Dans le monde du soccer, l'affaire suscite des réactions enflammées. Dimanche dernier, après d'âpres négociations, l'équipe anglaise de Tottenham a vendu l'attaquant Gareth Bale au Real Madrid.

Peu importe si la somme versée atteint vraiment 100 millions d'euros (139 millions CAN) - selon certains médias, le montant serait lègèrement moins élevé -, ce transfert provoque un débat sur l'avenir financier, et même éthique, de ce sport en Europe.

Ce n'est pourtant pas la première fois qu'un joueur-vedette est vendu pour un montant vertigineux. Dans le passé, Cristiano Ronaldo, Zinédine Zidane et plusieurs autres vedettes ont été cédées à gros prix. Et cet été, le Paris Saint-Germain a versé 64 millions d'euros (89 millions CAN) à l'équipe de Naples pour obtenir l'Uruguayen Edinson Cavani.

Si l'affaire Gareth Bale fait figure de symbole, c'est parce que le montant de son transfert atteint potentiellement 100 millions d'euros (139 millions CAN). Dans une Europe qui tarde à récupérer d'un grave ralentissement économique, ce chiffre frappe l'imagination.

Pour nous, Nord-Américains, le système économique du soccer européen est étonnant. Les joueurs peuvent être vendus d'un club à l'autre, comme des biens immobiliers.

Les meilleurs d'entre eux ont néanmoins un mot à dire sur leur avenir. Avant de verser des millions à une autre organisation en retour d'un joueur, une équipe doit s'assurer que celui-ci est intéressé à joindre ses rangs.

Gareth Bale, par exemple, souhaitait s'aligner avec le Real Madrid. Sa nouvelle équipe lui a accordé un contrat de six ans qui, selon la BBC, lui rapportera 18,5 millions d'euros (25,7 millions CAN)par saison.

Plusieurs joueurs changent d'adresse durant le mercato d'été, ce grand marché de plusieurs semaines qui génère une extraordinaire couverture médiatique. Celui de cette année a pris fin lundi après des achats totalisant des centaines de millions.

Malgré son importante dette accumulée, le Real Madrid génère des revenus si importants qu'il peut se permettre un coup d'éclat comme l'embauche de Gareth Bale. Tous sports confondus, aucun club n'a une plus grande valeur.

Au classement 2013 du magazine Forbes, le Real pèse 3,3 milliards US, devant le Manchester United (3,1 milliards), le FC Barcelone (2,6 milliards), les Yankees de New York (2,3 milliards) et les Cowboys de Dallas (2,1 milliards). Une seule équipe de la LNH se faufile dans le top 50, les Maple Leafs de Toronto (1 milliard), au 31e rang.

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Gerardo Martino, l'entraîneur du FC Barcelone, a été un des premiers à décrier le montant du transfert de Bale, qualifiant l'affaire de «manque de respect pour le monde dans lequel nous vivons».

En Espagne, le taux de chômage atteint 25%. Les jeunes sont particulièrement touchés. Dans ce contexte, cette analyse mérite réflexion.

En revanche, Martino n'a pas rappelé qu'en juin dernier, sa propre équipe a versé 57 millions d'euros (79,2 millions CAN) pour obtenir l'espoir brésilien Neymar. Les dirigeants du FC Barcelone ne sont pas les mieux placés pour faire la morale.

Michel Platini, le grand patron du soccer européen qui se bat pour implanter des règles de fair-play financier, a été plus terre à terre. Dans une entrevue à L'Équipe, il a déclaré: «Si le Real avait acheté 3 joueurs à 30 millions, personne n'aurait rien dit. Cela ne me pose pas de problème si le club acheteur a les moyens.»

Malgré l'ampleur de ce transfert, le risque financier du Real Madrid semble modeste. Dans les heures qui ont suivi l'acquisition de Bale, l'équipe a regarni en partie ses coffres. Elle a cédé un joueur de premier plan, Mesut Özil, pour 50 millions d'euros (69,5 millions CAN) au club anglais Arsenal.

Si Bale confirme son talent en Espagne, le Real Madrid touchera aussi une fortune grâce aux produits dérivés. À titre indicatif, le quotidien suisse Le Temps rappelait hier qu'après l'arrivée de Cristiano Ronaldo au club en 2009, les ventes de maillots à son nom avaient rapporté plus de 100 millions d'euros!

Bref, pour le Real Madrid, Gareth Bale vaut sûrement le montant versé. En revanche, pour l'équilibre de la ligue espagnole, son arrivée consolide un système à deux vitesses.

«La ligue est ennuyante, dit Diego Simeone, l'entraîneur de l'Atletico Madrid. Le Real Madrid et le FC Barcelone jouent dans un circuit à part. C'est dommage pour les partisans des autres équipes...»

En France, un phénomène semblable se dessine. Les clubs de Paris Saint-Germain et de Monaco dépensent allègrement. Au bout du compte, comme en Espagne, l'équilibre du championnat national s'en ressentira. Mais ces deux puissances, à l'image du Real Madrid et du FC Barcelone, veulent surtout se distinguer dans les championnats européens.

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Dans les circuits professionnels nord-américains, des freins existent pour empêcher les équipes les plus riches de profiter de leur situation financière.

La NFL a toujours été agressive à ce sujet. Une équipe comme les Packers de Green Bay, qui évolue dans un petit marché, est ainsi très compétitive.

Dans la LNH, il a fallu l'implantation du plafond salarial en 2005 pour favoriser l'équilibre des chances.

Même le baseball, longtemps réfractaire à des mesures semblables, oblige les équipes dépensant au-delà d'un seuil déterminé à payer une taxe spéciale.

Le soccer européen n'en est pas là. De nouvelles règles visent à décourager les clubs de faire des déficits. L'initiative est louable, mais demeure insuffisante. Il faudra un jour mieux encadrer les systèmes de transferts.

En janvier dernier, la Commission européenne a déposé un rapport étoffé sur cette question.

Le débat ne fait que commencer.

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Sources: Fox News, BBC, Skysports, L'Équipe, Le Temps, Le Monde.