Carey Price possède les atouts athlétiques pour réussir dans la LNH. Mais Montréal est-il le bon endroit pour lui permettre d'exprimer tout son talent?

Après six années avec le Canadien, le débat à ce sujet demeure entier. Bizarrement, c'est Price lui-même qui l'a relancé, samedi, en exprimant son malaise de jouer dans une ville où le hockey suscite les passions.

«Je m'ennuie de l'anonymat, a-t-il dit. C'est impossible d'y arriver ici. Je ne sors plus faire l'épicerie. Je ne fais presque plus rien, en vérité. Je suis comme un Hobbit dans son trou.»

Ces propos sont troublants. Ils ne donnent pas l'image d'un sportif bien dans sa peau qui, en théorie, devrait savourer les plus belles années de sa vie.

Price est jeune, populaire, riche et en santé. Mais s'il étouffe dans sa ville d'adoption, les chances qu'il conduise un jour le Canadien à la Coupe Stanley sont nulles ou presque.

Marc Bergevin avoue avoir été «surpris» par la déclaration de Price. «Si c'est vraiment un problème, et j'aurai cette discussion avec lui, on fera tout pour bien l'entourer afin qu'il franchisse cette étape.»

Puis, faisant appel à son sens de l'humour, le DG du Canadien s'est proposé pour faire l'épicerie à la place de son gardien...

Au-delà de la blague, Bergevin réalise fort bien que Price devra atteindre un niveau de sérénité adéquat pour combler les attentes placées en lui.

«Être gardien de but est une position très difficile, a-t-il ajouté. C'est normal qu'un jeune ressente de la pression, encore plus dans un gros marché. Il ne faut pas oublier que Carey a 25 ans. Tous ceux qui ont plus d'expérience dans la vie, rappelez-vous comment vous étiez à cet âge...»

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Bergevin défend bien son gardien. N'en reste pas moins que peu importe le sport, les athlètes d'exception carburent aux défis et se nourrissent des attentes des amateurs.

Des dizaines d'exemples l'illustrent au baseball, au basketball ou au football. Ainsi, dès son arrivée dans le marché infernal de New York, Eli Manning a ressenti de la pression. Être quart-arrière des Giants de New York, et frère cadet du grand Peyton, est sûrement aussi pesant que garder les buts du Canadien.

En lui accordant un contrat de 6 ans et 39 millions l'été dernier, Bergevin croyait sans doute que Price s'établirait comme leader de l'équipe. Mais il n'est manifestement pas prêt à tenir ce rôle.

Avant le début de la série contre les Sénateurs d'Ottawa, Michel Therrien a porté un grand coup pour rappeler à Price ses responsabilités et lui démontrer sa confiance.

«Carey est notre meilleur joueur, a-t-il dit. Et je pense qu'il sera notre meilleur joueur lorsque les séries éliminatoires commenceront.»

Cette déclaration de l'entraîneur du Canadien a intrigué. Après tout, Price n'avait sûrement pas été le meneur du Canadien durant le calendrier régulier. Son jeu a manqué de mordant. Pourquoi, dans ces circonstances, le soumettre à cette pression additionnelle?

La stratégie était à haut risque. Malheureusement, elle n'a pas fonctionné. Price a connu une mauvaise première rencontre et l'entraîneur du Canadien a dû avouer que Craig Anderson, le gardien des Sénateurs, l'avait surpassé.

La remarque de Therrien aurait sans doute galvanisé un Patrick Roy ou même un José Théodore, lorsqu'il était au meilleur de sa forme. Mais, avec le recul, ce n'était sans doute pas le bon ressort à actionner pour dynamiser Price, qui rappelle toujours l'importance du travail d'équipe.

Price a des devoirs à faire en vue de la prochaine saison. Mais la direction du Canadien aussi. Il faudra déterminer les cordes à tirer pour soutirer le meilleur de lui. Et décider si l'entraîneur des gardiens, Pierre Groulx, demeure l'homme de la situation.

En sports individuels, les changements d'entraîneurs sont fréquents. Tenez, Milos Raonic vient de se séparer de Galo Blanco. Sous la gouverne de l'Espagnol, le tennisman canadien a atteint le 13e rang mondial. Mais il n'a jamais participé aux quarts de finale d'un tournoi majeur. En clair, Blanco n'a pas été mauvais. Mais Raonic veut prendre une nouvelle direction.

Au hockey, les gardiens de but ont des entraîneurs particuliers, un peu comme les joueurs de tennis. Price profiterait-il d'une approche différente? Bergevin devra y réfléchir.

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Mettons une chose au clair: Carey Price sera toujours le gardien numéro un du Canadien en octobre. Bergevin a été limpide à ce sujet hier.

Cela dit, il s'agira d'une saison charnière pour lui. Même si le hockey est un sport collectif, le rendement du gardien demeure une composante essentielle au succès. Il n'est pas un joueur parmi d'autres, mais un pivot de la formation.

Ce printemps, plusieurs des gardiens qui s'illustrent sont des vétérans: Craig Anderson (Ottawa), Henrik Lundqvist (Rangers) et Jonas Hiller (Anaheim) ont 31 ans; Jimmy Howard (Detroit) a 29 ans; Jonathan Quick a 27 ans... Bref, Bergevin a raison de rappeler que Price est encore jeune.

Mais dans la vie, peu importe l'âge, il faut être heureux pour obtenir du succès. Les gardiens de but n'échappent pas comme par magie à cette règle.

Pour le Canadien, la grande inconnue est donc celle-ci: Carey Price est-il heureux à Montréal?