar Bjorndalen et le skieur de fond italien Pietro Piller-Cottrer. Ils n'ont pas le droit de faire campagne, mais chacun a publié une déclaration diffusée par le CIO.

Celle de Wickenheiser va droit au but: «Je veillerai à ce que vos efforts, votre sueur, vos larmes et vos sacrifices ne soient pas dominés par les gros enjeux commerciaux du sport. Les Jeux olympiques, c'est VOUS, les athlètes. Sans votre détermination et votre engagement, le mouvement olympique n'existerait tout simplement pas.»

Avouons que l'agenda de Wickenheiser pourrait animer quelques discussions si elle se retrouve membre du CIO...

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Le MS Louis Olympia est un bateau de croisière amarré dans le port d'Adler, à deux pas du village olympique.

C'est dans une de ses cabines que Nicole et André Ouellette, comme les parents de la plupart des autres athlètes canadiens, ont élu domicile durant leur séjour à Sotchi. Deux autres navires ont aussi été transformés en hôtels pour la quinzaine olympique.

«On avait un peu peur en arrivant en raison de toutes les interrogations à propos de la sécurité, dit Mme Ouellette. Des amis nous ont même suggéré de ne pas venir. Mais tout se déroule super bien. Le bateau est un peu vieux, mais on a l'internet gratuit et le petit-déjeuner compris. Ça coûte cher, mais c'est ben l'fun!»

Retraité de Postes Canada, où il a été facteur durant 35 ans, M. Ouellette en est à sa première visite aux Jeux olympiques. En 2010, il a cédé sa place à Nadine, la soeur de Caroline. «C'était son cadeau de Noël...»

Nicole, en revanche, a applaudi sa fille à Salt Lake City, Turin, Vancouver et Sotchi. «C'est toujours très excitant.»

- Contents de voir votre fille capitaine de l'équipe?

- On ne s'y attendait pas du tout, répond Nicole, infirmière à la retraite. Elle nous a dit de rester humbles, mais on est super fiers. Pour elle, l'équipe passe toujours en premier. Toujours.»

André Ouellette ajoute: «Caroline, elle connaît son hockey...»

Avec les trois membres de la famille Ouellette, des gens super sympathiques, il y a un petit parfum du quartier Rosemont, à Montréal, durant ces Jeux. Et si vous voulez mon avis, Sotchi en est la grande gagnante.

Réunion annulée: tout va trop bien

Les Jeux de Sotchi vont si bien que Thomas Bach, président du CIO, a annulé jusqu'à nouvel ordre la réunion de coordination entre les différentes instances responsables de l'organisation des Jeux.

Cette rencontre quotidienne sert à trouver des solutions à des problèmes concrets survenant durant les Jeux. Mais tous les participants y perdaient leur temps, semble-t-il. M. Bach évoque «le grand succès rencontré jusqu'ici» pour justifier sa décision.

Pour le comité organisateur russe, l'hommage est complet.