Alors, quel est le plus désolant? Le manque d'audace? L'absence d'imagination? Le conservatisme comme stratégie de développement?

Un peu tout ça, malheureusement. La réunion des directeurs généraux de la LNH, tenue cette semaine à Toronto, a accouché d'une souris. Même l'idée d'obliger les joueurs à porter une visière, pourtant si logique, avance à petits pas.

Pourtant, si j'étais un propriétaire d'équipe versant des millions en salaire, j'exigerais que mes joueurs protègent leurs yeux dès maintenant. Sans aucune exception. La blessure subie par Marc Staal, atteint en plein visage par une rondelle, a cruellement rappelé l'importance de cette pièce d'équipement.

Hélas, la LNH a perdu le bel élan qui a suivi le deuxième lock-out de l'ère Bettman, en 2005.

À l'époque, sous l'impulsion de Bob Gainey (oui, oui) et Brendan Shanahan, patrons et joueurs ont adopté des changements témoignant d'une vision claire de l'avenir: instauration des tirs de barrage, autorisation de la passe franchissant deux lignes, meilleure surveillance de l'accrochage...

Aujourd'hui, la LNH est prisonnière du traditionalisme. Durant les négociations de la dernière convention collective, la qualité du produit sur la patinoire n'a pas été évoquée sérieusement.

Faut-il s'en surprendre? Même les commotions cérébrales subies par Sidney Crosby, qui ont privé la LNH de son joyau pendant des dizaines de matchs, n'ont provoqué aucune réelle prise de conscience.

Tenez, cette semaine, pendant que les DG de la LNH ergotaient sans conviction à propos des nombreux coups vicieux, la NFL a adopté une autre mesure pour diminuer la violence sur le terrain.

Les porteurs de ballon seront désormais pénalisés s'ils baissent leur tête et frappent leur adversaire avec leur casque lorsqu'ils sont en pleine course.

Sans surprise, ce nouveau règlement a provoqué une levée de boucliers des conformistes. Matt Forte, le demi offensif des Bears de Chicago, l'a qualifié d'absurde: «La dernière fois que j'ai vérifié, le football était un sport de contact...»

Herm Edwards, l'ancien entraîneur des Jets de New York et des Chiefs de Kansas City, a vite remis les pendules à l'heure sur ESPN: «Il faut protéger les joueurs contre eux-mêmes. Ils s'ajusteront, tout comme les arbitres. C'est cela la NFL: accepter le changement.»

Ce qu'on donnerait pour qu'un dirigeant de la LNH évoque le changement avec autant d'enthousiasme! Ou que les propriétaires d'équipe assument ainsi leurs responsabilités afin de renforcer la sécurité des joueurs.

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Il est sidérant de voir à quel point la LNH a élevé l'immobilisme au rang de vertu. En ce sens, les résultats de la réunion des DG respectent la philosophie dominante.

Un exemple: la LNH aurait pu profiter de la fin du lock-out pour imiter le baseball majeur et ajouter un élément spectaculaire aux séries éliminatoires.

Mon collègue Michael Farber, un journaliste respecté aux quatre coins du circuit, en a fait la suggestion dans Sports Illustrated.

Les six premières équipes de chaque Association seraient qualifiées d'office pour les séries. Les deux autres places seraient attribuées aux gagnants d'un match suicide entre les équipes classées aux septième et dixième rangs, et aux huitième et neuvième rangs.

«Les éliminatoires commenceraient avec quatre matchs numéro 7», explique Michael, qui a toujours eu le don des images saisissantes. Son idée aurait aussi créé deux courses à l'intérieur de chaque Association dans la dernière ligne droite du calendrier régulier. La première, pour l'obtention du sixième rang, permettant d'éviter le match sans lendemain; la seconde, pour le 10e rang, ultime chance d'accéder aux séries.

Imaginez l'intérêt pour ces rencontres! Farfelu, dites-vous? Non! Ça ressemble à la formule du baseball majeur, où deux places en séries sont désormais accordées de cette façon.

En lieu et place, la LNH a plutôt adopté un plan indigeste de refonte des divisions. Avec 16 équipes dans l'Est et 14 dans l'Ouest, le manque d'équité est flagrant, même si Gary Bettman a tout fait pour en minimiser l'impact dans ses explications.

Quant à la nouvelle formule des séries éliminatoires, théoriquement fondée sur les luttes à l'intérieur des quatre divisions, elle est lézardée par l'introduction d'un miniconcept «wild card». En clair, une équipe pourrait changer de division juste pour les séries éliminatoires.

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D'autres idées pour la LNH? Et si on commençait par interdire les bagarres? Ce serait une façon immédiate de réduire les coups à la tête et le risque de commotions cérébrales.

Ainsi, on aurait pensé que le combat du 6 mars dernier entre Frazer McLaren, des Maple Leafs de Toronto, et Dave Dziurzynski, des Sénateurs d'Ottawa, aurait provoqué un minimum de discussion entre les DG. Survenu dès le début du match, ce combat s'est soldé par une commotion cérébrale pour Dziurzynski.

L'affaire n'a guère provoqué de remous. Après tout, pour paraphraser Matt Forte, le hockey est un sport de contact...

Bref, au-delà des beaux énoncés de principe, réduire les chocs à la tête n'est pas une priorité absolue pour la LNH.

Les DG et les propriétaires seront-ils plus inspirés par la nécessité de favoriser l'offensive? Faut-il réduire la taille des équipements de gardiens de but ou augmenter celle des filets?

Paraît que le dossier sera étudié à fond. Combien parie-t-on qu'un consensus émergera en faveur... du statu quo?