Leur pouvoir est immense et leur longévité en poste, impressionnante. Pour être admis au sein de leur club sélect, les gens d'affaires les plus influents doivent s'incliner et accepter leur autorité. Roger Goodell (NFL), David Stern (NBA), Bud Selig (baseball majeur) et Gary Bettman (LNH) sont les commissaires des quatre grandes ligues professionnelles. Malgré des défis différents, plusieurs éléments les unissent. Le plus important: les quatre hommes s'entourent de collaborateurs loyaux et dirigent leur royaume avec fermeté. Malheur aux équipes qui oseraient contester publiquement leur leadership. Ils sont les nouveaux monarques.

Depuis le déclenchement du lock-out dans la LNH, l'influence déterminante de Gary Bettman ne fait aucun doute.

Même s'il est officiellement l'employé des propriétaires d'équipe, les règlements de la LNH font du commissaire le chef suprême. En matière de relations de travail, l'appui de 8 gouverneurs sur 30 lui suffit pour dicter sa ligne de conduite.

Ce n'est pas uniquement sur le plan de la convention collective que l'influence de Bettman est déterminante. Dans tous les dossiers, il détient le dernier mot.

Si les Coyotes de Phoenix demeurent en Arizona contre toute logique, c'est parce que Bettman le souhaite. Si les promoteurs du retour des Nordiques à Québec évoquent leurs démarches avec prudence, c'est pour ne pas l'indisposer. Si Jim Balsillie n'a pas acheté d'équipe malgré sa fortune et son amour du hockey, c'est parce que le commissaire n'appréciait pas son style.

En clair, personne ne peut devenir propriétaire d'une équipe de la LNH sans l'appui de Bettman. Il s'agit d'un pouvoir considérable puisque toute personne admise dans ce cercle restreint lui devient forcément redevable.

Au fil des années, Bettman a profité des nombreuses ventes d'équipes pour consolider son pouvoir. Les propriétaires ayant plus d'expérience que lui dans les affaires de la LNH se comptent sur les doigts d'une main. Cela renforce son autorité.

Si une organisation connaît des difficultés, elle se tourne vers lui dans l'espoir de trouver une solution. Ce fut récemment le cas à Edmonton, au New Jersey et à Long Island.

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L'ascendant de Bettman n'est pas unique dans le sport professionnel. Les autres commissaires possèdent une influence aussi vaste, même si celle de Roger Goodell semble plus encadrée par les propriétaires de la NFL.

On l'a senti en début de saison durant le lock-out imposé aux arbitres. Plusieurs médias ont rappelé l'inflexibilité de certaines organisations: pas question de céder aux demandes des officiels.

Il a fallu une perte de crédibilité de la NFL pour stopper ce cirque. Compte tenu du coût modeste du règlement, Goodell aurait sans doute voulu conclure un accord plus tôt.

Même si la NFL a touché le gros lot en renouvelant ses contrats de télévision l'an dernier, Goodell connaît une saison difficile. Ses décisions dans l'affaire des primes contre blessures des Saints de La Nouvelle-Orléans l'ont aussi mis sur la sellette.

Au baseball, Bud Selig maîtrise parfaitement la situation. Les propriétaires lui ont demandé de demeurer en poste jusqu'à la fin de la saison 2014, lorsqu'il aura 80 ans.

L'héritage de Selig est marqué par les nombreux cas de dopage qui ont secoué le baseball majeur. C'est une tache à son dossier. Mais après la grève de 1994, il a relevé son sport et apporté plusieurs améliorations.

David Stern tient les rênes de la NBA depuis 1984. La semaine dernière, il a annoncé qu'il prendrait sa retraite en février 2014, alors qu'il célébrera ses 30 années en poste.

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Quels sont les liens personnels des quatre commissaires avec leur sport? Deux noms se démarquent clairement à ce sujet: ceux de Goodell et de Selig.

Goodell est le fils de Charles Goodell, nommé sénateur de l'État de New York après l'assassinat de Robert F. Kennedy en 1968. Deux ans plus tard, il a perdu l'élection pour demeurer au Congrès.

Roger Goodell a grandi dans un environnement politique, un atout pour un futur commissaire. Jeune homme, il a déniché un boulot de stagiaire dans la NFL après avoir expédié une demande d'emploi à toutes les équipes, signe de son intérêt pour le football. Il a gravi les échelons et succédé à Paul Tagliabue en 2006.

