Le séjour en Italie de Joey Saputo et Nick De Santis était bien planifié.

Après un arrêt à Florence, ils prendraient le train en direction de Bologne où la Juventus de Turin affronterait l'équipe locale. Puis, le lendemain du match, ils auraient un premier entretien avec Marco Di Vaio.

C'était en février dernier. Pour deux passionnés de football comme le président de l'Impact et son directeur sportif, voir en action la Juventus était une perspective agréable.

Mais contre toute attente, une neige abondante s'est mise à tomber sur l'Émilie-Romagne. Au point où 24 heures avant le coup d'envoi, le match a été remis.

«C'est dommage, on s'attendait à un bon spectacle! , lance De Santis, en riant. Mais ça nous a permis de devancer notre rendez-vous avec Marco. Au bout du compte, la neige nous a sans doute aidés. Il était très relaxe et avait du temps pour discuter.»

Les trois hommes se sont retrouvés dans un hôtel luxueux du centre-ville de Bologne, où une salle avait été réservée afin de discuter en intimité. Saputo et De Santis étaient accompagnés de Giuseppe Pezzano, un consultant de l'Impact détenant de nombreux contacts dans le football italien.

Lino DiCuollo, spécialiste des contrats à l'emploi de la Major League Soccer (MLS), a aussi assisté à une partie de la discussion.

Pendant deux heures, Saputo et De Santis ont vanté à Di Vaio les mérites de Montréal. Ils lui ont expliqué les plans d'avenir de l'Impact et leurs attentes envers lui s'il tentait l'aventure nord-américaine. La conversation s'est évidemment tenue en italien et Di Vaio a été touché par les propos de ses visiteurs.

«Marco a eu un bon feeling dès cette rencontre, explique De Santis. Nous avons été transparents avec lui. On lui a dit que notre club n'était pas parfait, mais qu'on travaillait fort pour s'améliorer. On lui a parlé de nos bons coups et de nos difficultés. Il a senti notre passion envers l'équipe et compris notre projet d'avenir.»

Après ce meeting, Di Vaio a suivi les activités de l'Impact. Il a appris que des foules de 60 000 personnes avaient assisté à deux rencontres au Stade olympique. De quoi le convaincre du potentiel du soccer professionnel à Montréal.

«C'est sûr que ces chiffres ont eu un effet positif», dit De Santis.

* * *

Marco Di Vaio a accepté l'offre de l'Impact sans jamais avoir visité Montréal. Il arrivera dimanche en prévision d'une rencontre de presse le lendemain. Il devient le premier «joueur désigné» de l'équipe.

En MLS, c'est ainsi qu'on appelle les vedettes mises sous contrat sans tenir compte du plafond salarial de 2,8 millions par équipe.

À lui seul, Di Vaio sera mieux payé que plusieurs de ses coéquipiers réunis. Mais aux fins du plafond salarial, l'Impact n'aura qu'à inscrire une somme annuelle de 350 000 $ à côté de son nom.

Ce règlement permet aux clubs les plus riches du circuit d'attirer des joueurs étoiles comme David Beckham et Thierry Henry. En MLS, la plupart des joueurs sont payés par la ligue en vertu des règles du partage des revenus. Mais les équipes qui embauchent des «joueurs désignés» sont responsables de leur salaire pour la portion excédant 350 000 $.

Pour l'Impact, il s'agit donc d'un investissement majeur. Le salaire de Di Vaio n'a pas été dévoilé, mais il est sûrement supérieur à 1 million par année.

* * *

Toutes les équipes de la MLS n'alignent pas un joueur vedette. Mais Joey Saputo n'a jamais caché son intention d'attirer un athlète de ce calibre au sein de l'Impact.

«Comme New York et Los Angeles, Montréal doit avoir un joueur désigné», me disait-il, en mars dernier, plaçant ainsi la barre haute.

Durant cet entretien, Saputo avait aussi demandé de la patience aux partisans. Il s'était déclaré sûr « à 99%» qu'un joueur désigné enfilerait le maillot de l'équipe dès la mi-saison. Il a tenu sa promesse.

Avec l'embauche de Di Vaio, l'Impact franchit une étape charnière de son développement. D'abord, l'organisation démontre son sérieux aux Montréalais. L'objectif est de développer une équipe championne et le portefeuille sera ouvert en conséquence.

Ensuite, les partenaires de l'Impact constateront avec plaisir que l'organisation applique un plan agressif. Le Fonds de solidarité de la FTQ, actionnaire minoritaire de l'équipe, ou Groupe financier BMO, principal commanditaire de la formation, verront dans l'embauche de Di Vaio un signal positif.

Enfin, l'Impact envoie un message clair aux dirigeants de la MLS, le commissaire Don Garber en tête. L'équipe occupera un rôle de premier plan dans le développement du circuit.

L'embauche de Di Vaio augmentera l'influence de l'Impact aux quatre coins de la ligue. Une équipe alignant un joueur désigné attire de meilleures foules, contribue à hausser le profil du circuit et à générer des revenus supplémentaires.

* * *

Avec la venue de Marco Di Vaio, et la présence de Matteo Ferrari et Bernardo Corradi, l'Impact joue résolument la carte italienne. Cette décision tombe sous le sens, l'équipe possédant à l'évidence un excellent réseau dans ce pays plein de joueurs talentueux.

«Vous verrez, Marco Di Vaio est un gars au caractère très fort, un guerrier...» lance De Santis.

Suffit maintenant que le nouveau numéro 9 produise sur le terrain. Remplir à chaque match ce stade rénové de 20 000 places fait désormais partie de son mandat.