C'était vendredi dernier. Le regard désabusé, Gary Bettman a lancé d'une manière théâtrale à la caméra: «J'aurais espéré avoir de meilleures nouvelles à annoncer...»

Ainsi, après avoir proposé aux joueurs une diminution draconienne de salaire au cours des six prochaines années, le commissaire a joué le gars étonné de leur réaction.

Quoi, sa «substantielle contre-proposition», pour reprendre son expression, ne les intéresse pas? Ils refusent vraiment de négocier selon les paramètres qu'il a lui-même fixés? Un peu plus et Bettman écrasait une larme.

Sur le plan des communications, l'homme fort de la LNH demeure néanmoins très habile, comme en a fait foi ce point de presse. En affirmant que sa plus récente offre redonnait 460 millions aux joueurs, il a frappé l'imagination des partisans.

Évidemment, Bettman a oublié de préciser que par rapport au statu quo, cette proposition représente une perte minimale de 1,5 milliard pour les joueurs au cours des six prochaines années. Et cela, au moment où la LNH engrange des revenus records.

La déclaration de Bettman, colorée de cynisme, a ouvert un nouveau front dans les hostilités. Compte tenu de l'écart gigantesque entre les positions des deux parties, la bataille des relations publiques est lancée.

Bettman, par exemple, a répété tout l'hiver dernier qu'il n'était pas urgent d'entreprendre les négociations. Voilà qu'il reproche maintenant aux joueurs de ne pas avoir amorcé le processus plus tôt.

Donald Fehr sait cependant répliquer aux piques de Bettman. Il en a donné une preuve cassante en commentant une autre affirmation de Bettman, selon qui les joueurs n'ont aucune garantie de toucher à perpétuité 57% des revenus de la LNH.

«C'est vrai, a reconnu Fehr. Tout comme les propriétaires n'ont aucune garantie de compter à perpétuité sur un plafond salarial.»

Quant à la «substantielle contre-proposition» de Bettman, Fehr l'a hachée menu: «Si les joueurs voulaient augmenter leurs revenus du même pourcentage que les propriétaires souhaitent le diminuer, ils demanderaient 71%. S'ils réduisaient ensuite cette demande à 68%, comment caractériseriez-vous cela? À vous de juger.»

Cette analogie illustre bien l'appétit vorace de Bettman et des propriétaires. Si un conflit éclate le 15 septembre, ceux-ci auront des ennuis à en justifier les raisons. Ils taperont alors encore plus fort sur la tête des joueurs en leur reprochant les gros salaires qu'ils leur ont eux-mêmes consentis.

Ces attaques simplistes, qui font fi de l'économie particulière du sport professionnel, risquent malheureusement de faire mouche auprès de bon nombre d'amateurs.

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La récente tournure des événements ne laisse pas présager d'accord à court terme.

Les joueurs sont prêts à faire des concessions sur la croissance future des revenus. Les propriétaires pourraient ainsi financer un fonds d'aide aux équipes en difficulté, géré par le bureau du commissaire. Cette proposition est intéressante, mais insuffisante pour mener à un accord. Voilà pourquoi une reprise rapide des négociations est essentielle.

La semaine prochaine, les joueurs se rencontreront à New York, les propriétaires aussi. Il restera ensuite 48 heures avant le 15 septembre. À cette date, la LNH mettra ses joueurs en lock-out si une entente de principe n'est pas conclue.

Les joueurs auraient souhaité que les négociations se poursuivent sur d'autres sujets que le partage des revenus au cours des prochains jours. La durée des contrats, que la LNH souhaite limiter à cinq saisons, en est un bon exemple.

Gary Bettman est cependant opposé à l'idée. Dans son esprit, aucun point d'accord ne peut être trouvé sans que la question du partage des revenus soit tranchée.

Là-dessus, le commissaire a raison. Le cadre financier dans lequel la LNH fonctionnera au cours des prochaines années est à la base de la plupart des clauses de la convention collective, sauf celles liées à la sécurité des joueurs et aux autres aspects purement sportifs.

Mais Bettman et les propriétaires devront faire un bout de chemin beaucoup plus significatif que celui de la semaine dernière. Et se rappeler que leurs collègues de la NBA et de la NFL ont agi ainsi pour conclure un accord avec leurs joueurs l'an dernier.

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Le temps file vite, mais il en reste assez pour trouver des solutions. Dix jours, c'est suffisant pour dégager des consensus si les négociateurs font preuve de bonne volonté.

En revanche, Bettman et Fehr ont montré dans le passé qu'ils ne craignent pas un conflit de travail. Si l'un d'eux croit intimider l'autre en maintenant la ligne dure jusqu'au bout, il faudra beaucoup de temps avant de trouver un accord.

Qu'on les aime ou pas, reconnaissons que ces gars-là sont des durs.

POINTS DE SUSPENSION - Gary Bettman n'est pas le seul commissaire intransigeant. Dans la NFL, Roger Goodell adopte la même attitude dans le conflit avec les arbitres.

La saison commence ce soir, et des officiels de remplacement seront en devoir en raison du lock-out décrété par la ligue. Le fonds de retraite et les salaires constituent les principaux points en litige.

Qu'une ligue si riche et dotée d'une telle popularité mette en péril la qualité de l'arbitrage pour une poignée de dollars dépasse l'entendement. Les deux parties ne sont pourtant guère éloignées d'un accord.

Si un arbitre de remplacement commet une erreur majeure ce soir, pariez qu'un règlement interviendra avant les matchs de dimanche.