De son côté, Bud Selig ne vit que pour le baseball depuis le milieu des années 1950. Actionnaire minoritaire des Braves de Milwaukee, il s'est opposé sans succès à leur transfert à Atlanta après la saison 1965.

Cinq ans plus tard, Selig a acheté les Pilots de Seattle et les a transformés en Brewers de Milwaukee.

Goodell et Selig ne sont pas avocats, la profession de Stern et Bettman. Ces derniers ont amorcé leur carrière dans le sport professionnel comme conseillers juridiques de la NBA.

Bettman a été le protégé de Stern. Il était le troisième des plus hauts gradés de la NBA lorsqu'il a accepté l'offre de la LNH, en 1993. Ses connaissances en hockey étaient très minces.

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Les quatre commissaires ont eu à gérer des conflits de travail durant leur mandat. Voyons comment ils ont réagi.

L'an dernier, Roger Goodell a conclu un accord avec les joueurs après un lock-out de cinq mois durant la saison morte. Aucun match n'a été raté.

Pour sa part, en 20 ans à la barre des ligues majeures, Bud Selig n'a jamais mis les joueurs en lock-out. Le conflit de 1994 était une grève. Le baseball connaît la paix industrielle depuis cette époque.

Stern et Bettman ont des feuilles de route différentes. Le commissaire de la NBA a décrété un lock-out en 1998 (calendrier réduit à 50 matchs) et 2011 (calendrier réduit à 66 matchs.)

Gary Bettman, lui, a utilisé le lock-out en 1994 (calendrier réduit à 48 matchs), 2004 (saison annulée) et 2012 (l'impasse persiste).

Depuis l'arrivée de Bettman à la tête de la LNH, jamais une convention de travail n'a été renouvelée sans conflit. Si les lock-out de 1994 et 2004 se justifiaient, celui de cette année ressemble à un dérapage.

> Réagissez sur le blogue de Philippe Cantin

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Constat 1

Peu importe le sport, plusieurs commissaires occupent longtemps leur poste. David Stern atteindra 30 années de service au moment de sa retraite, en 2014. Et si Bud Selig ne fêtait pas son 80e anniversaire la même année, la dernière de son contrat, parions qu'il demeurerait en poste. D'autres exemples: Pete Rozelle (NFL), règne de 29 ans; Clarence Campbell (LNH), règne de 31 ans.

Impact LNH

Si Bettman veut imiter son mentor David Stern, il pourrait demeurer aux commandes de la LNH dix autres années.

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Constat 2

Les commissaires sont souvent d'anciens vice-présidents du circuit. Ainsi, en 2014, David Stern sera remplacé par son adjoint, Adam Silver; le successeur de Paul Tagliabue a été son collaborateur principal, Roger Goodell. En 1989, le baseball majeur n'a pas eu la main heureuse en choisissant Fay Vincent, dont les attaches avec le baseball étaient minces. Voilà pourquoi les propriétaires se sont tournés vers Bud Selig après la démission de Vincent, trois ans plus tard.

Impact LNH

En 1993, la LNH était à la recherche d'idées nouvelles, ce qui explique le choix de Gary Bettman. Mais celui-ci aimerait sûrement que Bill Daly, son fidèle lieutenant, lui succède un jour.

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NFL

ROGER GOODELL

53 ans

Diplôme en économie

Commissaire depuis 2006

Lié à la NFL depuis 1982 (stagiaire au siège social)

Fils d'un ancien sénateur de l'État de New York

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NBA

DAVID STERN

70 ans

Avocat

Commissaire depuis 1984

Lié à la NBA depuis 1966 (conseiller juridique)

Sera remplacé par Adam Silver en 2014

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MLB

BUD SELIG

78 ans

Diplôme en sciences politiques

Commissaire depuis 1992

Lié au baseball majeur depuis le milieu des années 50 (actionnaire minoritaire des Braves de Milwaukee)

Ex-propriétaire des Brewers de Milwaukee

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LNH

GARY BETTMAN

60 ans

Avocat

Commissaire depuis 1993

Aucun lien avec le hockey avant d'être commissaire

Membre de la direction de la NBA de 1981 à 1993