Mettons-nous un instant dans la peau d'un gros morse, aux yeux globuleux ou non. Imaginons que cette curieuse créature dirige une équipe de la Ligue nationale de hockey. Et que son adversaire, ce soir-là, se signale par son indiscipline et sa bêtise sur la patinoire.

Avec 17 secondes à écouler au match, et malgré le pointage écrasant par lequel son équipe mène, le gros morse demande un temps d'arrêt. Il craint que ses rivaux ne profitent des dernières secondes pour exprimer de nouveau leur frustration, un comportement si fréquent dans ce circuit. Ou peut-être veut-il simplement les irriter.

Alors, dites-moi: peut-on lui reprocher d'utiliser le règlement pour parvenir à ses fins? Ses opposants ont-ils raison d'en perdre leur sang-froid? À ces deux questions, la réponse est non.

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Paul MacLean a tenu des propos déplorables, jeudi dernier, en commentant l'assaut d'Eric Gryba aux dépens de Lars Eller. Accuser Raphael Diaz d'être le principal responsable de ce coup dangereux relève d'une mauvaise foi évidente.

N'empêche que depuis ce moment, l'attitude du Canadien dans cette série le rend presque sympathique. En le qualifiant de «gros morse aux yeux globuleux», Brandon Prust a sans doute voulu l'humilier, un truc de cour d'école.

MacLean n'est pas tombé dans le piège. Il a rétorqué, avec un sourire, être simplement «dodu».

En faisant preuve d'esprit et d'humour, l'entraîneur des Sénateurs a gagné en stature. Prust ne l'a pas ébranlé, bien au contraire. Il lui a plutôt permis de s'illustrer.

Puis, après le match de dimanche, Michel Therrien a aussi dénoncé MacLean. Il a qualifié de «manque de classe total» le temps d'arrêt des Sénateurs en fin de troisième période.

Je peux comprendre Therrien de vouloir détourner l'attention de l'ineptie du Canadien durant la rencontre. Au hockey comme en politique, l'attaque est souvent la meilleure défense. Mais soyons sérieux: si on veut discuter «manque de classe», évoquons d'abord le comportement de Ryan White.

En servant un coup de hache à Zack Smith après le quatrième but des Sénateurs, White a commis un geste antisportif et stupide. Ce cinglage a provoqué une mêlée dans laquelle l'ailier du Canadien et ses coéquipiers ont encaissé plusieurs coups.

White voulait-il démontrer que le Canadien ne se laisserait pas marcher sur les pieds? S'il s'agissait de son intention, ce fut un échec retentissant.

Plus tard, comme si ce brassage en règle n'était pas suffisant, P.K. Subban et Branden Gallagher se sont aussi battus. Oui, Subban et Gallagher!

Tenez, puisqu'on parle de temps d'arrêt, Michel Therrien aurait pu en demander un après la foire d'empoigne afin de calmer ses joueurs. Courir le risque que deux gars si essentiels à l'équipe se blessent dans un combat sera toujours navrant. C'est encore plus vrai lorsque le match est hors de portée.

MacLean, qui possède le don de la répartie, a frappé un coup de circuit en répliquant aux propos de Therrien: «Le Canadien n'a pas besoin de moi pour s'humilier».

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Je n'ai pas reconnu le Canadien dimanche. Où donc était cette équipe sympathique du calendrier régulier, misant sur sa combativité en attaque et ses replis défensifs pour remporter des victoires?

Tous les joueurs connaissent la signification du troisième match d'une série. Comment expliquer que ceux du Canadien ne se soient pas investis à fond? Les Sénateurs composent une solide formation, c'est vrai. Mais pas au point de servir une leçon pareille au CH.

Comme lors du premier match de la série, Carey Price n'a pas aidé le moral des siens en accordant un mauvais but, qui a donné l'avance 3-1 aux Sénateurs. Son incapacité à coller quelques bonnes sorties devient problématique.

Price a été mauvais jeudi, excellent vendredi et passable dimanche. Les meilleurs gardiens de la LNH affichent plus de constance.

À l'attaque, plusieurs joueurs tournent au ralenti. Le cas de David Desharnais est le plus inquiétant. En l'absence de Lars Eller, Desharnais doit absolument générer plus d'occasions pour le Canadien.

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Bon, la série est-elle finie? Non! Je maintiens ma prédiction, le Canadien en sept. Mais pour cela, les joueurs et les entraîneurs devront faire un meilleur travail.

Avant le début de la série, j'ai soutenu que la confrontation entre Michel Therrien et Paul MacLean serait déterminante. Et que la préparation, tout comme les réactions aux inévitables déceptions de part et d'autre, influencerait le résultat final.

Après trois matchs, MacLean détient l'avantage. Le «gros morse», comme dirait Brandon Prust, n'est pas bête. On comprend mieux aujourd'hui pourquoi il obtient autant de succès.

Therrien a cependant plus d'un tour dans son sac. Et le Canadien peut encore s'imposer. L'équipe a rebondi de belle façon à quelques reprises cette saison. Une victoire ce soir et la pression se retrouvera sur les Sénateurs.

Il faudra évidemment que Price accomplisse quelques miracles. Bizarrement, si on se fie à ses performances des derniers jours, curieuse alternance de chaud et de froid, il devrait relever le défi.

À quel genre de match aurons-nous droit? Espérons que les folies de dimanche ne seront pas répétées. La rivalité entre les deux équipes, toute nouvelle, dérape déjà. Et, malheureusement, le Canadien a sa part de responsabilités.