Gary Bettman et Bill Daly sont des hommes inquiets. Leur plan de sauvetage des Coyotes de Phoenix a du sable dans l'engrenage. Dans l'espoir de maintenir le hockey dans le désert, ils ont lancé hier une offensive tous azimuts.

«Le temps file et la Ville de Glendale devra bientôt prendre une décision», a dit le commissaire de la LNH.

Son adjoint Bill Daly a ajouté: «C'est possible que les Coyotes ne jouent pas en Arizona la saison prochaine.»

Les véritables destinataires de ces propos n'étaient pas les journalistes réunis autour d'eux avant l'ouverture de la finale de la Coupe Stanley. Mais plutôt les élus municipaux de Glendale, qui n'ont toujours pas décidé s'ils pomperaient 15 millions par année dans les fonds publics pour préserver le rêve du commissaire.

On peut tirer trois conclusions des propos de Bettman et Daly.

D'abord, les négociations entre Renaissance Sport & Entertainment (RS & E), le groupe intéressé par l'acquisition des Coyotes, et la Ville de Glendale ne progressent pas au rythme souhaité par la LNH. Si un accord était à portée de main, Bettman aurait tenu un autre discours.

Ensuite, la LNH semble écarter la possibilité de demeurer propriétaire des Coyotes si la vente à RS & E ne se concrétise pas. D'abord prévue comme un arrangement temporaire, cette situation absurde dure depuis bientôt quatre ans. Bettman semble estimer que l'élastique a été tiré à son maximum.

Enfin, une date butoir est évoquée. Le 27 juin, le Bureau des gouverneurs de la LNH se réunira. Le commissaire a laissé entendre qu'une solution devrait être trouvée à cette date.

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La balle est désormais dans le camp du maire de Glendale, Jerry Weiers, et des six autres membres du conseil municipal.

Le problème des élus est simple. Dans le budget de l'année fiscale qui commence le 1er juillet prochain, ils ont alloué 6,5 millions au futur gestionnaire du Jobing.com Arena, le domicile des Coyotes. Or, les acquéreurs pressentis exigeraient plutôt 15 millions, seule manière de boucler un plan d'affaires cohérent.

Dans un contexte économique difficile - Glendale ne pourvoira pas 80 postes vacants, dont certains occupés par des policiers et des pompiers -, le conseil municipal doit décider si cette aide est justifiée.

La position du maire Weiers est délicate. Après son élection en novembre dernier, il a déclaré que les Coyotes ne devaient plus utiliser la Ville comme «caisse enregistreuse».

En revanche, le maire doit évaluer si l'absence des Coyotes diminuera l'affluence au Westgate Center, l'immense centre commercial situé près de l'amphithéâtre.

Bettman a d'ailleurs tapé sur ce clou, hier, disant être «inquiet» des répercussions du départ de l'équipe sur l'économie locale, notamment «les commerces et les employés de Westgate».

Non, Bettman n'a pas montré le même attachement aux gens travaillant à Place Fleur de Lys, le centre commercial près du Colisée, lorsque les Nordiques ont quitté Québec en 1995...

Pour garder les Coyotes en Arizona, Bettman a consenti aux acheteurs potentiels des conditions fabuleuses, notamment un prêt de 85 millions aux modalités souples de remboursement.

Selon le magazine Forbes, le financement comporte un autre prêt de 120 millions, accordé par une société financière américaine. Cette somme serait remboursée par les contribuables de Glendale, à même la somme versée pour la gestion de l'amphithéâtre.

La divulgation de cette nouvelle le mois dernier a causé du remous et est tombée à un bien mauvais moment pour Bettman.

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Compte tenu de tout ceci, une question est sur toutes les lèvres ce matin: le retour des Nordiques à Québec est-il possible dans les prochains jours?

Le scénario le plus probable demeure le maintien des Coyotes à Glendale. En revanche, il ne faut pas exclure la possibilité qu'ils déménagent à Québec, la seule ville d'Amérique prête à recevoir à très court terme une équipe de la LNH.

Même si les relations entre la LNH et le groupe Québecor n'ont pas toujours été harmonieuses, notamment dans le dossier de l'exclusivité de la diffusion des matchs du Canadien à RDS, l'entreprise possède la volonté et la capacité d'administrer une équipe.

L'embauche d'Aldo Giampaolo comme président du secteur Divertissement et Sports de Québecor, annoncée plus tôt cette semaine, est significative. Voilà un homme crédible, compétent et bien connecté dans le milieu.

Québecor possède aussi un réseau de télévision sportive rêvant de diffuser les matchs des néo-Nordiques afin de renforcer son écoute.

Bref, Gary Bettman peut rarement se retourner vers une ville possédant autant d'atouts. La taille du marché de Québec demeure modeste, mais le succès des nouveaux Jets de Winnipeg depuis deux ans rassurera sûrement la LNH. Et en attendant l'ouverture du nouvel amphithéâtre en 2015, le Colisée est disponible.

Sans surprise, le commissaire a indiqué que plusieurs alternatives s'offraient au circuit si la vente des Coyotes à RS & E n'était pas conclue. C'est de bonne guerre.

Mais la réalité, c'est que ni Seattle, ni Markham, ni Kansas City ne sont prêts à héberger les Coyotes. Quant à la dissolution de la concession, ce n'est pas un scénario qui plairait à l'Association des joueurs.

Les gens de Québec ne doivent pas mettre le champagne au frais. Ce serait nettement prématuré. N'empêche qu'avec ses propos d'hier, Gary Bettman a abattu sa dernière carte dans l'espoir de sauver les Coyotes de Phoenix. On saura bientôt s'il remportera la mise.