Pour le Comité international olympique (CIO), c'est une très mauvaise nouvelle.

Dimanche, dans un référendum tenu dans le canton des Grisons, en Suisse, les contribuables ont dit «Non» à l'idée de soumettre la candidature des villes de Davos et Saint-Moritz à l'organisation des Jeux d'hiver de 2022.

Pourtant, tout indiquait qu'un «Oui» aurait ouvert une voie dorée vers l'octroi des Jeux. Jacques Rogge, quittant sa réserve habituelle, s'est même mêlé du débat, sûrement dans l'espoir de rassurer les électeurs.

Peu avant le vote, dans une entrevue à un quotidien alémanique relayée par le journal Le Matin, le président du CIO a vanté les atouts de la Suisse, «un pays politiquement stable et économiquement puissant».

Sûrement conscient que la facture démentielle des Jeux de Sotchi (50 milliards de dollars!) inquiétait la population, Rogge a rappelé que les infrastructures déjà existantes permettraient de ne «pas commencer de zéro pour tout construire».

Rogge n'était pas le seul à promouvoir la candidature des deux villes du canton des Grisons. La majorité des élus locaux, tout comme plusieurs politiciens nationaux, appuyaient l'idée avec enthousiasme.

Au final, les résidants de Davos et Saint-Moritz ont soutenu la proposition. Mais le reste du canton s'y est opposé dans une majorité de 52,7%. Du coup, le projet est tombé.

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Quelle lecture fera le CIO de cette rebuffade?

Rogge et ses collaborateurs seront sûrement tentés d'en attribuer la paternité à des écologistes trop zélés ou à des citoyens encore inquiets des conséquences de la crise financière européenne. Ce serait une erreur.

La réalité, c'est que le gigantisme des Jeux rattrape lentement le mouvement olympique. En défendant le mois dernier le coût exorbitant des Jeux de Sotchi, Jacques Rogge a montré que l'appétit du CIO pour les installations coûteuses était illimité.

Cette attitude a manifestement inquiété les électeurs suisses. Le discours traditionnel, axé sur les «installations laissées en héritage aux générations futures», est moins convaincant lorsque le coût de ces installations plonge dans l'absurdité.

Ce n'est pas le premier avertissement que reçoit le CIO. L'an dernier, le gouvernement italien a retiré la candidature de Rome en vue des Jeux d'été de 2020 pour les mêmes raisons. Le CIO aurait pourtant rêvé de retourner une deuxième fois dans cette ville magique.

Mine de rien, le nombre de villes qui souhaiteraient organiser les Jeux diminue. La tendance est claire.

Lors du vote final accordant les Jeux de 2012 à Londres, cinq villes étaient sur les rangs; pour les Jeux de 2016 décernés à Rio, elles n'étaient que quatre; et pour les Jeux de 2020, qui seront attribués en septembre prochain, à peine trois villes sont candidates.

Officiellement, le CIO dit être conscient des dangers de l'inflation galopante liée à l'organisation des Jeux. Mais aucune initiative sérieuse n'est envisagée pour la freiner.

Le CIO devrait s'inspirer de l'Union européenne de football (UEFA). Pour en finir avec la folie des grandeurs, qui obligeait des pays à dépenser des milliards de dollars pour accueillir un tournoi de quatre semaines, l'organisme est sorti des sentiers battus.

Michel Platini, le patron de l'UEFA, a annoncé que l'Euro 2020 aura lieu dans 13 pays plutôt que dans un ou deux, comme ce fut historiquement le cas.

Les villes retenues organiseront quelques matchs chacune. Ainsi, pas besoin de bâtir de nouveaux stades et d'investir des fortunes pour des projets d'infrastructures prématurés ou ayant peu de valeur à long terme.

Platini n'a pas oublié que l'Ukraine et la Pologne ont dépensé des milliards de dollars pour moderniser leurs infrastructures en vue de l'Euro 2012. De nombreux stades ultramodernes ont été bâtis pour quelques matchs. Au moment où l'Europe souffre économiquement, l'ancien Ballon d'or veut que l'UEFA se montre plus responsable.

De grandes villes comme Londres, Madrid et Munich, si elles posent leur candidature pour 2020, possèdent déjà des stades, des aéroports et des réseaux de transport pouvant accueillir les visiteurs.

Platini est allé encore plus loin. Pour rendre l'Euro accessible à des pays plus petits, deux matchs pourront être présentés dans des stades de 30 000 sièges.

Les demi-finales et la finale, disputées dans la même ville, auront lieu dans un stade d'au moins 70 000 places. Le choix sera fait l'an prochain.

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Alors, qui accueillera les Jeux d'hiver de 2022? Certainement pas une ville américaine, les États-Unis s'étant déjà retirés de cette course. Une candidature pour les Jeux d'été de 2024 est plutôt envisagée.

Québec, longtemps mentionnée, n'est plus dans la course depuis que le maire Labeaume a écarté l'idée. Munich, candidate pour les Jeux d'hiver de 2018 attribués à Pyeongchang, en Corée du Sud, pourrait de nouveau être dans la course.

Mais, tenez-vous bien, la candidature de... Barcelone est évoquée!

Même si on n'associe pas la capitale de la Catalogne à une ville d'hiver, le projet est sérieux. Les sports disputés à l'intérieur auraient lieu à Barcelone et les compétitions extérieures, dans les Pyrénées avoisinantes.

Pareil choix enverrait néanmoins un curieux message. Pas pour rien que le CIO envisageait avec bonheur la candidature de stations d'hiver célèbres comme Saint-Moritz et Davos.

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Le rêve olympique est tenace. Malgré les coûts, d'autres villes rêveront d'organiser les Jeux. Mais leurs citoyens seront-ils d'accord?

Le ressac de Sotchi, ressenti en Suisse ce week-end, pourrait provoquer d'autres secousses.