À première vue, la tentation d'être cynique est grande. Comment peut-on, neuf ans après le départ des Expos, envisager sérieusement le retour du baseball majeur à Montréal?

A-t-on oublié la triste agonie de l'équipe en 2004? Se souvient-on de la pathétique moyenne de 9000 spectateurs par match? De l'absence d'un contrat de télévision digne de ce nom? De la présentation de quelques rencontres «locales» à Porto Rico dans l'espoir d'engranger des dollars supplémentaires?

A-t-on vraiment oublié tout cela? Bien sûr, plusieurs raisons expliquent cet échec colossal. Au premier rang, la manière dont Jeffrey Loria a roulé dans la farine les ténors du Québec inc. après avoir investi dans l'équipe en 1999.

N'empêche que les Expos étaient en sursis depuis la grève des joueurs en 1994. Pour les lecteurs plus jeunes, disons que les Expos étaient au baseball majeur, mais en pire, ce que les Coyotes de Phoenix sont aujourd'hui à la LNH: un boulet.

Cela dit, pour imaginer l'avenir, mieux vaut évacuer les souvenirs douloureux. C'est la voie choisie par un groupe de braves qui lance une étude sur la possibilité de redonner à Montréal un club des ligues majeures.

«La seule façon de savoir s'il s'agit d'une occasion d'affaires intéressante, c'est de réaliser une analyse sérieuse», explique Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM).

Flanqué de Warren Cromartie, un ancien Expo dont l'amour pour Montréal ne s'est jamais démenti, M. Leblanc a annoncé mercredi que 400 000 $ seront investis pour dresser l'état des lieux. Le plan comporte trois étapes: sondage auprès de la population et de la communauté d'affaires, étude de faisabilité et évaluation des retombées économiques.

Les résultats seront dévoilés à la fin de l'année. S'ils sont positifs, il faudra trouver, pour reprendre l'expression de M. Leblanc, des «champions», en politique et dans le secteur privé, pour porter le dossier.

Gros défi, on en conviendra.

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Laissons aux gens de Léger Marketing le temps de réaliser les sondages annoncés. Ceux-ci nous diront si le baseball compte sur une base solide de partisans au Québec, surtout sur le plan corporatif.

Si les entreprises écartent l'idée de pomper des dizaines de milliers de dollars dans des loges corporatives ou des sièges de luxe, peu importe l'enthousiasme des maniaques de baseball, le projet sera mort-né.

En revanche, au niveau de l'étude de faisabilité, on peut déjà esquisser un tableau de la situation.

1- Le Stade

Oublions le Stade olympique. Avant même de soupeser la candidature de Montréal, le baseball majeur exigera un nouveau stade capable de générer un maximum de revenus.

Il faudra aussi que l'équipe en soit propriétaire ou en assume la gestion. C'est désormais le modèle d'affaires du sport professionnel.

Combien coûte un nouveau stade? Parmi les plus récents, celui des Nationals de Washington a nécessité un investissement de 600 millions; celui des Twins du Minnesota, 550 millions; celui des Marlins de Miami, 634 millions. Seul ce dernier possède un toit rétractable.

2- Le coût d'une concession

Le cas des Dodgers de Los Angeles, vendus 2,1 milliards l'an dernier, est unique. Inutile de s'en servir comme élément comparatif.

La vente des Rangers du Texas, en 2010, constitue un meilleur exemple: 590 millions, une combinaison d'argent comptant et de prise en charge de la dette de l'équipe.

3- Les objectifs d'assistance

Pour être crédibles, les promoteurs montréalais devraient promettre au baseball majeur des assistances se situant dans le peloton du milieu des 30 équipes des ligues majeures.

En 2012, les Braves d'Atlanta ont terminé 15es à ce chapitre avec des foules moyennes de 29 000 spectateurs par match, soit un total de 2,4 millions durant la saison.

Les Expos ont frôlé ce chiffre à deux reprises dans leur histoire, en 1982 et en 1983. Durant leurs 21 dernières saisons à Montréal, ils n'ont jamais atteint le plateau des 2 millions de partisans.

4- La masse salariale

À l'émission de Michel Villeneuve cette semaine, Michel Leblanc rêvait du jour où les nouveaux Expos vaincraient les Blue Jays de Toronto. Il n'est pas le seul amateur à l'espérer!

Cette année, les Blue Jays sont parmi les favoris pour atteindre la Série mondiale. Leur masse salariale sera de 122 millions. C'est un bond prodigieux de 38 millions par rapport à 2012. Pour devancer les Red Sox et les Yankees au classement, il faut investir.

Le modèle des Blue Jays n'est cependant pas le seul. Les Rays de Tampa Bay et les Athletics d'Oakland connaissent du succès en se montrant plus modestes. Cette saison, ils verseront respectivement 57 et 55 millions à leurs joueurs.

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Mercredi, Michel Leblanc a rappelé que le programme de partage des revenus du baseball majeur et la vigueur du dollar canadien par rapport à la devise américaine constituent des éléments nouveaux. Sans compter la concurrence entre les chaînes sportives, susceptible de bonifier les revenus de télévision.

Peut-être. N'empêche que la facture pour réintégrer les ligues majeures s'annonce brutale, plus de 1,2 milliard. Mais si Québec rêve du retour des Nordiques, Montréal peut bien étudier celui des Expos!

Et pour cela, oui, mieux vaut oublier la consternante mort des Z'Amours en 2004. Reste à savoir si les dirigeants du baseball majeur en feront un jour autant.