Ce n'est pas seulement un changement d'entraîneur que l'Impact a annoncé mercredi, mais plutôt une réorganisation en profondeur de son volet sportif. Après deux années en Major League Soccer (MLS), Joey Saputo chambarde le modèle en place et confie des pouvoirs élargis à son nouveau lieutenant, Frank Klopas.

«Si on fait bien, ce sera grâce à lui, explique le président de l'équipe. Si on fait mal, il sera imputable.»

Bref, l'Impact fait un trait sur le modèle hybride qui a longtemps caractérisé sa gestion. Entre Joey Saputo, Nick De Santis et l'entraîneur du moment, on ne savait jamais trop bien qui tirait les ficelles au quotidien.

Cette fois, c'est clair: Klopas, armé d'un contrat de trois ans et du titre de directeur du personnel, est aux commandes. Ce sera à lui de choisir les joueurs de la formation. De Santis devra remplir la commande lorsqu'il exigera du renfort à une position.

Même s'il sera de toutes les discussions et demeure le patron en titre, l'influence de De Santis sur la composition de l'équipe diminue. Saputo comptera notamment sur lui pour entretenir l'excellent réseau de relations de l'Impact en Europe et en Amérique du Sud.

L'annonce d'un nouvel entraîneur est malheureusement devenue un événement annuel chez l'Impact. L'organisation, n'en doutez pas, perçoit le ridicule de la situation. Le désir d'assurer de la stabilité à ce poste explique en partie la durée du contrat accordé à Klopas.

À l'aise devant un micro et capable de fournir des réponses étoffées, Klopas ne s'est pas inquiété du court mandat d'une saison de ses deux prédécesseurs.

«J'ai confiance en moi et je planifie à long terme, a-t-il dit. Mes expériences de joueur et d'entraîneur, comme les erreurs que j'ai commises, m'ont enseigné beaucoup de choses. Elles ont fait de moi une meilleure personne.»

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Klopas a dirigé le Fire de Chicago durant presque trois ans. Sa fiche, acceptable, ne lui a cependant pas évité le congédiement en octobre dernier. Ironiquement, le Fire a été devancé par l'Impact pour la dernière place en séries éliminatoires de l'Association de l'Est.

Dans ce contexte, Marco Schällibaum se demande sûrement pourquoi ses services n'ont pas été retenus. La décision a été difficile pour l'Impact et Joey Saputo a attendu jusqu'au week-end dernier pour trancher.

Au bout du compte, le Volcan suisse n'a pas seulement été victime du mauvais dossier de l'équipe dans la dernière ligne droite du calendrier. Mais surtout du jeu brouillon des siens, signe d'une équipe mal préparée et incapable d'adapter son plan de match à ses adversaires.

De Santis a d'ailleurs eu cette observation révélatrice durant son entretien avec les journalistes: «Un entraîneur doit faire ses devoirs pour comprendre la MLS. Il n'y a pas de match facile.»

Après avoir misé sur la carte américaine avec Jesse Marsch à sa première saison en MLS, l'Impact a choisi la voie européenne avec Schällibaum en 2013. Malgré des résultats acceptables sur le terrain, les deux expériences se sont soldées par un échec.

Saputo croit Klopas capable d'incarner ces deux cultures du soccer. L'idée est de trouver un juste milieu entre, d'une part, la réalité nord-américaine de la MLS et, d'autre part, la saveur européenne de l'Impact, qui définit en partie sa personnalité.

«Frank a de l'expérience en MLS et comprend la mentalité européenne, explique Saputo. Nous avons besoin de quelqu'un connaissant bien la ligue. Le seul côté négatif, c'est qu'il ne parle pas français.»

Le critère de la langue est donc devenu secondaire chez l'Impact. En revanche, il est vrai que les candidats francophones familiers avec la MLS ne courent pas les rues.

Sans surprise, Klopas dit vouloir apprendre la langue officielle du Québec. En compagnie de son épouse, il a souvent visité Montréal en touriste. Le caractère distinct du Québec ne lui échappe pas. «Je dois m'adapter à cet environnement unique. Ce ne sera pas facile d'apprendre la langue, mais je ferai de gros efforts.»

On verra dans un an si Klopas imitera Jesse Marsch, qui a pris cet engagement très au sérieux.

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La confirmation du départ de Schällibaum n'est pas une surprise. Après tous les doutes qu'il a exprimés à son endroit le mois dernier, Joey Saputo aurait dû se farcir plusieurs contorsions sémantiques pour justifier son retour.

L'embauche de Klopas n'est pas flamboyante. Mais puisqu'elle coïncide avec une refonte majeure de l'organisation, il s'agit néanmoins d'un coup de poker. Saputo nommera aussi en 2014 un vice-président aux opérations sportives, qui chapeautera l'équipe, l'Académie et les écoles de soccer.

Klopas est connu et respecté en MLS. Sa présence rassurera Don Garber. Aucune ligue n'aime les enfants turbulents et le commissaire en avait sûrement ras le bol de l'indiscipline montréalaise.

Les suspensions imposées à Schällibaum, combinées au triste comportement de l'Impact lors du match éliminatoire à Houston, ont affecté la réputation de l'organisation. La suspension décernée à Marco Di Vaio, qui ratera les trois premiers matchs de la saison 2014, a constitué un rappel à l'ordre.

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Frank Klopas saura-t-il s'imposer dans ses nouveaux quartiers? Ce ne sera pas toujours facile, surtout lorsque l'Impact subira quelques revers d'affilée. Il ne manquera pas de gens dans les bureaux de l'équipe pour lui suggérer les ajustements à apporter.

Alors, commençons par lui souhaiter au moins deux ans à la barre de l'équipe. Il s'agirait déjà d'un pas en avant pour l'organisation.