Après plus de deux mois de lock-out et devant la possibilité d'une annulation complète de la saison, la Ligue nationale de hockey et ses joueurs n'ont plus le choix. Pour éviter de saborder leur industrie, un accord doit être conclu cette semaine.

Les propriétaires n'ont aucune raison de ne pas tendre la main aux joueurs. À moins que leur objectif soit de les humilier. En effet, peu importe le libellé final de la prochaine convention collective, une chose est sûre: il s'agira d'une énorme victoire patronale.

En acceptant une réduction de 7% de leur part des revenus, les joueurs transféreront 1,4 milliard de leurs poches à celles des propriétaires au cours des six prochaines années, la durée probable de l'entente.

C'est beaucoup d'argent, d'autant plus que la LNH a touché des revenus records au cours des deux dernières années.

Les joueurs essaient péniblement de sauver la face dans cette dernière ligne droite de négociations. Ils veulent toucher les salaires promis. Et conserver les droits de négociation que la LNH cherche à charcuter, sans même ouvrir la porte au compromis.

Les joueurs finiront par céder un ou deux morceaux additionnels, c'est certain. Mais Gary Bettman et les propriétaires doivent cesser leur recherche du K.-O. Ils ont déjà remporté la victoire par décision unanime des juges.

C'est le temps de régler.

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Si les négociations amorcées hier se concluent par un nouvel échec, souhaitons que des propriétaires d'équipe mettent fin à leur silence. Par respect pour les partisans, ils devront expliquer le pourrissement de la situation.

Au Canada, les dirigeants du Canadien et des Maple Leafs de Toronto seront interpellés. Pourquoi? Parce que ces deux organisations demeurent des phares dans l'industrie. Avec les Rangers de New York, elles génèrent les revenus les plus élevés dans la LNH.

La popularité du Canadien et des Maple Leafs trouve ses racines dans l'histoire du hockey. D'un océan à l'autre, des générations entières de Canadiens ont vibré à leurs performances.

Leurs grands dirigeants, comme le sénateur Hartland de Montarville Molson et Conn Smythe, étaient des passionnés de hockey, mais aussi des héros de guerre. Ils livraient le fond de leur pensée avec coeur. Personne n'aurait eu l'idée de leur imposer le silence.

Le hockey est le sport national du Canada. C'est ici que la LNH génère le plus de résonance; c'est ici que se situe son âme, pas aux États-Unis.

Même si le pouvoir est exercé par un Américain, Gary Bettman, les propriétaires du Canadien et des Maple Leafs ne pourront se cacher éternellement derrière les règlements internes de la LNH pour justifier leur mutisme.

C'est d'autant plus vrai que le lock-out terminé, ils s'empareront des micros pour demander aux partisans leur indulgence.

Ils diront ne pas avoir souhaité un si long conflit, ils promettront de tout faire afin que l'épisode soit vite relégué au rang de mauvais souvenir. Ils écarteront toute question corsée sur les déchirements des derniers mois, ils répéteront qu'il faut désormais parler d'avenir.

Ce sera trop facile.

Non, si les négociations achoppent de nouveau, Geoff Molson, George Cope et Nadir Mohamed devront répondre à des questions.

Le premier préside le groupe de propriétaires du Canadien depuis 2009. Les seconds dirigent Bell et Rogers. Ces deux sociétés sont devenues, en août dernier, actionnaires majoritaires des Maple Leafs de Toronto.

Leur entrée récente dans le cercle des décideurs de la LNH les incite sans doute à la prudence. Il n'en reste pas moins que la prolongation du conflit nuit à l'image de marque et au plan d'affaires de leurs équipes.

Le cas de Bell et Rogers est probant. En plus de détenir les Maple Leafs, les deux entreprises diffusent les matchs de la LNH sur leurs chaînes spécialisées. Ce sont elles qui sont à risque, pas Gary Bettman, qui n'a pas investi un seul dollar dans le hockey.

Geoff Molson, George Cope et Nadir Mohamed sont-ils convaincus que cet interminable lock-out est une absolue nécessité? Croient-ils vraiment que les intérêts des partisans, ces gens qui alimentent les machines à profits que constituent leurs équipes, sont mieux servis par cet arrêt de travail?

Évaluent-ils que les problèmes de la LNH sont assez graves pour justifier cette désolante situation? Peuvent-ils nous en faire la démonstration?

Considèrent-ils qu'il est équitable de priver de hockey les amateurs canadiens afin de sauver des concessions établies dans des marchés suspects du sud des États-Unis?

Pensent-ils plutôt que les joueurs sont trop intransigeants? Jugent-ils qu'ils mesurent mal la réalité économique du hockey professionnel?

Des réponses seraient appréciées.

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Est-il possible de croire à un règlement avant la fin du prochain week-end, peu importe l'allure des échanges d'hier? Oui. Dans les faits, les deux parties sont moins éloignées que ne l'étaient leurs collègues de l'Association nationale de basketball (NBA) à pareille date l'an dernier.

Lorsque les négociations ont repris, le 22 novembre, les joueurs venaient de dissoudre leur syndicat et s'apprêtaient à poursuivre la NBA en vertu des lois antimonopoles. Quatre jours plus tard, un accord a été conclu.

Ce fut une nette victoire patronale... comme ce sera le cas dans la LNH. Mais lors de l'ultime séance de pourparlers, un marathon de 15 heures, la NBA a adouci certaines de ses demandes initiales.

Souhaitons que ça inspire Gary Bettman.

> François Gagnon: Les joueurs doivent passer la «puck» à Bettman