Le plus désespérant dans le lock-out qui frappe la LNH, c'est le manque cruel d'imagination pour relancer les pourparlers.

Bill Daly en a fourni une nouvelle illustration lundi. «On s'attend à ce que les joueurs nous apportent du nouveau de façon substantielle», a déclaré le numéro deux du circuit.

Daly a ainsi bêtement repoussé sur les joueurs la responsabilité de débloquer les négociations. Pas très proactif, on en conviendra! Surtout d'un homme qui dit ne pas souhaiter l'annulation d'un seul match de la saison régulière.

Dans ce contexte maussade, il ne faut pas s'attendre à un miracle, vendredi, lorsque proprios et joueurs se retrouveront à la table de négociations pour la première fois depuis le 12 septembre.

Mais on a le droit de rêver! Dans un monde idéal, vous savez comment cette séance s'amorcerait? Par la lecture collective d'un article de Sports Illustrated, publié peu après le règlement du lock-out dans la Ligue nationale de football, en juillet 2011. Ce court texte raconte comment la percée décisive s'est produite.

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Un jour, agacé par le piétinement des pourparlers, le médiateur au dossier a lancé aux dirigeants de la NFL: «Les gars, vous devez trouver de nouvelles idées. À l'heure actuelle, les deux parties parlent chacune de leur côté, mais pas l'une à l'autre.»

Le constat du médiateur était clair: beaucoup de verbiage, pas de dialogue! Ça ne vous rappelle pas la situation dans la LNH à l'heure actuelle?

C'est alors qu'un haut gradé de la NFL a eu une idée. Au lieu d'exiger des joueurs une diminution draconienne de leur pourcentage de revenus, pourquoi ne pas segmenter ces revenus et établir un partage différent pour chaque catégorie?

Ainsi, les propriétaires toucheraient une part plus importante des revenus générés par leurs propres investissements, comme les améliorations aux stades; et une portion plus modeste de ceux n'étant pas le résultat de leurs risques financiers, comme les droits de télé.

Ce concept original a jeté les bases de l'entente. Chacune des parties s'est sentie respectée dans ce plan, ce qui a conduit à un accord sur les autres clauses en litige.

Calquer cette solution n'est pas une avenue pour la LNH. Sa réalité économique est trop différente. Mais joueurs et proprios peuvent certainement s'inspirer de l'approche de la NFL.

En revanche, pas besoin d'attendre aussi longtemps avant d'en arriver là! Dans la NFL, il a fallu cinq mois, la nomination d'un médiateur et une pluie de recours juridiques avant que le gros bon sens ne s'impose. La LNH et ses joueurs pourraient tirer une leçon de cette aventure et s'épargner quelques étapes pénibles.

(En passant, Roger Goodell ferait bien de relire le même article de Sports Illustrated s'il veut mettre fin au cirque provoqué par le lock-out des arbitres de son circuit. Rarement vu une situation aussi aberrante dans tout le sport professionnel.)

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Gary Bettman et Donald Fehr doivent sortir du vieux modèle de négociations. Ils doivent montrer un peu d'imagination.

Tenez, un exemple: depuis l'ouverture des pourparlers, les propriétaires refusent de discuter sérieusement du partage des revenus entre les équipes à hauts et bas revenus.

Cette attitude fermée n'est pas encourageante. Pour que les joueurs acceptent une éventuelle baisse salariale, ils devront obtenir l'assurance que cette concession n'engraissera pas les profits du Canadien, des Rangers de New York ou des Maple Leafs de Toronto, mais aidera plutôt les équipes en difficulté.

De leur côté, les joueurs devront reconnaître que leur propre proposition, basée sur la croissance prévue des revenus de la LNH, comporte une bonne dose d'incertitude pour les propriétaires.

Quelle entreprise voudrait déterminer les salaires de ses employés en se fondant sur une projection de revenus plutôt que sur la réalité des chiffres?

Autour de ces deux axes, il existe certainement assez de matière grise à la table de négociations pour imaginer des pistes originales de solution. Mais pour cela, la volonté de régler est une condition essentielle. Ce qu'on ne sent absolument pas pour l'instant.

Les parties semblent miser sur une guerre d'usure. Le rythme lent de leurs discussions l'illustre bien.

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Si les proprios et les joueurs demeurent fidèles au modèle traditionnel de négociations au cours des prochaines semaines, et c'est malheureusement l'avenue la plus probable, un déblocage n'est pas pour bientôt.

Même l'échéance de la Classique hivernale du 1er janvier n'aura pas une grande influence sur le processus. Les dirigeants de la LNH tiennent à cet événement, mais pas au point de conclure une entente de six ans qui ne permettrait pas l'atteinte de leurs principaux objectifs.

À moins, bien sûr, que ces objectifs deviennent moins dogmatiques au cours des prochaines semaines. À l'heure actuelle, la LNH attaque de plein fouet non seulement les revenus des joueurs, mais aussi leurs droits: acquisition de l'autonomie, durée des contrats, arbitrage salarial...

Si les proprios montraient un minimum de latitude sur ces enjeux, les joueurs devraient forcément se repositionner. Sans régler le conflit, cela permettrait de sortir de l'immobilisme des derniers jours. Il s'agirait d'une modeste avancée, susceptible d'entraîner un dialogue significatif.

À court terme, hélas, difficile d'espérer mieux.

Photo: AP

Le commissaire Gary Bettman, tout comme Donald Fehr, doit sortir du vieux modèle de négociations et montrer un peu d'imagination.