Les Flyers de Philadelphie ont attaqué les Predators de Nashville avec un vieux truc, la semaine dernière, en offrant 110 millions à Shea Weber.

Pour bien comprendre, il faut retourner au mois d'août 1997. Cet été-là, les Rangers de New York portent un grand coup. Ils proposent un contrat de 21 millions pour trois ans à Joe Sakic, de l'Avalanche du Colorado.

Le montant, immense pour l'époque, inquiétait déjà l'Avalanche. Afin de décourager les anciens Nordiques d'égaler l'offre, les Rangers donnent un tour de vis supplémentaire. Leur offre à Sakic comprend un boni de signature de

15 millions et un salaire annuel de 2 millions.

Résultat, pour conserver Sakic, les propriétaires de l'Avalanche doivent lui remettre un chèque de 15 millions une semaine plus tard. Les Rangers ne croient pas qu'ils réussiront.

Contre toute attente, l'Avalanche relève le pari. En une poignée de jours, l'organisation confirme la construction d'un nouvel amphithéâtre et renouvelle ses contrats de télévision. Sakic demeure au Colorado et les Rangers se retrouvent le bec à l'eau.

Au bout du compte, les Rangers n'auront réussi qu'à augmenter les salaires des joueurs, ce qui ne les rendra pas populaires auprès des autres organisations.

Quinze ans plus tard, les Flyers utilisent un stratagème semblable contre les Predators. Il s'agit d'un cas classique où une équipe riche intimide une organisation qui bataille pour sa survie.

Comme les Rangers l'ont fait envers Sakic en 1997, les Flyers ont promis beaucoup d'argent à Weber en début de contrat. Selon les informations publiées, le défenseur recevrait 26 millions au cours de la première année de l'entente et 56 millions en quatre ans.

Les Predators devront puiser au fond de leur bas de laine pour réunir cette somme. Même si la moyenne annuelle de l'offre des Flyers est de 7,8 millions, la structure du contrat est bâtie pour étouffer les Predators.

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Ce contrat aura un impact majeur dans les négociations afin de renouveler la convention collective. Chacune des parties y trouvera des arguments pour soutenir ses positions.

D'une part, les joueurs auront beau jeu de dire que la santé économique de la LNH est florissante. Le Wild du Minnesota a consenti près de 200 millions en 13 ans au duo Zach Parise-Ryan Suter, et les Flyers offrent la clé de la banque à Shea Weber. Dans ce contexte, comment prétendre que la LNH éprouve des problèmes financiers?

D'autre part, la direction de la LNH affirmera que ces contrats de longue durée, dotés de fabuleux bonis de signature, trompent l'esprit du plafond salarial. Et qu'ils favorisent le retour d'une ligue à deux vitesses, où les organisations riches attaqueront constamment celles en difficulté.

Bref, le contrat de Shea Weber cristallisera davantage les positions de chaque partie.

Une entente est-elle possible avant l'expiration de la convention collective le 15 septembre? N'y comptons pas. On risque plutôt d'assister à une guerre d'usure.

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Compte tenu du succès économique de la LNH depuis le lock-out de 2004-2005, les propositions soumises aux joueurs ne tiennent pas la route. Au printemps 2011, Gary Bettman s'était décerné une médaille en annonçant que les revenus du circuit atteignaient 3 milliards.

Un an plus tard, compte tenu des négociations avec les joueurs, le commissaire s'est gardé une petite gêne en annonçant que ce chiffre était désormais de 3,3 milliards. Oui, la LNH a bien fait son travail. En revanche, elle est mal placée pour demander des concessions aux joueurs.

Cela dit, des changements à la convention collective sont nécessaires. Le dossier Weber en fournit la preuve. Les Flyers, dit-on, auraient proposé plus tôt cet été un échange aux Predators afin d'obtenir ses services.

Les deux équipes étant incapables de s'entendre, les Flyers ont frappé dur. Ils ont en quelque sorte puni les Predators de ne pas leur avoir cédé leur as. Si ceux-ci égalent l'offre, ils éprouveront des ennuis financiers; s'ils ne le font pas, ils obtiendront en compensation quatre choix de premier tour au repêchage. Maigre consolation pour la perte d'un joueur vedette.

C'est triste à dire, mais les Predators auraient sans doute mieux fait d'accepter une offre raisonnable des Flyers. Or, quand une équipe riche peut exercer une telle pression sur une rivale, c'est signe que le système fonctionne mal.

De plus, ces contrats de 13 ou 14 ans sont une aberration. Les dernières années, durant lesquelles les joueurs touchent 1 ou 2 millions, ne servent qu'à diminuer la moyenne annuelle de l'entente. Or, ce chiffre est le seul qui compte dans le calcul du plafond salarial. Cette échappatoire devra être bouchée.

Le système actuel favorise de manière démesurée les équipes riches. Ainsi, si P.K. Subban évoluait pour les Coyotes de Phoenix, il recevrait peut-être une offre d'une autre équipe cet été. Mais puisqu'il s'aligne avec le Canadien, assez riche pour égaler toute offre hostile, cela n'arrivera pas.

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Pour les organisations qui peinent à boucler leur budget, la planche de salut passe par une bonification du programme de partage des revenus entre les équipes.

L'Association nationale de basketball (NBA) a accompli des pas de géant à ce niveau au cours des derniers mois. Le système a été réinventé afin d'aider les équipes moins fortunées. C'est la seule manière de préserver l'équilibre de la compétition.

Mais à ce niveau aussi, les négos seront difficiles dans la LNH. Comme ce fut le cas à chaque conflit de travail, ça bardera autant entre les propriétaires qu'entre ceux-ci et les joueurs.