À l'autre bout du fil, Jim Treliving enchaîne les bonnes histoires l'une après l'autre. Ce type est un moulin à paroles. Mais il est diablement intéressant.

Tenez, voici sa théorie à propos de l'achat d'une équipe sportive professionnelle. «L'important, ce n'est pas le prix d'acquisition, c'est le prix de vente une dizaine d'années plus tard. Entre-temps, l'important est de rentrer dans ses frais. Pensez aux Dodgers de Los Angeles: ils ont été achetés 430 millions en 2004 et viennent d'être revendus 2 milliards!»

Dans ma chronique de lundi, je vous ai parlé de Treliving, propriétaire de la chaîne Boston Pizza. La semaine dernière, en entrevue au talk-show de George Stroumboulopoulos à CBC, il a assuré que les Coyotes ne déménageraient pas à Québec la saison prochaine. Et que, malgré les énormes difficultés rencontrées par la LNH pour trouver un acheteur, ils demeureraient à Phoenix.

Les paroles de Treliving m'ont intrigué puisqu'il n'est pas le dernier venu dans le hockey. Une de ses sociétés est propriétaire de la Ligue centrale de hockey; son fils Brad est DG adjoint des Coyotes; et lui-même siège au conseil d'administration de la Fondation de Hockey-Canada.

Ce n'est pas tout: lorsque George Gillett a mis le Canadien en vente en 2009, Treliving était associé à un groupe ayant manifesté son intérêt, même si l'affaire n'est pas allée plus loin. Bref, notre homme est solidement connecté au monde du hockey.

En fin de journée hier, j'ai joint Treliving à Toronto. En compagnie de Bob Nicholson, le président de Hockey-Canada, il venait d'annoncer les noms des cinq premiers lauréats de l'Ordre du hockey canadien. Cette nouvelle récompense vise à honorer des figures légendaires de notre sport national. Jean Béliveau, Gordie Howe, Wayne Gretzky, Cassie Campbell-Pascall (hockey féminin) et Gordon Renwick (bâtisseur) composent cette première cohorte.

«Québec retrouvera avant longtemps son équipe de la Ligue nationale, soutient Treliving. Mais les Coyotes n'iront pas à Québec. La région de Phoenix représente un très grand marché et la LNH ne veut pas le perdre. Si le hockey fonctionne à Anaheim et San Jose, il peut aussi fonctionner à Phoenix. Tout ce qu'il faut, c'est un bon propriétaire.»

Treliving assure ne pas être intéressé par l'acquisition des Coyotes. La manière franche dont il répond aux questions au sujet de l'avenir de l'équipe appuie son affirmation. S'il était en négociation avec Gary Bettman, il ne se montrerait pas si loquace.

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Treliving a assisté à quelques matchs des Coyotes cette saison. Il reconnaît que le JobingArena.com, où évolue l'équipe, a été bâti au milieu de nulle part.

«Mais les choses commencent à changer, ajoute-t-il. On développe beaucoup de choses autour de l'amphithéâtre. Et il y a certainement moyen d'augmenter le nombre de jours d'occupation de l'aréna avec d'autres spectacles.»

Dans la grille d'analyse de Treliving, la qualité de l'amphithéâtre est une composante essentielle du succès d'une équipe. À ce niveau, croit-il, Québec augmentera ses chances d'obtenir une équipe lorsque le nouveau Colisée ouvrira ses portes à l'automne 2015. Et il ne serait pas étonné si cela passait par une expansion.

En l'écoutant, on devine aussi que trois années dans le Colisée actuel ne lui semblent pas une proposition gagnante pour une équipe de la LNH. En revanche, dans un nouvel amphithéâtre, il est convaincu que Québec connaîtrait un grand succès dans la LNH.

À Phoenix, Treliving fait un lien direct entre le développement commercial autour du JobingArena.com et l'acquisition des Coyotes. Un investisseur pourrait être intéressé par des prises de participation à tous ces niveaux.

Au moment où il m'expliquait ceci, le quotidien The Arizona Republic publiait une nouvelle renforçant cette thèse. Le groupe de Greg Jamison, ancien président des Sharks de San Jose, serait ainsi intéressé par l'acquisition des Coyotes, le JobingArena.com et le complexe commercial aux abords de l'amphithéâtre.

Don Beasley, le gérant de la Ville de Glendale, a affirmé au Arizona Republic que l'offre d'au moins un acheteur serait soumise à un examen public avant la fin d'avril.

Pourquoi des investisseurs sérieux voudraient-ils acheter une équipe n'ayant jamais engrangé un seul dollar de profit en plus de 15 ans? Pensez à la théorie de Treliving. Ce n'est pas le prix d'achat qui compte, mais celui de revente des années plus tard.

La valeur des équipes professionnelles baisse rarement. Et les Coyotes peuvent être obtenus à prix d'aubaine.

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Les propos de Treliving sont intéressants puisqu'ils ouvrent une fenêtre sur la manière dont pensent les investisseurs intéressés par les Coyotes. Et aussi sur les raisons qui motivent la LNH à tout faire pour garder l'équipe en Arizona.

Un an après avoir accepté à contrecoeur le transfert des Thrashers d'Atlanta à Winnipeg, Gary Bettman n'a sûrement aucune envie d'abandonner une autre grande ville américaine, Phoenix, au profit d'une ville canadienne de taille modeste, Québec.

Et si la LNH envisage une expansion de deux équipes après le renouvellement de la convention collective avec les joueurs, Québec, Seattle et une ville ontarienne - peu importe qu'il s'agisse de Hamilton ou Markham -, constitueraient des candidates intéressantes pour faire grimper les enchères.

La LNH n'a sûrement pas abandonné la partie à Phoenix. Elle fait néanmoins face à deux énormes difficultés.

D'abord, comment obtenir l'assurance qu'un investisseur s'engagera à ne pas déménager l'équipe avant 15 ou 20 ans?

Ensuite, comment ficeler une entente qui ne mettra pas en colère l'Institut Goldwater, ce groupe de pression conservateur qui a déjà stoppé une transaction?

Il ne sera pas facile de contourner ces écueils. Et le temps presse.