Lorsque les joueurs ont déclenché la grève, le 12 août 1994, les Expos composaient la meilleure équipe des ligues majeures. Leur avance au sommet de la division Est était de six matchs et Montréal vibrait au rythme du baseball.

Hélas, le conflit a entraîné l'annulation du reste de la saison. Au printemps suivant, les Expos ont procédé à une «vente de feu» et ce merveilleux groupe a été démantelé. J'entends encore Marquis Grissom murmurer, après son échange aux Braves d'Atlanta: «Pourquoi les Expos m'ont-ils fait ça? Je ne voulais pas partir...»

La rupture a été brutale. Et les partisans des Z'Amours n'ont jamais salué les héros de cette saison à la fois magique et catastrophique. Vingt ans plus tard, l'heure des retrouvailles sonnera enfin.

Le 29 mars, à l'occasion du match entre les Blue Jays de Toronto et les Mets de New York au Stade olympique, le gérant Felipe Alou, son fils Moises, Marquis Grissom, Jeff Fassero, John Wetteland, Rondell White, Cliff Floyd et plusieurs autres seront présentés à la foule. En soirée, un banquet sera tenu en leur honneur au Reine Élizabeth.

«Cette équipe a été la meilleure de l'histoire des Expos, dit Warren Cromartie. La grève a mis fin à leurs espoirs. Les gars n'ont jamais eu l'hommage qu'ils méritaient. Ce sera enfin leur tour.»

Cromartie, qui célébrera ses 60 ans dimanche, est derrière ce projet. Dans son esprit, cette fête représente une étape supplémentaire dans l'espoir de redonner à Montréal ses Expos, un rêve qu'il caresse depuis plusieurs mois.

Au tournant des années 80, Cromartie était une vedette de l'équipe. Il s'est marié avec une fille de Baie-Saint-Paul, Carole Ringuet, avec laquelle il a eu trois enfants et qui demeure sa meilleure amie. Lorsqu'il parle de Montréal, il utilise toujours le «nous». La ville est imprégnée dans son coeur, même s'il réside à Hollywood, en Floride.

«Hé, cet endroit est comme un p'tit Québec, dit-il en riant. Montréal et le Québec ont fait de moi l'homme que je suis. Et je suis loyal. Mes connexions sont ici.»

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Si Montréal retrouve un jour ses Expos, il faudra doter le Stade d'une plaque en l'honneur de Cromartie. Il met sa notoriété, son énergie et son imagination au service du projet. «C'est ma destinée, dit-il. Je me lève et je me couche en y pensant...»

Cromartie est conscient de l'importance des deux matchs présaison de mars prochain pour lancer un message positif au baseball majeur. Près de la moitié des billets ont été vendus et il souhaite que le Stade soit bondé.

«Il y a un an et demi, j'ai vu 60 000 personnes au Stade olympique pour applaudir un joueur de soccer, David Beckham», dit-il, évoquant l'affrontement entre le Galaxy de Los Angeles et l'Impact au printemps 2012. Il est convaincu que son sport possède une aussi grande force d'attraction: «Le baseball est viable à Montréal».

Cette impression devra être vérifiée par des données crédibles. Plus tard cet automne, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain rendra publics les résultats complets d'études menées au coût de 400 000 $.

Hier, Michel Leblanc, président de la Chambre, a dévoilé quelques chiffres tirés d'un sondage de Léger Marketing auprès de 1600 répondants habitant le Grand Montréal.

Ainsi, 69% des gens appuient le retour du baseball majeur, 11% s'y opposent (surtout en raison des coûts) et les autres ne se prononcent pas.

De plus, 40% affirment qu'ils achèteraient des billets si le prix était de 40$. Selon Michel Leblanc, la moyenne dans le baseball majeur est de 27$. «On a donc une base prête à payer le prix pour du baseball de qualité», dit-il.

Il faudra aussi voir si les gens se procureraient des abonnements saisonniers. Et si les entreprises investiraient dans des loges et des sièges de luxe. Dans le sport professionnel, ces trois produits sont au coeur de l'équilibre des comptes.

La question du stade devra aussi être analysée. Michel Leblanc assure que l'étude de faisabilité éclaircira les possibilités. La discussion publique aura ensuite lieu.

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Le baseball majeur n'envisage pas d'expansion. Seule la relocalisation d'une équipe existante permettrait à Montréal de retrouver ses Expos.

Le seul cas problème est actuellement celui des Rays de Tampa Bay, qui souhaitent un nouveau stade. Malgré une fiche gagnante, l'équipe est à la traîne sur le plan des assistances. Mais le commissaire Bud Selig cherche une solution. Il est donc loin d'être certain qu'une équipe devienne disponible.

Cela dit, il est utile de prendre la température de l'eau. «Les conditions actuelles sont différentes de celles qui existaient au départ des Expos, dit Michel Leblanc. Les droits de télévision sont plus élevés, les stades sont plus petits et un système de partage des revenus existe. Le modèle d'affaires a changé.»

On verra la suite lorsque toutes les études seront déposées. Pour l'instant, notons ce changement, presque inimaginable il y a peu, et bien résumé par Warren Cromartie: «La ville parle de nouveau de baseball.»