Dans la dernière ligne droite de la campagne électorale, Jean Charest a affirmé que l'élection du Parti québécois nuirait aux chances de Québec de retrouver son équipe de la Ligue nationale.

La réplique de Pauline Marois n'a pas tardé: «Je vais rappeler aux Québécois que c'est en 1979 que les Nordiques se sont joints à la LNH. C'était sous un gouvernement du Parti québécois. L'argument ne tient pas.»

En puisant ainsi dans l'histoire, Mme Marois s'est montrée habile. N'empêche que le contexte était bien différent à cette époque. Contrairement à aujourd'hui, Québec détenait un véritable rapport de force pour accéder à la LNH.

Les Nordiques faisaient alors partie d'un groupe de quatre équipes de l'Association mondiale de hockey (AMH) qui voulaient se joindre à la LNH. Cette fusion entre les deux circuits mettrait fin à la guerre du hockey professionnel, qui avait provoqué des pertes financières majeures.

Le président de la LNH, John Ziegler, travaillait sans relâche afin de mener ce projet à bien. Malgré tout, il existait un fort courant anti-Québec et anti-Winnipeg.

Cette faction était menée par Clarence Campbell, le prédécesseur de Ziegler, qui conservait une énorme influence. Le Canadien de Montréal l'appuyait en coulisses, ne voulant pas partager le territoire du Québec avec un nouveau concurrent.

Conscient des dangers qui planaient sur l'avenir des Nordiques, le président de l'équipe, Marcel Aubut, menaça la LNH d'une gigantesque poursuite basée sur les lois anti-monopoles si les Fleurdelisés étaient écartés du projet.

«Aucun prix ne sera assez élevé pour obtenir notre consentement à la fusion si nous n'en sommes pas, dit-il. Et sans notre accord, la fusion ne se fera pas.»

L'argument porta. Le 30 mars 1979, après mille péripéties, les Nordiques furent admis dans la LNH en compagnie des Jets de Winnipeg, des Oilers d'Edmonton et des Whalers de Hartford.

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Trente-trois ans plus tard, Québec ne possède pas ce levier. Et l'industrie du sport professionnel s'est transformée.

Pour retrouver ses Nordiques lorsque l'occasion se présentera, Québec devra relever un seul défi: convaincre les dirigeants de la LNH de son potentiel à générer des revenus suffisants pour assurer l'avenir de l'équipe à long terme.

Peu importe l'opinion de M. Charest, cela est vrai, gouvernement péquiste ou pas, référendum ou pas.

Le retour des Jets de Winnipeg en fournit un bon exemple. La LNH a repoussé le plus longtemps possible le transfert d'une concession dans la capitale manitobaine. L'aventure était pourtant parrainée par David Thomson qui, à la tête de la famille la plus riche du Canada, gère une fortune de 20 milliards.

Malgré la solidité de cet investisseur, Gary Bettman a exigé des partisans des Jets l'achat de 13 000 abonnements saisonniers pour une durée minimale de trois saisons. Inutile de le préciser, aucune équipe américaine n'a jamais dû combler pareille revendication.

La solidité du marché canadien semble toujours inquiéter la LNH. Comme si le plongeon du huard face à la devise américaine dans les années 1990, un phénomène qui a occasionné de graves difficultés au circuit, avait laissé une empreinte durable.

Ironiquement, sans le succès extraordinaire des équipes canadiennes depuis cinq ans - en partie dû à la parité du huard avec le billet de l'Oncle Sam -, la LNH n'aurait pas engrangé des revenus records de 3,3 milliards la saison dernière.

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Les résultats des élections de mardi n'auront pas d'impact négatif ou positif sur les chances de Québec de revoir ses Nordiques. D'autres éléments sont beaucoup plus importants.

La mise en chantier du nouveau Colisée, un projet déjà appuyé par le Parti québécois lorsqu'il formait l'opposition officielle, est un développement porteur.

Mais à court terme, c'est le contenu de la prochaine convention collective qui constitue l'enjeu majeur.

L'accord permettra-t-il aux organisations moins saines financièrement de garder la tête hors de l'eau? Prévoira-t-il une hausse substantielle de la péréquation (oui, ça existe même au hockey!) entre les équipes à hauts et à bas revenus?

Si l'entente donne de l'air aux équipes en difficulté, le retour des Nordiques ne sera pas pour demain.

À Québec, certains rêvent déjà d'une expansion qui permettrait à la capitale nationale d'accéder au circuit.

Si c'est le cas, la note risque d'être salée. La seule raison qui pourrait inciter les propriétaires à choisir cette voie serait de réaliser un coup d'argent rapide.

Mais la LNH perdrait ainsi un précieux outil de marchandage pour arracher des concessions aux villes où des équipes éprouvent des ennuis. Glendale, par exemple, n'aurait peut-être pas été aussi généreuse envers les Coyotes si Québec n'avait pas manifesté son intérêt pour l'équipe.

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Et si le Parti québécois tient un jour un référendum sur la souveraineté, comment réagira la LNH si elle étudie toujours la candidature de la capitale nationale?

Ce sera évidemment un élément de plus à évaluer pour les dirigeants du circuit. Non pas pour des questions liées à la langue ou l'identité. L'internationalisation du hockey, combinée à l'historique des Nordiques dans la LNH, les a fait cheminer à ce chapitre.

En revanche, comme tous les gestionnaires d'entreprise, ils analyseront les plans du gouvernement du Québec en matière de devise (garde-t-on le dollar canadien?), de fiscalité et de développement économique. Ces enjeux feront partie de l'équation.

En cela, la LNH ne sera pas différente des millions de Québécois qui voudront aussi en savoir plus long avant de se prononcer. Ce sera au gouvernement de fournir des réponses convaincantes.