La LNH maintient la ligne dure dans ses pourparlers avec les joueurs. Il ne faut pas s'en étonner. Ceux-ci ont cédé du terrain depuis l'ouverture des négociations. À ce rythme, la reddition risque d'être complète avant longtemps.

Rappelez-vous: lorsque Gary Bettman a déclaré en août dernier que rien ne garantissait aux joueurs de toucher à perpétuité 57 % des revenus de la LNH, Fehr a répliqué: «C'est vrai. Tout comme les propriétaires n'ont aucune garantie du maintien à perpétuité du plafond salarial».

La remarque ne manquait pas de mordant. Elle laissait présager une attitude ferme à la table de négociations. Mais Fehr et les joueurs sont plus conciliants aujourd'hui.

Non seulement n'ont-ils jamais remis en cause le plafond salarial, ils acceptent désormais le principe d'un partage 50-50 des revenus. Leur seul objectif est d'en repousser dans le temps l'entrée en vigueur et de s'assurer que les contrats actuels soient payés dans leur intégralité.

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La journée de vendredi n'a pas conduit au déblocage souhaité. Au contraire, elle s'est terminée dans l'acrimonie.

Fehr s'est retrouvé sur la sellette, lorsque des sources patronales ont laissé entendre à un journaliste du Minneapolis Star Tribune qu'il ne transmettait pas toute l'information voulue aux joueurs. Cette tactique vise évidemment à briser l'harmonie du clan adverse.

À ce niveau, la réputation de Fehr est pourtant sans tache. Au baseball comme au hockey, il a toujours soigné sa communication avec les joueurs. C'est même une des clés de sa réussite. Je me souviens encore de ses longues tournées dans les camps d'entraînement du baseball majeur où il prenait soin de répondre à toutes les questions.

L'incident démontre néanmoins combien les nerfs sont à fleur de peau. L'impatience est vive. Après de longs pourparlers au cours des derniers jours, la rupture des négociations constituerait un recul important.

Les joueurs craignent de plus en plus l'annulation complète de la saison, qui les priverait d'une année de salaire.

Les propriétaires, de leur côté, redoutent l'effet de ce long conflit sur l'intérêt des partisans et le soutien des partenaires corporatifs. C'est surtout vrai pour les équipes américaines, qui font face à une concurrence féroce dans leurs marchés.

Au Canada, le problème est moins aigu. L'assistance de vendredi soir au Centre Bell, plus de 18 500 personnes pour un match des Bulldogs de Hamilton, en fait foi. Les amateurs ont soif de hockey.

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Après le long entretien de samedi dernier entre Bill Daly et Steve Fehr, j'aurais pensé que la LNH se montrerait plus souple sur les enjeux liés aux droits des joueurs. Pas du tout.

Au niveau de la durée des ententes et des bonis de signature, ils réclament le beurre et l'argent du beurre!

Leurs demandes empêcheraient les équipes d'offrir des contrats de longue durée structurés comme celui de Zach Parise. Le nouvel attaquant du Wild du Minnesota touchera 12 millions durant les deux premières saisons de l'entente, mais 1 million dans les douzième et treizième années.

La proposition de la LNH limiterait la durée du contrat à cinq saisons (plutôt que 13 dans le cas de Parise) et l'écart salarial entre chacune d'elles ne devrait pas franchir 5 %.

En clair, la mesure découragerait le versement de lucratives primes d'engagement aux meilleurs joueurs autonomes. Cette pratique des équipes riches leur vaut un avantage concurrentiel face aux organisations en manque de liquidités. Et les vedettes du circuit en profitent.

Ajoutons à ces propositions l'ajout d'une saison pour atteindre l'autonomie complète et on comprend que les joueurs seront perdants sur toute la ligne. Fehr l'a d'ailleurs expliqué dans un mémo transmis à ses membres jeudi soir et dont TSN a obtenu copie.

«Individuellement, chacun de ces éléments est mauvais pour les joueurs, a-t-il écrit. Ensemble, ils diminueraient de manière significative le pouvoir de négociation d'un joueur.»

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En réduisant de 57 % à 50 % leur part des revenus de la LNH, les joueurs transféreront un milliard de dollars de leurs poches à celles des propriétaires au cours des cinq prochaines saisons.

C'est évidemment énorme et Fehr l'a rappelé aux joueurs dans son mémo. Mais ces concessions ne sont pas suffisantes pour Gary Bettman.

Le commissaire mise manifestement sur l'érosion du moral des joueurs. Rien n'est encore joué, mais il pourrait gagner son pari.

Cela dit, Bettman semblait déçu qu'un accord ne soit toujours pas conclu. Je ne veux ni augmenter, ni abaisser les attentes, a-t-il dit à La Presse canadienne. Je ne serai pas content tant que ce ne sera pas réglé et que nous ne jouerons pas.»

Les gains que les joueurs peuvent encore obtenir n'en sont pas réellement. Ils constituent plutôt des aménagements aux demandes très agressives des propriétaires.

Si le contenu exact de la prochaine convention collective reste inconnu, on sait néanmoins ceci: au plan monétaire, les joueurs toucheront un pourcentage moins élevé des revenus, ce qui représente un recul. Et au plan normatif, ils ne préserveront sans doute pas le statu quo. Ils devront faire des concessions sur la durée des contrats.

Les négociations devraient reprendre aujourd'hui. N'en reste pas moins qu'après une semaine de pourparlers soutenus, aucun des enjeux majeurs n'est réglé.

La bonne nouvelle, c'est qu'une fenêtre d'une dizaine de jours existe encore pour conclure un accord qui permettrait la reprise des activités le 1er décembre.