Serge Savard était un homme heureux, hier. De sa résidence de vacances en Caroline-du-Sud, il n'a rien manqué de la rentrée de Marc Bergevin à Montréal. Le jour de sa nomination, le nouveau DG du Canadien a ému, amusé et impressionné les fans de l'équipe.

«Pour sa première journée, Marc mérite un A+, lance Savard. C'était tellement rafraîchissant de l'entendre répondre aux questions. Je suis vraiment enthousiaste pour l'avenir de l'équipe. C'est ça, la relance du Canadien.»

Savard a été au coeur du processus d'embauche. Tout comme Geoff Molson, il ne connaissait pas Bergevin personnellement lorsqu'il l'a rencontré pour la première fois, dans un hôtel de New York, le mois dernier. Mais il a vite été conquis.

«Dès la première entrevue, Marc a été impressionnant, explique-t-il. On l'a placé dans différentes situations en lui demandant comment il réagirait. Ses réponses étaient excellentes. La clé dans un poste comme celui-là, c'est le jugement. Et Marc en possède beaucoup.»

En écoutant Bergevin décréter d'un ton sans appel que l'entraîneur du Canadien devait parler le français, on aurait cru entendre Savard. Même impression lorsqu'il a promis que l'organisation intensifierait ses efforts de recrutement au Québec.

«C'est vrai, on pense de la même façon là-dessus, reconnaît Savard. On a jasé au moins 10 heures et on a évoqué une foule de sujets. Tu sais, lorsque tu occupes un poste important chez le Canadien, tu dois toujours te rappeler une chose: l'équipe appartient aux partisans. Toi, tu en es le gestionnaire. Même George Gillet comprenait ça. Mais ç'a été un peu oublié dernièrement...»

Durant ses entretiens avec Geoff Molson et Serge Savard, Bergevin n'a pas seulement donné son avis. Il a aussi écouté et posé ses propres questions.

Savard a apprécié cette attitude. Car il sait combien le repli sur soi a été néfaste à Pierre Gauthier. Si, avant d'embaucher Randy Cunneyworth, l'ancien DG avait sondé des amis du Canadien, comme Pierre Boivin ou Savard lui-même, la crise de décembre dernier aurait été évitée.

«Ça ne coûte rien de demander l'opinion de quelques personnes, ajoute Savard. Lorsque tu consultes autour de toi, tu commets moins d'erreurs. Marc comprend ça. Il veut s'entourer de gens forts. Sa capacité d'écoute me rassure.»

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Serge Savard a raffolé du mandat que lui a confié Geoff Molson. Même si les deux hommes se connaissaient depuis longtemps, ils savaient peu de choses l'un de l'autre. Au fil des cinq dernières semaines, ils ont eu du plaisir à travailler ensemble.

«Je suis heureux pour Geoff, ajoute Savard. Aujourd'hui, on peut dire que le Canadien est vraiment «son» équipe. Ce n'est pas lui qui avait embauché Bob Gainey ou Pierre Gauthier. Maintenant, ses gens sont en place.»

Geoff Molson dresse le même constat. «Depuis mon arrivée, je suis devenu président de l'équipe et j'ai fait un changement au marketing. Nous avons un nouveau directeur général et bientôt un nouvel entraîneur. Tout cela n'était pas prévu. Mais je suis responsable de l'organisation et je mets forcément mon empreinte.»

En consentant un contrat de cinq ans à Bergevin, Geoff Molson a montré toute sa confiance envers son nouveau bras droit. En plus de ses qualités personnelles, sa profonde connaissance du hockey a impressionné Savard.

«Lors de notre longue discussion de lundi, Marc a analysé chacun des joueurs du Canadien, dit-il. Ses observations étaient très intéressantes. On a vite saisi l'ampleur de sa connaissance de la Ligue nationale. Geoff a appris des choses en l'écoutant.»

L'enthousiasme de Savard à propos de Bergevin ne fait aucun doute.

Te reconnais-tu un peu en lui?

«Notre profil est semblable, c'est vrai. Mais il arrive en poste mieux qualifié que je l'étais à l'époque. Je venais de me retirer lorsque je suis devenu DG du Canadien en 1983. Marc a passé à travers toutes les étapes de l'administration d'une équipe de hockey.»

Cette expérience a renforcé la candidature de Bergevin. Mais Savard a aussi apprécié son sens de l'humour. «C'est utile dans le sport professionnel. Tout ne doit pas être traité comme un secret d'État...»

Bergevin gardera sûrement le contact avec Savard. Celui-ci sait bien à quoi ressembleront ses premiers jours en poste. «L'attitude des autres à ton endroit n'est plus la même, dit-il. Soudainement, c'est toi le patron.

«Je me souviens de mon premier matin au bureau. Sur ma table de travail, il y avait seulement les journaux. J'y ai jeté un coup d'oeil, puis j'ai demandé à ma secrétaire le dossier sur le repêchage. C'est comme ça que j'ai commencé...»

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Si Marc Bergevin obtient du succès, l'histoire retiendra la décision de Geoff Molson de l'embaucher. Mais le président de l'équipe a pris une décision tout aussi significative en demandant à Savard de l'accompagner dans le processus de sélection.

Geoff Molson a ainsi montré du cran. Savard, un homme admiré du public, avait vigoureusement dénoncé l'embauche de Cunneyworth. Selon lui, cette décision était incompatible avec le respect que le Canadien doit à ses partisans. «J'étais tout de même pas pour dire que c'était correct!», lance l'ancien DG.

Six mois plus tard, Geoff Molson a tiré les bonnes conclusions de cet hiver tourmenté. Le Canadien est de nouveau sur les rails et l'espoir renaît.

Serge Savard a contribué à ce vent de fraîcheur. Il peut dire mission accomplie.

Photo: André Pichette, La Presse

En écoutant Marc Bergevin (notre photo) décréter d'un ton sans appel que l'entraîneur du Canadien devait parler le français, on aurait cru entendre Serge Savard.