L'année commence à peine mais Phil Mickelson s'est déjà mis les pieds dans les plats.

L'affaire est partie dimanche dernier. Après la dernière ronde du tournoi «Défi Humana», Mickelson a expliqué aux journalistes qu'il envisageait des «changements draconiens» dans sa vie en raison de l'augmentation de son taux d'imposition.

Du coup, les interrogations ont fusé: Mickelson mettrait-il fin à sa carrière? Quitterait-il la Californie?

Pour un homme dont les revenus annuels sont évalués à plus de 40 millions, avouez qu'il ne faut pas être gêné! Surtout au moment où la reprise économique, aux États-Unis comme ailleurs en Occident, demeure fragile.

Mickelson a vite réalisé son impair. Dans l'espoir d'amoindrir les dégâts, il a émis un communiqué dès le lendemain, où il a réitéré son désir de remporter d'autres championnats. Il a ensuite précisé sa pensée mercredi en conférence de presse.

«J'ai manqué de sensibilité en évoquant publiquement ce sujet alors que des gens cherchent un emploi ou vivent de chèque de paie en chèque de paie», a-t-il dit.

Sur le fond de l'affaire, Mickelson n'a cependant pas changé d'idée. Il reconnaît la nécessité de faire sa juste part. Mais l'augmentation de l'impôt fédéral, une victoire obtenue à l'arraché par le président Obama face à des républicains récalcitrants au début du mois, lui est manifestement restée dans la gorge.

Comme tous les contribuables américains gagnant plus de 400 000 $ par année, Mickelson devra désormais verser 39,6% de ses revenus au Trésor fédéral plutôt que 35%. Mais ses «malheurs» ne s'arrêtent pas là.

Mickelson vit en Californie où, en novembre dernier, les électeurs ont approuvé par référendum une hausse d'impôts rétroactive (oui, oui) de 3% pour les contribuables gagnant plus d'un million par année. Le taux est désormais de 13,3%.

Cet argent additionnel sera consacré au financement du système scolaire. Voilà une autre démonstration que le monde est bien petit et que les problèmes du Québec sont semblables à ceux de plusieurs autres juridictions dans le monde.

Selon une étude de deux universitaires américains affiliés au Collège Lynchburg, le taux marginal d'imposition des millionnaires californiens sera de 51,9% en 2013, une fois calculées les déductions de base. (Les impôts versés à l'État sont en partie déductibles de la facture fédérale.)

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Cette affaire collera-t-elle à la peau de Mickelson?

Même s'il est difficile de se montrer plus déconnecté du public, ce serait étonnant. Très populaire auprès des fans, Mickelson a eu le mérite de reconnaître sa gaffe rapidement. On ne le reverra pas de sitôt emprunter ce chemin glissant.

Sa réaction initiale demeure néanmoins renversante. Croyait-il vraiment émouvoir les amateurs de golf?

Californien depuis toujours, Mickelson est soumis à un plus haut taux d'imposition que ses camarades du circuit de la PGA établis en Floride, par exemple, où l'État ne prélève aucune charge fiscale sur les revenus d'emploi.

Tiger Woods a d'ailleurs reconnu que cet avantage fiscal a contribué à son installation en Floride au début de sa carrière professionnelle.

Mais même si Mickelson l'imitait aujourd'hui, il n'éviterait pas le nouveau taux fédéral, qui s'applique dans l'ensemble des États-Unis.

Bizarre d'écorcher ainsi son image pour une hausse de 3% de l'impôt californien, approuvée par ses concitoyens. Mickelson a oublié que c'est justement leur appui qui lui a permis de toucher des dizaines de millions en commandites corporatives durant sa carrière.

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Depuis le printemps dernier, on assiste à deux phénomènes au plan de l'impôt et du sport professionnel.

D'une part, plusieurs gouvernements, confrontés à des déficits et des dettes accumulées, exigent un effort additionnel des hauts salariés. C'est le cas en France, aux États-Unis et au Canada.

Les athlètes millionnaires sont évidemment touchés. Comme l'affaire Mickelson l'illustre, accepter cette nouvelle réalité est parfois difficile. Heureusement, le grand gaucher ne compte pas s'expatrier en Russie pour cette raison...

D'autre part, le taux d'imposition au Québec, longtemps identifié comme un fardeau supplémentaire pour les athlètes professionnels, est soudainement plus concurrentiel. La hausse des impôts obtenue par le président Obama a resserré l'écart avec plusieurs États américains.

Les questions fiscales sont évidemment complexes pour les athlètes professionnels. Plusieurs éléments (traités fiscaux entre pays, lieu de résidence, situation familiale, revenus d'investissements, etc.) entrent en ligne de compte au moment de compléter leur déclaration de revenus.

On peut néanmoins avancer ce principe: si un joueur des Panthers de la Floride ou des Stars de Dallas versera moins d'impôts que son camarade du Canadien, ce ne sera pas nécessairement le cas de celui des Rangers de New York, des Capitals de Washington ou des Kings de Los Angeles.

Cela dit, il est toujours de mauvais goût pour un athlète touchant des millions annuellement de se plaindre des impôts. Phil Mickelson devrait lire ce commentaire de Brandt Snedeker, dans une entrevue au San Diego Union-Tribune.

Gagnant de la Coupe Fedex l'an dernier, ce qui lui valu une prime de 10 millions, Snedeker a déclaré: «Je pense que nous sommes tous très chanceux de payer des impôts dans ce merveilleux pays».

Un pays qui, comme le nôtre et plusieurs autres dans le monde, traite magnifiquement ses athlètes professionnels.