Lorsqu'on défend une position sur la place publique, il faut un message clair. Les gens doivent comprendre les raisons de nos motivations. C'est ce qui fait cruellement défaut à la direction de la Ligue nationale dans ses négociations avec les joueurs.

Gary Bettman, on le sait maintenant, veut passer à la tronçonneuse les salaires des joueurs. Mais pour quelle raison, outre le désir primaire d'augmenter les revenus des propriétaires aux dépens de ceux de leurs employés?

Suffit de comparer la toile de fond des pourparlers actuels avec celle du dernier conflit pour comprendre à quel point la LNH ne véhicule pas de message cohérent.

En 2004-2005, les propriétaires se sont battus pour l'instauration d'un plafond salarial. Les amateurs ont compris le sens de leurs revendications.

Un plafond salarial permettrait d'équilibrer les forces entre les équipes à hauts et bas revenus, il mettrait fin aux énormes disparités entre les masses salariales d'organisations puissantes comme les Rangers de New York et d'enfants pauvres comme les Blue Jackets de Columbus.

Dans son offensive de relations publiques, Bettman a martelé ce message avec un argumentaire solide. Les partisans, inquiets de l'avenir de leur sport favori, l'ont majoritairement appuyé. Fort de ce soutien, il a tenu la ligne dure et remporté une victoire éclatante.

Un autre élément a joué en faveur de Bettman. Le hockey n'avait pas seulement besoin d'une refonte de son système économique, mais aussi de son style de jeu.

C'était l'époque de l'accrochage à outrance. Le talent offensif avait du mal à s'exprimer. Bref, la LNH était mûre pour des changements en profondeur.

Le conflit a fait avancer la réflexion des dirigeants et des joueurs. Et lors du retour au jeu après un arrêt d'une saison, la LNH a offert un produit dépoussiéré.

Ce grand ménage a transformé pour le mieux la LNH. Au point où un joueur vedette comme Jeff Skinner, des Hurricanes de la Caroline, se qualifie lui-même de membre de «la génération post-lock-out», une manière d'expliquer à quel point le jeu s'est développé dans le bon sens.

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Sept ans plus tard, la LNH connaît encore des problèmes: hausse des commotions cérébrales, avenir incertain des Coyotes de Phoenix, tergiversations sur la refonte de certains règlements, redéploiement des divisions...

Ces défis, bien réels, n'ont cependant aucune commune mesure avec ceux de 2004-2005, lorsque la LNH semblait destinée à devenir un circuit de deuxième ordre. Les revenus de télé étaient à la baisse et le soutien corporatif mince.

Aujourd'hui, la LNH est en bonne santé. La vigueur du dollar canadien a fourni une extraordinaire dose d'énergie aux équipes du pays. Au point où Winnipeg a retrouvé sa concession et Québec rêve du retour des Nordiques.

L'an dernier, les revenus de la LNH ont été de 3,3 milliards, un record. La mise à l'enchère des droits nationaux de télé aux États-Unis s'est soldée par un contrat de 10 ans avec le réseau NBC.

Les commanditaires paient de gros dollars pour s'associer au circuit, comme en fait foi l'entente de 375 millions intervenue l'an dernier avec Molson-Coors.

La LNH, sous le leadership de son vice-président John Collins, un type créatif, a multiplié les initiatives porteuses: classique hivernale, télé-réalité au réseau HBO, site web offert en plusieurs langues...

À plusieurs niveaux, la LNH se distingue dans le sport professionnel nord-américain. Au plan hockey, la plupart des équipes sont rondement menées (OK, pas les Maple Leafs...) Une organisation expérimentée comme celle du Canadien peut terminer au 28e rang du classement général lorsqu'elle commet quelques erreurs d'affilée.

C'est dire à quel point la concurrence est féroce. Les équipes les plus riches ne connaissent pas automatiquement du succès.

En fait, la LNH va si bien que les joueurs ne remettent même pas en cause l'existence du plafond salarial. Pourtant, lorsque Donald Fehr a pris les commandes de leur Association, plusieurs analystes croyaient qu'il viserait son abolition.

Alors, dans ce contexte, pourquoi Gary Bettman semble-t-il préparer un autre arrêt de travail? Veut-il simplement se montrer plus dur négociateur que Donald Fehr?

Chose sûre, Bettman n'a toujours pas articulé de message clair pour justifier ses demandes. Sa position se résume ainsi: «Ce n'est pas logique que les joueurs reçoivent 57% des revenus à perpétuité».

Logique? Mais de quelle logique parle-t-il au juste? Ce partage des revenus n'a tout de même pas empêché le Wild du Minnesota d'accorder 200 millions en contrats à Zach Parise et Ryan Suter cet été, ni aux Predators de Nashville de retenir les services de Shea Weber au coût de 110 millions! Tout cela au moment où Bettman plaidait pour une redistribution du gâteau. Comme incohérence, difficile de trouver mieux.

Bien sûr, les propriétaires ont raison de souhaiter certains ajustements au contrat de travail. Mais ils n'ont pas à attaquer les joueurs avec des demandes excessives, comme c'est le cas actuellement. Surtout sans avoir fait la preuve de leurs ennuis économiques.

Après tout, la LNH doit être très solide financièrement pour composer si longtemps avec la situation des Coyotes de Phoenix.

L'automne dernier, le baseball majeur et ses joueurs ont renouvelé leur entente dans l'harmonie. Le commissaire Bud Selig et les propriétaires ont agi avec sagesse. Gary Bettman devrait s'en inspirer. En 2012, son style bulldozer n'est pas justifié.