Le 10 novembre dernier n'a pas été une bonne journée pour le Comité international olympique (CIO). Ce jour-là, les citoyens de la grande région de Munich ont dit non à la candidature de leur ville à l'organisation des Jeux d'hiver de 2022.

Pour Thomas Bach, le nouveau président du CIO, l'affront a fait mal. Il espérait que son pays, l'Allemagne, soit sur les rangs. Cette déception s'est ajoutée à celle de mars dernier, lorsque les habitants de Davos et de Saint-Moritz ont aussi refusé l'aventure.

Lorsque deux pays prospères, démocratiques et politiquement stables envoient un tel message, on peut croire que le CIO réfléchira aux coûts ahurissants liés à l'organisation des Jeux et aux préoccupations environnementales des opposants. Mais rien n'est moins sûr.

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René Fasel était à Montréal la semaine dernière. Président de la Fédération internationale de hockey sur glace, il est aussi membre du CIO, où il siège à la puissante Commission exécutive. Il a travaillé de près avec les organisateurs des Jeux de Vancouver et accompagne ceux de Sotchi (2014). Il a aussi mené les négociations afin d'assurer la présence des joueurs de la LNH aux prochains Jeux.

Bref, M. Fasel est une grosse pointure du sport international. Aucune question n'indispose cet homme affable. Mais ses propos illustrent à quel point le CIO, souvent audacieux sur le plan sportif, refuse de réévaluer son discours au chapitre des finances. Car à l'en croire, le problème rencontré par le CIO en Suisse et en Allemagne est d'abord d'ordre pédagogique.

«Ce vote négatif est décevant, dit-il. Et c'est difficile de comprendre pourquoi. Les arguments des adversaires ne sont pas justes. Le CIO ne mérite pas cette image. Il faudra qu'on fasse une meilleure information pour expliquer.»

Ainsi, M. Fasel indique que le coût des Jeux d'hiver, en tenant uniquement compte de l'organisation des compétitions, est inférieur à

2 milliards US, une somme financée par le CIO (contribution de 600 à 700 millions US), la vente des billets et le sponsoring. Et il rappelle le succès des Jeux de 2010.

«Je pense que pour les

50 prochaines années, Vancouver a gagné, dit-il. La ville n'a pas perdu d'argent avec l'organisation des Jeux et ses infrastructures ont été améliorées.

- Mais la facture de 50 milliards à Sotchi?

- Il n'y avait rien, ils sont partis de zéro. C'est un investissement pour les 100 prochaines années. Imaginez si aujourd'hui il fallait reconstruire Verbier, Zermatt ou Saint-Moritz...»

L'ennui, c'est que le CIO semble favoriser les candidatures où les gouvernements sont prêts à pomper des sommes hallucinantes pour accueillir les Jeux: infrastructures de transport et hôtelières, nouveaux stades...

La Fédération internationale de football (FIFA), responsable de la Coupe du monde de soccer, souffre de la même dépendance. Le choix du Qatar, qui investira 200 milliards US en vue du tournoi de 2022, l'illustre bien.

C'est cela qui fait mal, pas le budget organisationnel.

Pas étonnant qu'en Europe de l'Ouest, des contribuables s'inquiètent de cette folie des grandeurs. Que le CIO le veuille ou non, Sotchi a lancé un signal d'alarme pour plusieurs pays.

«On met souvent la faute sur le CIO, mais on n'exige rien, justifie M. Fasel. Les villes candidates connaissent les conditions pour organiser les Jeux et les acceptent. Après, on est toujours en train de calmer les ardeurs de certains. On leur dit de faire de plus petits stades.»

Le CIO et la FIFA devraient calmer les ardeurs avant, dès le dossier initial de présentation, pas après. Cela éviterait une situation comme celle du Brésil, où les citoyens réalisent que la présentation de la Coupe du monde de soccer de 2014 et des Jeux d'été de

2016 sera un fardeau pour les finances publiques.

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Quelle sera l'ambiance à Sotchi? Pour l'instant, tout indique qu'un visiteur arborant une épinglette arc-en-ciel ne sera pas arrêté. C'est l'assurance donnée par Dimitri Chernyshenko, le président du comité organisateur, dans une entrevue au USA Today la semaine dernière.

Malgré tout, la loi homophobe votée par le parlement russe suscite toujours des craintes. Marcel Aubut, président du Comité olympique canadien (COC), a d'ailleurs été interrogé à ce sujet, mardi, en comité parlementaire à Ottawa. C'est signe que les élus sont préoccupés.

L'emprisonnement de chanteuses du groupe Pussy Riot et l'arrestation de militants de Greenpeace noircissent aussi la réputation de la Russie. Mais René Fasel demeure convaincu que ce pays organisera de beaux Jeux.

«Je vais très souvent en Russie, et l'image que j'en ai n'est pas celle que certains médias en Occident veulent bien montrer, dit-il. C'est dommage. Ces gens-là devraient aller en Russie et voir l'hospitalité des gens et leur passion pour les sports d'hiver...»

Il est normal que M. Fasel défende les Jeux de Sotchi. À moins de trois mois de la cérémonie d'ouverture, le CIO veut raviver l'enthousiasme, sérieusement ébranlé par les nouvelles des derniers mois.

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Les Jeux de Sotchi terminés, souhaitons que le CIO analyse sans idées préconçues les résultats des référendums en Suisse et en Allemagne. Et cela, même si les citoyens d'Oslo, en Norvège, ont approuvé la candidature de leur ville aux Jeux de 2022.

Le maire de Munich, Christian Ude, a déjà fourni une piste de réflexion après le référendum du 10 novembre. Une partie de la population, dit-il, est «devenue plus critique envers les mégaévénements sportifs».

Aussi longtemps qu'on ne sentira pas une volonté ferme du CIO de contrôler le coût des Jeux, d'autres pays diront non.