Trafalgar Square, hier après-midi. Des centaines de personnes flânent sur cette place splendide, où s'élève la colonne de l'amiral Nelson, vainqueur de Napoléon en 1805. Des édifices prestigieux, comme le National Gallery, ceinturent les lieux.

C'est ici, au coeur de la capitale britannique, qu'est située la Maison du Canada, domicile du Haut-Commissariat du pays à Londres. Avec ses immenses drapeaux unifoliés accrochés à la façade, l'endroit ne passe pas inaperçu.

À l'intérieur, les conversations vont bon train. Le Comité olympique canadien (COC) a organisé un cocktail de bienvenue. «Tu sais quoi? Il y a deux types d'athlètes aux Jeux. Ceux qui espèrent gagner et ceux qui doivent gagner. Ce sont deux choses très différentes. La pression n'est pas la même.»

Celui qui parle est Dominick Gauthier, cofondateur de B2Dix, l'organisme qui encadre des athlètes d'élite. Ancien skieur acrobatique et athlète olympique (Nagano 1998), il n'est ni vraiment un coach ni un psychologue sportif... tout en l'étant un peu. Il est conseiller spécial de certains athlètes, notamment Alexandre Despatie et Clara Hughes. Sa tâche va de la préparation mentale jusqu'à la récolte de soutien financier.

«C'est extraordinaire, ce qu'Alexandre a réalisé pour se rendre à Londres, explique Gauthier. Au printemps 2011, après sa blessure au genou qui a mené à un malaise au dos, il a songé à la retraite. Pour se qualifier en vue des Jeux, il savait que la route serait longue et pénible.»

Animé par une passion peu commune, Alexandre a relevé le défi. Mais voilà qu'en juin, il a subi une commotion cérébrale en heurtant le tremplin lors d'un plongeon d'entraînement en Espagne. Cela ne l'empêchera pas de compter parmi les favoris lors de l'épreuve du 3 mètres. Sa préparation se déroule très bien.

Au cours des derniers jours, Alexandre et ses camarades de l'équipe canadienne de plongeon se sont entraînés à Plymouth, dans le sud de l'Angleterre, où un centre aquatique ultramoderne a été construit au coût de 75 millions de dollars.

Le groupe a maintenant regagné Londres. Dès dimanche, Émilie Heymans et Jennifer Abel tenteront de monter sur le podium dans l'épreuve synchronisée de 3 mètres.

Alexandre Despatie ne devrait pas participer au défilé des athlètes, ce soir, lors de la cérémonie d'ouverture. Ni Jennifer ni Émilie, qui lutteront pour une médaille moins de 48 heures plus tard. Les trois préféreront consacrer toutes leurs heures à la préparation.

Parmi les athlètes canadiens qui marcheront dans le stade olympique, plusieurs iront ensuite achever leur préparation à l'extérieur de Londres. Ce sera le cas des membres de l'équipe de lutte et des nageuses synchronisées.

La cérémonie d'ouverture est attendue avec un immense intérêt à Londres. Après le spectacle envoûtant des Jeux de Pékin en 2008, les organisateurs connaissent l'ampleur du défi.

À la télé, Richard Garneau commentera le spectacle en compagnie de Pierre Houde et Alexandre Bilodeau.

À 82 ans, le vénérable analyste en sera à ses 23es Jeux olympiques! Droit comme un chêne, il paraît 15 ans plus jeune. Et sa passion pour le sport demeure aussi vive qu'en 1960, lorsqu'il a couvert ses premiers Jeux, à Rome.

«Je suis privilégié qu'on me fasse encore confiance, dit-il. Je me souviens encore de Rome. J'étais jeune, impressionné et... impressionnable! Depuis ce temps, mon intérêt pour les Jeux ne s'est jamais démenti.»

Quand je lui demande le secret de son exceptionnelle longévité professionnelle, Richard Garneau répond sans hésiter: «Le travail. Je fais encore fonctionner mes neurones.»

Après la cérémonie d'ouverture, Garneau commentera l'athlétisme. Et comme toujours, ses devoirs sont faits.

«Notre objectif est ambitieux, lance Marcel Aubut. Terminer parmi les douze premiers pays au classement des médailles.»

Au micro, le président du Comité olympique canadien s'adresse aux invités du cocktail. Plusieurs anciens athlètes qui entretiennent toujours un lien avec l'olympisme sont présents: Isabelle Charest, Nathalie Lambert, Catriona Le May Doan...

Officiellement en poste depuis la fin des Jeux de Vancouver, Aubut a énergisé le Comité olympique canadien. Mais ces Jeux constituent aussi un test pour son équipe et lui.

«Mark Tewksbury, notre chef de mission, m'a répété combien l'ambiance est exceptionnelle parmi nos athlètes. Si les résultats sont au niveau de l'enthousiasme, on aura du succès», lance-t-il.

Aubut devra aussi veiller à la place du français et à la sensibilité du Québec au sein du COC. Pour l'instant, l'organisme semble épouser l'admiration du premier ministre Harper pour la Couronne britannique.

En juin dernier, le gouverneur général du Canada, David Johnston, a été nommé parrain officiel du COC. Dans un communiqué diffusé à cette occasion, Aubut a déclaré que «notre gouverneur général occupe une place particulière dans l'identité de tous les Canadiens».

Une affirmation aussi peu nuancée nuit à la crédibilité du COC et risque d'indisposer de nombreux Québécois qui ne ressentent pas cet attachement pour les institutions royales.

Aubut n'est évidemment pas d'accord avec cette interprétation. Il jure que ce choix n'a rien eu de politique. «Le gouverneur général est le premier citoyen du pays. Il est bilingue et aime le sport.»

À partir de ce matin, la pression ne sera pas seulement sur les athlètes. Elle sera aussi sur Marcel Aubut, le premier francophone à présider le Comité olympique canadien. Il ne faudrait pas que son legs soit uniquement financier, même s'il se démarque nettement à ce chapitre.

Aubut ne travaille pas seulement sous l'oeil vigilant de l'amiral Nelson, dont la flotte a décimé la marine française... Il sera surveillé par tous ceux qui ont le français à coeur.