C'était - eh oui! - dans un stationnement du Parc olympique la semaine dernière. Non, pas celui où une dalle de béton s'est effondrée dimanche, mais un autre, carrément sous le Stade, transformé en bureaux étouffants où on ne souhaiterait pas travailler.

Dans une modeste salle de réunion, des passionnés m'ont entretenu d'un projet audacieux. S'il voit le jour, une bouffée d'air frais enveloppera le sport de participation et d'élite au Québec.

L'idée est simple: appuyer nos fédérations sportives en facilitant leur financement. À vue de nez, ce n'est pas le sujet le plus sexy, j'en conviens. Mais si vous faites du sport organisé ou si vos enfants sont inscrits dans un club d'escrime, une équipe d'aviron ou une ligue de softball, une fédération s'active dans les coulisses pour encadrer et enrichir l'expérience.

On s'en doute bien, toutes les fédérations ne disposent pas des mêmes moyens. Si celles de hockey et de soccer ont les reins solides, d'autres vivotent.

Tenez, autour de la table, ce jour-là, il y avait une représentante de la Fédération de lutte olympique. Elle s'appelle Martine Dugrenier. Championne du monde, elle a été nommée athlète québécoise de l'année au niveau international en décembre dernier.

Dans un monde idéal, Martine Dugrenier ne devrait pas consacrer une seule minute à plaider la cause du sport amateur à un journaliste. Surtout pas à cinq mois des Jeux de Londres, où elle sera une prétendante à la première marche du podium. Mais elle doit mettre la main à la pâte. Sinon, qui le fera? Au Québec, sa fédération, comme tant d'autres, est dénuée de ressources.

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Luc Denis est directeur général de Sports-Québec, l'organisme qui représente les 66 fédérations de la province. «Certains sports qui produisent des champions olympiques disposent de très peu d'argent pour pousser ces athlètes et développer la pratique de masse, dit-il. On cherche depuis longtemps des solutions. C'est ainsi qu'est née l'idée de Placements Sport.»

Sur le calendrier de Luc Denis, comme sur celui de Martine Dugrenier, une date est désormais encerclée. Le 20 mars, à l'Assemblée nationale, le ministre des Finances, Raymond Bachand, déposera son budget. On saura alors si le grand argentier du Québec s'est rendu aux arguments du milieu.

Le concept, calqué sur celui de Placements Culture, est simple: instaurer une formule d'appariement où l'État bonifierait les dons des particuliers et des entreprises. Pour toucher cet argent frais, les fédérations devraient apporter leur contribution. Si elles ne récoltent pas elles-mêmes d'argent, elles ne recevront aucune aide.

En clair, le milieu du sport propose de se prendre en main. Et demande au gouvernement de l'accompagner en dégageant une enveloppe annuelle de 3 à 4 millions de dollars. Les dons seraient bonifiés de 50 à 300% selon les fédérations, l'idée étant de favoriser celles qui doivent constamment couper les cheveux en quatre.

«Imagine: on pourrait transformer un don de 10$ en un don de 30$, lance Daniel Aucoin, de la Fédération d'aviron. Pour nous, c'est le gros lot! On gratte tellement les cennes! Le jour où le programme est lancé, on fonce! On a les idées, la passion et les compétences. Il nous manque les moyens.»

Luc Denis ajoute: «Le succès de Placements Culture démontre une chose: les entreprises sont plus susceptibles de contribuer lorsqu'elles savent que leur don sera bonifié.»

La proposition comporte un autre élément important. Une partie de chaque don serait obligatoirement versée dans un fonds de dotation qui serait gelé pour les 10 prochaines années.

La cagnotte ainsi accumulée permettrait le financement à plus long terme. De l'épargne obligatoire, en quelque sorte. «Ça apporte une stabilité, dit Martine Dugrenier. On ne veut pas que ça tombe comme un château de cartes après un an ou deux. On pense à l'avenir.»

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Le plan porté par Sports-Québec ne sort pas d'un chapeau. Au printemps dernier, Line Beauchamp, ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport, a donné le coup d'envoi en créant un groupe de travail chargé d'évaluer diverses sources de financement.

Parmi les membres, on trouvait Andrew Molson, président du conseil d'administration de Molson-Coors; Jean-Marc Chouinard, athlète olympique et vice-président de la Fondation Chagnon; Sylvain Lalonde, président de Hockey-Québec, et plusieurs autres.

Le rapport, très étoffé, a été rendu public peu avant Noël et a reçu un excellent accueil de la ministre Beauchamp.

Si j'en juge à son discours d'octobre dernier devant la Fondation de l'athlète d'excellence, la ministre parle avec son coeur lorsqu'il est question de la pratique du sport au Québec. Elle comprend combien les athlètes d'élite inspirent les plus jeunes et à quel point la pratique d'un sport est bénéfique à toute la société.

La balle est maintenant dans le camp du ministre Bachand. Les gens des fédérations se croisent les doigts. Le 20 mars, ils attendront avec impatience les nouvelles en provenance de Québec.

Je comprends leur nervosité. Mais je vois mal comment le gouvernement Charest, au moment où il pompe 200 millions à Québec pour un nouveau Colisée destiné au sport professionnel, pourrait refuser 3 malheureux millions au sport amateur, qui touche 900 000 personnes.

Cela est d'autant plus vrai qu'il ne s'agit pas ici d'une bête demande de subvention, mais d'un plan axé sur un principe simple qui a universellement fait ses preuves et que rappelle Luc Denis: «Aide-toi et le ciel t'aidera.»

Photo: PC

Le ministre des Finances Raymond Bachand déposera son budget le 20 mars. On saura alors si le grand argentier du Québec s'est rendu aux arguments du milieu du sport.