À New York hier, deux hommes ont tranché concernant la tenue d'événements sportifs prestigieux.

Le premier, Michael Bloomberg, a agi de manière éclairée en renonçant à la présentation du marathon de New York.

Le second, Gary Bettman, s'est comporté avec dogmatisme en annulant le match de la Classique hivernale.

Deux hommes, deux décisions, deux styles de gestion.

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Michael Bloomberg a résisté jusqu'au bout.

Le maire de New York ne voulait pas faire l'impasse sur le marathon, qui devait être couru demain. Mais devant l'opposition grandissante à la tenue de l'événement, il a rendu les armes.

Les effets dévastateurs de l'ouragan Sandy bousculent toujours la vie des New-Yorkais. Des centaines de milliers d'entre eux sont privés d'électricité depuis plusieurs jours. Des familles logent dans de minuscules chambres d'hôtel en attendant le rétablissement des services dans leur appartement.

Malgré tout, Bloomberg s'est accroché à son désir de présenter l'épreuve. Dans son esprit, New York afficherait ainsi son cran légendaire en luttant contre l'adversité.

Il estimait aussi que les retombées économiques du marathon, avec la participation de près de 50 000 coureurs, revigoreraient un tant soit peu le moral des commerçants. Les dommages financiers provoqués par Sandy sont estimés à 50 milliards.

Ces arguments se défendent. N'empêche qu'il y avait quelque chose de choquant à mobiliser autant d'énergie pour tenir un marathon, et à solliciter de manière si importante les services publics, alors que New York se relève à peine de son malheur. Et que beaucoup de ses habitants souffrent encore.

Un maire déterminé est un atout pour une ville. Mais cette pugnacité ne doit pas se transposer en absence de sensibilité. New York a des priorités plus pressantes que l'organisation d'un marathon.

Tout au long de la journée d'hier, des voix se sont élevées pour demander au maire de New York de surseoir à la présentation de la course. D'autant plus que le départ devait être donné de Staten Island, le quartier le plus touché par la tempête.

Selon le New York Times, la colère des opposants a augmenté d'un cran en apprenant que des générateurs utilisés par les organisateurs auraient pu alimenter en électricité des centaines de résidences.

Bloomberg est un richissime politicien indépendant, un véritable homme de pouvoir. Il ne voulait pas annuler le marathon. Mais il a écouté le message de ses concitoyens. Et il a ajusté sa décision en conséquence.

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Trois heures plus tôt, Gary Bettman avait confirmé l'annulation de la Classique hivernale. Les Maple Leafs de Toronto devaient affronter les Red Wings de Detroit devant plus de 100 000 spectateurs, le 1er janvier, au stade de l'Université du Michigan.

Cette rencontre constituait le point d'ancrage de deux semaines d'activités mettant en vedette le hockey dans la région de Detroit.

Au plan purement logistique, cette décision était inévitable. Un festival de cette ampleur nécessite une longue préparation. L'incertitude actuelle ne laissait pas le choix à la direction du circuit.

N'empêche que si la LNH a dû annuler le match-phare de son calendrier régulier, c'est en raison de sa propre intransigeance.

Si Gary Bettman avait voulu négocier les termes de la prochaine convention collective plutôt que les imposer, ce scénario du pire aurait été évité.

C'est en ce sens que l'annulation du match est un mauvais choix. Cette annonce est la conséquence directe d'une stratégie axée sur la confrontation plutôt que le dialogue. Et sur l'absence d'écoute. Et sur le mépris des fans.

La Classique hivernale vaut à la LNH d'excellentes cotes d'écoute à la télévision américaine. Les partenaires corporatifs sont heureux de s'associer à l'événement, qui a pris une formidable ampleur au cours des dernières années.

Que la direction de la LNH mette en péril cet acquis illustre à quel point les tenants de la ligne dure, Bettman en tête, tiennent solidement les rênes du circuit.

Le lock-out, on le sait bien, fait d'abord mal aux joueurs. Ils ne sont pas payés pendant le conflit et leur carrière est limitée dans le temps.

En revanche, les propriétaires sont les premières victimes de l'annulation de la Classique hivernale. Leurs efforts de mise en marché du hockey sont ainsi stoppés.

Le commissaire croit-il envoyer un message de fermeté aux joueurs avec cette décision? Si c'est le cas, il sera déçu.

Donald Fehr a trop d'expérience pour avoir pensé un seul moment que la LNH ferait des concessions uniquement dans l'espoir de sauver cet événement.

Dans le grand jeu des négociations, l'échéance de la Classique hivernale n'a jamais été un élément déterminant. Les effets du futur contrat de travail se feront sentir pendant des années. Voilà qui est beaucoup plus important que la présentation d'un seul match, si porteur soit-il.

Au plan de l'image, c'est cependant une autre histoire. Pour beaucoup d'amateurs de hockey, spécialement aux États-Unis, le report de la Classique hivernale est un électrochoc. Le conflit devient subitement très réel.

Ce match symbolise la renaissance de la LNH depuis le précédent lock-out, qui a conduit à l'annulation de la saison 2004-2005. C'est ce renouveau qui est désormais en péril.

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En annulant le marathon même s'il n'en voyait pas l'utilité, Michael Bloomberg n'est pas resté prisonnier de ses propres convictions. Il a écouté les gens autour de lui, il a pris le pouls de sa communauté.

Qui sait, peut-être que cette décision courageuse inspirera Gary Bettman, dont le bureau n'est situé qu'à quelques minutes de celui de Bloomberg.

Peut-être rappellera-t-elle au commissaire qu'il n'est pas l'unique détenteur de la vérité. Que l'opinion de ses commettants, dont les joueurs et les fans, compte aussi.

Et, surtout, que la vie est faite de compromis.