Marc Bergevin était serein, mercredi, lorsque l'heure limite des transactions a sonné dans la LNH. Même s'il a lancé quelques lignes à l'eau, le DG du Canadien n'a pas véritablement tenté de gros coup. Faut-il s'en étonner? Pas du tout! Peu à peu, Bergevin dévoile son style de gestion. En observant son travail depuis sa nomination en mai dernier, et spécialement lors du grand bazar de mercredi, on comprend mieux les principes qui le guident. En voici cinq, manifestement au coeur de son action.

1. Miser sur les choix au repêchage

Les équipes misant sur les choix au repêchage pour établir leur fondation connaissent habituellement du succès à long terme. Dans la NFL, les Patriots de la Nouvelle-Angleterre l'ont démontré. Bill Belichick aime accumuler les choix, augmentant ainsi sa flexibilité.

Bergevin est de cette école. Il rappelle avec fierté que le Canadien profitera de six choix parmi les 90 premiers le 30 juin prochain. Pas question de dilapider cet héritage.

«On sera en position de force au repêchage, rappelle-t-il. Beaucoup d'équipes nous approcheront.»

Plusieurs organisations ayant cédé des choix cette semaine voudront en récupérer. Le Canadien sera en position idéale pour manoeuvrer.

«Je place beaucoup de valeur dans les choix au repêchage, mais rien n'est coulé dans le béton, ajoute Bergevin. Si je pense qu'on peut améliorer l'équipe en échangeant un haut choix, je le ferai.»

Mais pour profiter d'une occasion semblable, une solide banque de sélections représente un atout essentiel.

2. Bâtir pour l'avenir

En nommant Bergevin le 2 mai dernier, Geoff Molson a dévoilé ses deux mandats: «Améliorer l'équipe à court terme et réinstaurer une culture gagnante à long terme.»

Le Canadien d'aujourd'hui n'a rien de commun avec la pathétique équipe de la dernière saison. En ce sens, Bergevin a déjà relevé le premier défi. Il s'attelle désormais au deuxième, une entreprise plus délicate.

Chaque saison, des DG tombent dans un piège: la recherche du succès instantané. Brian Burke, pourtant un homme d'expérience, en a fait la preuve à Toronto en payant un prix démesuré pour Phil Kessel.

Et voilà que George McPhee souffre de la même maladie. Le DG des Capitals de Washington a cédé aux Predators de Nashville Filip Forsberg, un brillant espoir, en retour de Martin Erat, un attaquant de 31 ans.

Geoff Molson ne croit pas au principe de «reconstruction» d'une équipe. Il veut voir le Canadien en séries chaque saison. C'est mieux pour les partisans... et les revenus de l'organisation!

«On est ici pour faire du Canadien une bonne équipe pour des années à venir», a rappelé Bergevin, mercredi.

3. Étudier la personnalité des joueurs

Pourquoi le Canadien a-t-il embauché Colby Armstrong l'été dernier? Pas seulement parce qu'il comblait un trou dans la formation. Mais aussi en raison de ses qualités de meneur.

Bergevin accorde beaucoup d'importance à la personnalité des joueurs. Voyez sa remarque concernant l'acquisition de Davis Drewiske, des Kings de Los Angeles: «Avec nos dépisteurs, j'ai fait mes devoirs: son attitude est très bonne.»

Pour Bergevin, le travail collectif est au coeur de la réussite. Mercredi, il a rappelé que le Canadien a continué à gagner après les blessures de Raphael Diaz, Rene Bourque et Brandon Prust. Dans ses explications, il a répété avec conviction le mot «équipe» à cinq reprises.

«Pour moi, le vestiaire est aussi important que la patinoire, a-t-il dit. Et je sais qu'actuellement, on a une très bonne chambre de hockey...»

4. Jamais assez de défenseurs

Sur le plan hockey, Bergevin a une certitude: «On n'a jamais assez de défenseurs!»

Voilà pourquoi il ne craint pas un potentiel embouteillage à la ligne bleue au cours des prochains mois.

Il sait très bien que les blessures contrecarrent les plus beaux plans. Et qu'une organisation misant sur ses propres ressources pour combler les inévitables malheurs d'une longue saison est avantagée.

Vous croyez la prudence de Bergevin excessive? Pas sûr! Rappelez-vous février 2011: les réserves du Canadien à la ligne bleue étaient tellement à sec que l'équipe a rapatrié en catastrophe Paul Mara et acquis Brent Sopel!

Ça ne risque pas de se produire sous l'ère Bergevin.

5. La lucidité

Le Canadien est presque assuré de participer aux séries éliminatoires. Mais ne comptez pas sur Bergevin pour le reconnaître.

«Au classement, on place un astérisque à côté du nom des équipes déjà qualifiées. Je n'en vois toujours pas à côté du nôtre...»

Bergevin rappelle parfois à ses collaborateurs quelques douloureuses séries de revers des Blackhawks de Chicago, lorsqu'il était à leur emploi. Bref, il rejette la complaisance.

«Nos joueurs ont très bien répondu jusqu'à maintenant, mais on a encore beaucoup à prouver.»

* * *

Au printemps 2000, les Blues de St. Louis ont été éliminés dès le début des séries après avoir coiffé le premier rang du classement général. «Il n'y a aucune garantie dans le hockey...», rappelle Bergevin, alors membre de cette équipe.

Mais de belles surprises surviennent aussi. Voilà pourquoi l'essentiel est d'obtenir son ticket d'entrée pour les éliminatoires. Dès lors, tout devient possible. Et Bergevin le sait très bien.