Eh oui, Jeffrey Loria a remporté une autre victoire ! Ce soir, celui qui a donné une leçon d'affaires au Québec inc. en s'appropriant les Expos au début des années 2000 réalisera un rêve.

Les Marlins de Miami, l'équipe qu'il détient en compagnie de son beau-fils David Samson, inaugureront le calendrier régulier dans un nouveau stade de 634 millions.

Ce palace doté d'un toit rétractable, d'aquariums géants et d'un invraisemblable carrousel où des poissons mécanisés soulignent les coups de circuit, lui a été presque entièrement offert par les autorités publiques de Miami.

Gros pari, puisqu'il n'est pas clair que Miami est une bonne ville de baseball. Et qu'une fois le coût de l'emprunt comptabilisé, la facture atteindra 2 milliards en 40 ans, selon le Miami Herald.

Loria n'est pas le propriétaire d'équipe le plus populaire en Floride. Mais ces jours-ci, son coeur est à la fête. «Ce stade est un magnifique concept architectural, a-t-il dit au New York Times. Nous avons choisi un style contemporain. Nous regardons devant, pas derrière.»

Malgré le souvenir amer laissé à Montréal par le duo Loria-Samson, on peut tout de même se réjouir qu'un fleuron du génie québécois, Groupe Canam, ait conçu, fabriqué et installé le toit rétractable du nouveau stade des Marlins. Certaines des composantes ont été construites en Beauce.

On garde nos liens avec le baseball majeur comme on peut...

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À chaque printemps depuis 2005, les mêmes sentiments m'envahissent à l'ouverture de la saison de baseball. Un mélange de plaisir, puisque j'aime ce sport, mais de nostalgie, en raison du départ des Expos.

Voilà pourquoi je prête l'oreille avec attention chaque fois que des gens évoquent le retour du baseball majeur à Montréal. Dans un texte publié dans La Presse, l'ancien ministre Michael Fortier suggérait récemment que la meilleure manière de rendre hommage à la mémoire de Gary Carter serait de «travailler à la relance du baseball majeur à Montréal».

L'invitation est alléchante. Mais elle se bute à une incontournable réalité, que je résume en une seule question: qui a 1 milliard à dépenser?

On a beau retourner le problème dans tous les sens, le coût d'un projet pareil atteindrait ce montant, puisqu'il faudrait acheter une concession et construire un stade.

Combien vaut une équipe du baseball majeur ? Pour s'en faire une idée, examinons les dernières transactions. La semaine dernière, les Dodgers ont été vendus 2,15 milliard à un groupe dont fait partie Magic Johnson.

En raison de l'ampleur du marché de Los Angeles, admettons que le cas des Dodgers ne fournit pas des éléments comparatifs adéquats.

Alors pensons aux Cubs de Chicago, cédés à la famille Rickets pour 845 millions en 2009. C'est vrai, la vente comprenait aussi une participation de 25% dans une station locale de télé sportive. N'empêche que cette transaction a fourni une indication de l'incroyable valeur d'une concession.

Un an plus tard, en août 2010, Nolan Ryan et son associé Chuck Greenberg ont consenti 590 millions pour acquérir les Rangers du Texas: 385 millions en argent comptant et 205 millions de prise en charge de la dette accumulée.

Dans ce contexte, il serait très étonnant qu'une équipe change aujourd'hui de main pour une somme inférieure à 500 millions.

Quant au stade, la facture frôlerait aussi le demi-milliard. Au Minnesota, le nouveau domicile des Twins, le Target Field, a coûté 545 millions. Le projet envisagé par les Athletics d'Oakland à San Jose dépasse les 450 millions.

Un éventuel retour des Expos est un projet emballant. Mais il suppose un défi économique gigantesque, d'autant plus que toute l'opération devrait être financée privément. On voit mal comment, dans un contexte de compressions, les gouvernements pourraient étudier un projet de stade sans provoquer une légitime levée de boucliers au sein de la population.

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Depuis le départ des Expos, l'économie du baseball a progressé à une vitesse étonnante. Un autre exemple en a été fourni cette semaine lorsque les Reds de Cincinnati ont offert une prolongation de contrat de 225 millions pour dix ans à Joey Votto.

Ces ententes gargantuesques, qu'on croyait jusque-là réservées à des équipes fortunées comme les Red Sox et les Yankees, sont désormais proposées par des concessions évoluant dans des marchés à bas revenus.

Pour les équipes des majeures, les droits locaux de télévision sont de plus en plus payants. Les Angels de Los Angeles touchent l'équivalent de 150 millions par année.

Dans un marché plus modeste, les Rangers du Texas engrangent 80 millions annuellement. Bien sûr, d'autres équipes n'obtiennent que des fractions de ce montant. Mais la tendance globale est à la hausse.

Compte tenu que le baseball passera toujours derrière le hockey à Montréal, est-il plausible de croire que de nouveaux Expos obtiendraient un contrat de télé concurrentiel?

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Non, je ne crois pas au retour des Expos. Mais je suis content que des gens comme Michael Fortier semblent plus optimistes que moi. L'avenir nous réserve toujours des surprises.

Tenez, les Expos ont quitté Montréal il y a près de huit ans.

Or, en 2003, huit ans après le déménagement des Nordiques au Colorado, personne n'aurait parié sur leur retour. Pourtant, cette possibilité est aujourd'hui bien réelle.

Pour paraphraser Yogi Berra, c'est pas fini tant que c'est pas fini.