Ça joue dur dans les négociations entre la LNH et ses joueurs, comme le démontre le texte de mon collègue Richard Labbé.

La Commission des relations du travail du Québec pourrait-elle empêcher la mise en lock-out des joueurs du Canadien le week-end prochain? Et ainsi forcer la direction de l'équipe à les payer, et à leur permettre de s'entraîner sous supervision, même si aucun match n'était disputé?

Il s'agit d'un scénario bizarre. Mais dans le contexte actuel, il est malheureusement révélateur d'une triste réalité.

Si l'Association des joueurs amorce une démarche en ce sens, et songe à intenter des recours semblables en Ontario, au Manitoba, en Alberta et en Colombie-Britannique, c'est parce qu'aucun déblocage n'est en vue dans les pourparlers actuels. Les joueurs veulent donc exercer une pression additionnelle sur la direction du circuit.

En clair, cette stratégie n'a qu'un seul objectif: inciter les propriétaires à montrer plus d'ouverture dans les discussions. La rigidité de leur position laisse en effet croire qu'ils veulent imposer leur règlement plutôt que de miser sur un compromis honorable pour les deux parties.

Comme tout syndicat, peu importe le secteur d'activités, celui des joueurs est furieux d'être menacé de lock-out. Cela est d'autant plus vrai que seuls les propriétaires sont en demande à la table des négociations.

Les joueurs rêveraient de reconduire l'entente qu'on leur a pourtant enfoncée dans la gorge en 2005. Et les propriétaires, qui ont alors célébré son adoption, la jugent désormais insatisfaisante.

Ainsi va le sport professionnel, sans doute le secteur de l'économie nord-américaine qui a le mieux résisté au ralentissement économique des dernières années. Car ne l'oublions pas: le conflit qui se dessine n'a qu'une seule base: comment diviser les revenus records de la LNH, soit 3,3 milliards la saison dernière?

Avouons que dans ce contexte, il faut un certain culot aux propriétaires pour réclamer une baisse de salaire de 20% aux joueurs. Si la LNH se porte si mal, comment expliquer qu'une concession chancelante comme celle des Coyotes de Phoenix puisse valoir 170 millions?

C'est pourtant le prix que le groupe de Greg Jamison versera pour acquérir l'équipe. Mais comme me l'a déjà expliqué un expert, l'important n'est pas le coût d'achat, mais celui de revente dix années plus tard! Et il est très rare que la valeur d'une concession diminue.

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Gary Bettman a confirmé cet été que la LNH décréterait un lock-out le 15 septembre si aucune entente n'était conclue. Les joueurs ont manifesté leur désaccord. Pourquoi ne pas tenir les camps d'entraînement comme prévu et poursuivre les discussions afin de trouver un terrain d'entente?

C'est ce qui s'est produit en 1994. Mais l'expérience n'a produit aucun résultat concret. Un arrêt de travail a eu lieu et l'ouverture du calendrier régulier a été retardée au mois de janvier suivant.

La LNH faisant des conflits de travail une spécialité, un autre lock-out a été décrété en 2004-2005. Et cette fois aussi, les joueurs du Canadien ont amorcé des démarches devant la Commission des relations de travail du Québec. Un des points en litige consistait à identifier le réel employeur des joueurs: le Canadien ou la LNH?

Le débat est intéressant. Les joueurs sont soumis aux règles de la LNH et à une convention collective négociée par la direction du circuit installée à New York. Mais les chèques de paie sont émis par le Canadien. Beau sujet de réflexion pour les étudiants en droit...

Quelques semaines après l'audition initiale, une entente est intervenue entre la LNH et ses joueurs. Et l'affaire n'est pas allée plus loin.

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En commentant le lock-out dans la Ligue nationale de football l'an dernier, Barack Obama a bien résumé l'exaspération des amateurs.

«De propriétaires milliardaires et des joueurs millionnaires devraient être capables de résoudre leur différend», a-t-il dit.

S'il s'intéressait au hockey, le président des États-Unis pourrait tenir un discours semblable.

L'industrie du hockey n'est pas aussi riche que celle du football. Mais ses artisans, propriétaires ou joueurs, sont des privilégiés de la société. Le bon sens exige qu'ils multiplient les efforts pour conclure un accord cette semaine, cinq jours avant la date prévue du lock-out.

Demain à New York, les joueurs discuteront entre eux de l'état du dossier. Les propriétaires les imiteront le lendemain. Chacun de leur côté, ils parleront d'argent. Mais auront-ils une seule pensée sincère pour les amateurs?

Au plan des communications, les deux parties ne s'illustrent pas. Gary Bettman a été incapable d'expliquer pourquoi les salaires des joueurs devaient être réduits de 20%. Et, avouons-le, ceux-ci n'ont pas justifié pourquoi leur proposition, différente du système actuel, était la seule envisageable.

Les éléments de désaccord sont nombreux: partage des revenus, durée des contrats, arbitrage salarial, terme de la convention collective et système de péréquation entre les équipes à hauts et bas revenus.

La manière de diviser la tarte de 3,3 milliards de revenus représente néanmoins l'enjeu fondamental. Si les deux parties s'entendent là-dessus, le reste tombera en place. Mais pour cela, il faudra une volonté réelle de régler.

Chose sûre, ce n'est pas devant la Commission des relations de travail du Québec que ce litige sera résolu!

Il reste donc cinq jours aux deux parties pour conclure un accord acceptable. Ça ne regarde pas bien, mais souhaitons un déblocage. Car lorsqu'un conflit éclate, personne ne connaît le moment où il finira.