Ne comptez pas sur moi pour applaudir Brendan Shanahan, qui a suspendu James Neal pour cinq matchs en raison de son coup de genou à la tête de Brad Marchand. Compte tenu du caractère volontaire du geste, il s'agit d'une autre sanction molle dont la LNH se fait une spécialité.

Dans les heures qui ont suivi ce pathétique match entre les Penguins et les Bruins, Shanahan a vite annoncé ses couleurs. Il n'a pas convoqué Neal en personne pour s'expliquer, jugeant suffisant un entretien téléphonique.

L'attaquant des Penguins a sûrement poussé un soupir de soulagement. Car en vertu de la convention collective, seules les convocations en personne peuvent générer des suspensions de six rencontres et plus. Shanahan a donc écarté sur-le-champ une sanction sévère. Cela indique l'inertie de la LNH face à la violence.

Le geste de Neal réunissait pourtant tous les éléments dignes d'une punition exemplaire.

Voici comment Shanahan décrit les faits dans sa vidéo explicative: «Neal voit clairement Marchand... il a assez de temps pour l'éviter... il patine directement vers sa tête... il baisse les yeux vers lui, tourne ses patins et étend la jambe gauche, assurant qu'un contact ait lieu avec la tête de Marchand...»

C'est exactement ce qui s'est produit. Mais la LNH étant la LNH, Shanahan fournit deux motifs atténuants: Neal n'a pas «violemment» projeté sa jambe sur Marchand et celui-ci n'a pas été blessé.

Shanahan me fait penser à un étudiant qui, dans un examen de mathématiques, décrit parfaitement la séquence des opérations, mais en arrive tout de même au mauvais résultat.

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La sanction à Neal n'aura aucun effet dissuasif. Tout comme les ridicules deux matchs de suspension imposés à Dion Phaneuf (Toronto) pour sa dangereuse mise en échec sur Kevin Miller (Pittsburgh) dimanche. Pour faire réfléchir les joueurs, il faudra des suspensions avec des dents.

Le hockey n'est pas différent des autres activités humaines. Que ce soit pour lutter contre l'alcool au volant ou la vitesse excessive sur les routes, seules des sanctions dures modifient les comportements.

Comme plusieurs, j'ai longtemps pensé que les joueurs contribueraient un jour à nettoyer leur sport. J'en suis moins sûr aujourd'hui.

Lundi, mon collègue Marc Antoine Godin a interrogé quatre joueurs du Canadien sur les événements du match Bruins-Penguins. Sa conclusion est limpide: «Chacun d'eux, dans différents tons de gris, a excusé le geste de Shawn Thornton, qui a pourtant assailli violemment Brooks Orpik après que ce dernier eut plaqué Loui Eriksson...»

On verra si Shanahan aura le culot de punir sévèrement Thornton. Il le rencontrera en personne vendredi.

Les joueurs ne sont pas des agents de changement. C'est la même chose dans la NFL, où plusieurs d'entre eux ont condamné les nouveaux règlements visant à mieux les protéger.

Quant à l'Association des joueurs de la LNH, elle défend les intérêts économiques de ses membres. Si l'un d'eux est passible d'une suspension, c'est lui qu'elle protégera, puisqu'il encourt une perte de salaire. Tant pis pour la victime qui, de toute façon, continuera de toucher sa paie.

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Alors, y a-t-il espoir de s'en sortir? Oui, de deux façons.

La première, et la plus simple, serait que le commissaire et les propriétaires d'équipe reconnaissent l'existence du problème. S'ils donnaient aux directeurs généraux le mandat de trouver une solution, de nouveaux règlements seraient vite adoptés.

Les chances que cela survienne sont cependant minuscules, à moins qu'un incident encore plus grave se produise. Sous le règne de Gary Bettman, les coups illégaux sont un problème ponctuel, pas une tendance lourde à stopper.

La deuxième, plus délicate, passe par une intervention judiciaire ou gouvernementale. Le recours des anciens joueurs de la LNH en constitue un exemple. D'éventuelles poursuites contre des joueurs fautifs, ou une convocation des dirigeants devant une commission parlementaire, feraient aussi réfléchir la LNH.

Car s'il y a une chose que les organisations de sport détestent, c'est lorsque l'État, d'une manière ou d'une autre, s'immisce dans leurs affaires. Ce fut le cas dans la NFL, comme l'a démontré le documentaire League of Denial.

Convoqué par un comité de la Chambre des représentants à Washington en 2009, le commissaire Roger Goodell a été affronté par une élue, qui a comparé l'attitude de la NFL face aux commotions cérébrales à celle de l'industrie du tabac face au cancer.

Cette image forte a fait mal à la NFL. Résultat, Goodell a mis fin au statu quo et la ligue a adopté des initiatives pour lutter contre ce fléau.

Historiquement, les changements les plus significatifs dans le sport se sont produits sous influence externe. Ainsi, si les tribunaux n'étaient pas intervenus dans les années 1970, les ligues n'auraient jamais accordé aux joueurs leur autonomie.

Alors je suggère une piste: et si l'Assemblée nationale du Québec donnait le ton? Si une commission parlementaire s'intéressait aux commotions cérébrales dans le sport, une blessure qui touche des milliers de jeunes Québécois et qui représente un problème important de santé publique?

Compte tenu de leur énorme influence, les principaux acteurs du hockey au Québec, aux niveaux professionnel, junior majeur et amateur, seraient invités à participer à cette réflexion. Ils pourraient expliquer ce qu'ils font, et ne font pas, pour en diminuer le nombre.

Accueilleraient-ils l'initiative avec joie? Sans doute pas. Mais il s'agirait d'une étape intéressante dans la recherche de solutions pour les athlètes de tous les sports et tous les âges.

D'autres juridictions, au Canada et aux États-Unis, emboîteraient peut-être le pas, ce qui augmenterait la pression sur la LNH.

Dans la NFL, la recette a fonctionné.