Au Québec, le Canadien n'est pas seulement une équipe de hockey. C'est aussi une institution. Et comme toute institution, elle a des responsabilités envers son milieu. Parmi elles, la défense et la promotion du français.

Samedi, le Canadien a abdiqué ses responsabilités. L'organisation a embauché un entraîneur-chef unilingue anglophone, pas même capable de saluer dans leur langue, ne serait-ce que d'une courte phrase qui aurait démontré un peu de bonne volonté, les milliers d'amateurs francophones ayant regardé à la télévision la conférence de presse annonçant sa nomination.

C'est la première fois depuis 1984, lorsque Bob Berry était derrière le banc de l'équipe, que le Canadien est dirigé par un entraîneur incapable de s'exprimer couramment en français. Le recul est renversant et le geste, consternant.

Cette absence complète de sensibilité envers le fait français constitue un virage majeur pour l'organisation. Il est clair que le Canadien ne ressent désormais aucune responsabilité à ce niveau.

Lorsqu'une institution québécoise oublie cet axe fondamental de sa mission, elle se retrouve, avec raison, dans l'eau bouillante. L'exemple récent de la Caisse de dépôt et placement en constitue une preuve éloquente.

Au-delà de cet affront aux fans francophones, le Canadien donne une claque au visage de tous les gens de hockey du Québec. Pourquoi? Parce que l'univers de la LNH constitue un réseau fermé.

Pour y accéder, il faut des portes d'entrée. Les recommandations d'embauche se font de bouche à oreille, entre gens se connaissant depuis longtemps, et non pas par des annonces dans les journaux ou sur les sites spécialisés.

Si le Canadien n'offre pas ces portes d'entrée aux Québécois francophones, peu importe s'ils souhaitent faire carrière comme joueur, entraîneur ou administrateur, qui le fera? Faut-il désormais se fier sur les Jets de Winnipeg et les Bruins de Boston pour donner une chance aux gens d'ici?

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Le message envoyé par le Canadien aux quatre coins de la LNH est terrible. En substance, l'organisation annonce qu'elle est incapable de trouver dans son milieu le talent nécessaire pour relancer l'équipe. Elle juge qu'il n'y a personne d'assez compétent pour accéder à cette haute fonction.

Le hockey québécois prendra du temps avant se relever de ce jugement injuste et lapidaire.

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Pierre Gauthier affirme qu'en milieu de saison, il devait réagir vite. Et qu'il a préféré se tourner vers un candidat de l'organisation, même si la majorité des équipes ayant congédié leur entraîneur cette saison ont plutôt choisi son remplaçant à l'extérieur.

Mais admettons que Gauthier ait un argument valable. Alors pourquoi ne pas avoir confié un poste d'adjoint à un francophone cet été? Aucun n'était disponible?

Pourtant, le jour même où le Canadien annonçait la nomination de Randy Cunneyworth et Randy Ladouceur comme adjoints de Jacques Martin, les Jets de Winnipeg -oui, les Jets de Winnipeg!-, ont fait confiance à Pascal Vincent. Dès cette chaude journée de juillet, Gauthier a annoncé ses couleurs.

Au cours des prochains jours, la direction du Canadien nous répétera que le développement du talent francophone constitue une priorité pour l'organisation.

Hélas, ces beaux discours ne pèseront pas plus lourd que le papier sur lequel ils auront été écrits. Les actes parlent plus fort que les paroles. Le Canadien vient de démontrer, haut et fort, où il loge.

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Randy Cunneywoth est sûrement un homme honorable. Mais en lui confiant le poste, le Canadien coupe un autre pont avec ses fans.

L'organisation juge inutile que son premier représentant auprès du public puisse comprendre les commentaires des partisans en se promenant dans Montréal, qu'il prenne parfois le pouls en écoutant la radio et la télévision en français, ou en jetant un coup d'oeil à un journal francophone.

Ajoutons à cette situation regrettable le refus de Pierre Gauthier d'occuper une place plus grande dans la communication publique du Canadien et on comprendra que cette équipe, portée par des vedettes comme Maurice Richard, Jean Béliveau, Guy Lafleur et Patrick Roy, vient de choisir l'isolement.

La nomination de Cunneyworth, annoncée comme intérimaire, ne l'est aucunement dans l'esprit de Gauthier. Il a clairement dit qu'il souhaite poursuivre avec le même groupe la saison prochaine. Et que Cunneyworth fera des efforts pour apprendre le français. «Une langue, ça s'apprend», a dit Gauthier, presque choqué lorsque je lui ai posé cette question.

J'ignore à quel moment le nouvel entraîneur-chef trouvera le temps d'apprendre le français. Le Canadien devrait peut-être contacter la Caisse de dépôt pour trouver un bon professeur. Et si Cunneywoth est trop occupé, il n'aura qu'à envoyer sa secrétaire. Après tout, le précédent existe.

Quant à Cunneyworth, il a manqué son entrée en scène. Avait-il vraiment besoin de nous faire croire qu'il se familiariserait avec le français durant les réunions d'équipe? Comme si celles-ci n'avaient pas lieu en anglais! Cette façon d'esquiver la question n'était pas impressionnante.

Le geste du Canadien marque une rupture désolante avec les 30 dernières années. Que Pierre Gauthier ait pris cette décision est troublant. Que Geoff Molson l'ait appuyée est choquant.