L'annulation des deux premières semaines du calendrier régulier marque une étape-clé dans le conflit secouant la LNH. La suite des événements définira l'héritage de Gary Bettman et de Donald Fehr.

Pour chacun d'eux, examinons les scénarios possibles.

GARY BETTMAN

Meilleur scénario: reddition rapide des joueurs

Bettman mise sur sa réputation de négociateur inflexible pour briser le moral des joueurs.

Le commissaire n'a pas hésité à annuler la saison 2004-05 pour imposer le plafond salarial. Il espère que le souvenir de ces millions perdus en salaire fera fléchir les joueurs.

Bettman croit aussi à l'effet d'entraînement des ententes survenues dans la NFL et la NBA l'an dernier. Les joueurs, rappelons-le, ont accepté une baisse non négligeable de leur pourcentage de revenus.

La force combinée de ces deux éléments conduit au meilleur scénario pour Bettman. Cela entraînerait une reddition rapide des joueurs.

Un partage des revenus moitié-moitié, en plus d'une limite de six saisons à la durée des contrats, constituerait une victoire pour la LNH.

Bettman veut aussi empêcher les joueurs d'avoir leur mot à dire dans le partage des revenus entre les équipes à hauts et bas revenus. Comme la plupart des employeurs, la perspective que le syndicat s'immisce dans le fonctionnement interne de l'entreprise lui déplaît.

Scénario intermédiaire: reprise en janvier

À défaut d'un improbable règlement rapide, Bettman espère sûrement que le passage du temps augmentera la pression sur les joueurs. Ce fut le cas dans la NBA l'an dernier et un accord a permis la reprise des activités à Noël.

Pour cela, le commissaire doit miser sur la lente désolidarisation des joueurs. Voilà pourquoi je pense qu'il demeurera publiquement discret au cours des prochaines semaines.

L'animosité de nombreux joueurs à son endroit est vive. Ses déclarations, loin de favoriser des échanges fructueux, unifient plutôt les joueurs contre lui. Ce n'est sans doute pas un hasard si son adjoint Bill Daly est devenu le principal porte-parole de la LNH.

Pour Bettman, un scénario semblable à celui de 1994-95, avec un calendrier régulier de 48 matchs et la tenue complète des séries éliminatoires, constituerait une solution acceptable. Pour autant que les joueurs acceptent de baisser leur part de revenus à 50%.

Pire scénario: saison annulée

Si Bettman pousse l'intransigeance jusqu'à annuler la saison, il brisera l'élan de la LNH. Cela fera très mal aux équipes les plus fragiles, ironiquement celles pour qui ce lock-out a été décrété.

Pareille tournure des événements inciterait des propriétaires à s'interroger sur son leadership plutôt qu'à accepter ses diktats. (Les règlements internes de la LNH donnent au commissaire une influence prépondérante dans les relations de travail.)

N'oublions pas cet élément fondamental: la LNH a touché des revenus records de 3,3 milliards en 2011-12. Si le circuit éprouve des ennuis, ce n'est pas parce que le modèle économique ne fonctionne pas. Mais plutôt parce que des équipes sont établies dans de mauvais marchés de hockey.

Bettman aura des ennuis à conserver son poste si la saison est annulée.

DONALD FEHR

Meilleur scénario: préserver les revenus des joueurs

Les joueurs estiment avoir fait toutes les concessions possibles lors du conflit de 2004-05. Ils refusent de céder une deuxième fois.

Pour Donald Fehr, l'essentiel est, dans un premier temps, de préserver leurs revenus au niveau actuel. Et d'obtenir ensuite des hausses modestes. Ils ont touché 1,8 milliard la saison dernière et ne veulent pas chuter sous ce seuil. Ils sont prêts à des concessions, mais uniquement sur la croissance prévue des revenus du circuit.

Si Fehr réussit à maintenir cet acquis, peu importe la formule retenue pour y arriver, il pourra dire mission accomplie. Mais Gary Bettman ne cédera pas de sitôt.

Fehr a vécu de durs conflits lorsqu'il était à la tête de l'Association des joueurs de baseball. Si les joueurs restent derrière lui, il ne se montrera guère plus flexible que son vis-à-vis.

Scénario intermédiaire: recul partiel de Bettman

Si Gary Bettman diminuait ses demandes touchant plusieurs conditions de travail des joueurs (durée des contrats, arbitrage salarial, bonis d'engagement, atteinte de l'autonomie complète), Fehr pourrait faire un pas en sa direction.

Les joueurs devraient alors examiner une nouvelle manière de partager la tarte de 3,3 milliards de revenus. Des concessions de leur part pourraient conduire à un déblocage honorable, à temps pour sauver la saison.

Pire scénario: les joueurs l'abandonnent

Si le conflit se prolonge au-delà de Noël, des joueurs risquent d'abandonner Donald Fehr. Ils se souviendront du cauchemar de la saison 2004-05: perte d'une année de salaire, imposition d'un plafond salarial et chèque de paie amputé de 24% la saison suivante. Tout ça pour ça, vraiment?

Les joueurs en fin de carrière, tout comme ceux n'ayant pas reçu d'offre d'une équipe européenne, pourraient alors faire pression pour assouplir la position syndicale.

Maintenir l'unité du groupe au fil des mois représentera un défi pour Fehr. S'il ne réussit pas, il terminera sa carrière de représentant des joueurs sur un échec. Cela ne fait sûrement pas partie de ses plans.

CONCLUSION

L'annulation complète de la saison ferait mal à Bettman et à Fehr. Il s'agit de l'hypothèse la plus dommageable pour eux personnellement, mais aussi pour les propriétaires, les joueurs et les partisans.

Hélas, le scénario du pire pourrait se concrétiser. La souplesse, l'imagination et l'ouverture ne caractérisent pas ces négociations.

s Pour joindre notre chroniqueur: pcantin@lapresse.ca