Le plan était ambitieux: convaincre Céline Dion de chanter à Montréal pour appuyer les athlètes de la relève. C'était en 1996, peu après les Jeux olympiques d'Atlanta, où la célèbre artiste avait interprété The Power of the Dream durant la cérémonie d'ouverture. Dire qu'elle était «big» serait un euphémisme! Partout dans le monde, on se l'arrachait.

Sylvie Bernier, médaillée d'or des Jeux de Los Angeles, fut conscrite pour conclure l'affaire. Pierre Lacroix, longtemps son agent, connaissait bien René Angélil. La porte d'entrée était trouvée.

Après 15 minutes de conversation, René a donné son accord, incapable de résister aux solides arguments et à la délicatesse de Sylvie. Mais il a posé une belle condition. Le réseau TVA, qui diffuserait la soirée, verserait à Céline un cachet de 100 000 $. La somme serait remise sur-le-champ à cette nouvelle fondation, qui soutiendrait financièrement nos athlètes. L'affaire était lancée.

Quinze ans plus tard, Pierre Dubé n'a rien oublié de cette soirée magique. «Grâce à René, nous avons aussi obtenu 140 billets qu'on a vendus 500 $ chacun, raconte-t-il. L'événement nous a valu 170 000 $. C'était un excellent début!»

M. Dubé, directeur général de la Fondation de l'athlète d'excellence du Québec (FAEQ), raconte cette histoire avec enthousiasme. Autour de lui, dans la grande salle du Lion d'or, rue Ontario, des dizaines de jeunes athlètes cassent la croûte après une cérémonie inspirante. Tour à tour, ils ont grimpé sur la tribune et reçu un chèque les encourageant à persévérer.

Mercredi, c'est Hydro-Québec qui a fourni les 87 500 $ remis à ces 33 sportifs, certains âgés d'à peine 15 ans. Leurs noms ne vous diront rien. Mais suffit d'observer la passion et la volonté au fond de leurs yeux pour comprendre que certains perceront sur la scène internationale.

«Personne ne connaissait Joannie Rochette lorsqu'elle a reçu sa première bourse, ni Aleksandra Wozniak ni Erik Guay...», ajoute M. Dubé.

* * *

Il en a fallu, du temps, avant que le Québec ne s'ouvre au sport d'élite. En 1984, les succès olympiques de Sylvie Bernier et de Gaétan Boucher ont causé un électrochoc dans la population. Oui, les nôtres pouvaient vaincre leurs rivaux d'autres pays.

Dans le cercle des initiés, un événement bien différent avait déjà sonné le réveil: la conquête du championnat universitaire de hockey par les Aigles bleus de l'Université de Moncton, en 1981. Leur entraîneur était Jean Perron et 14 de leurs joueurs étaient québécois!

«Nos meilleurs athlètes universitaires quittaient le Québec, rappelle M. Dubé. On parlait même d'exode. Les succès des Aigles bleus nous ont ouvert les yeux.»

En 1985, une première initiative est lancée pour renverser la situation. La Fondation du sport universitaire québécois est créée et propose... 30 000 $ en bourses! Au fil des années, elle prend de l'ampleur et devient, en 1995, l'organisme clé que l'on connaît aujourd'hui.

Ainsi, cette année, 275 athlètes étudiants se partageront 900 000 $. Ils apprécient le soutien financier, mais aussi la reconnaissance de leurs efforts.

Il fallait ainsi voir Michèle Morissette, une championne de racquetball de Baie-Comeau, prononcer les remerciements au nom du groupe après avoir reçu sa bourse. La jeune femme n'est âgée que de 15 ans. Sa nervosité était palpable lorsqu'elle a pris la parole.

«Nous recevons aujourd'hui une bourse, mais aussi une belle tape dans le dos, a-t-elle dit. Nous ne sommes pas encore très connus, mais plusieurs d'entre nous feront bientôt le saut sur la scène nationale ou internationale.

«Personnellement, cette bourse me permettra de me déplacer à Montréal pour des entraînements. J'habite loin des grands centres, mais je dois me mesurer aux meilleures pour progresser.»

Comme tous les autres lauréats, Michèle a répondu à un questionnaire étoffé avant de recevoir sa bourse. Celle-ci lui sera versée en deux tranches.

L'envoi du deuxième chèque est précédé d'une analyse des résultats scolaires. Si les études sont négligées, des questions sont posées. La Fondation tient à la réussite académique de ses boursiers.

* * *

Plusieurs entreprises québécoises parrainent des bourses.

Ainsi, le Cirque du Soleil encourage des espoirs en gymnastique, trampoline, nage synchronisée et plongeon; La Capitale appuie des athlètes intéressés au secteur de la santé; Hydro-Québec soutient des jeunes établis dans ses neuf régions administratives; le Canadien, l'Impact et les Alouettes aident la relève dans leur sport respectif...

Des histoires merveilleuses surviennent souvent. C'est ainsi que Saputo, de prime abord peu intéressée par la lutte olympique, a créé des liens avec Martine Dugrenier dès 2005. Six ans plus tard, la jeune femme constitue un espoir de médaille pour le Canada aux Jeux olympiques de Londres.

La pérennité de la Fondation semble assurée. Les athlètes n'oublient pas l'aide reçue au début de leur carrière. Pierre Dubé se souvient de ce conseil de Richard Pound. «Lorsqu'ils auront 30 ans, lui avait expliqué ce vieux routier de l'olympisme, demande aux anciens boursiers de témoigner de leur expérience; à 40 ans, suggère-leur de convaincre leur employeur de participer au programme; à 50 ou 60 ans, si tu as créé un bon lien avec eux et qu'ils en ont les moyens, ils voudront eux-mêmes contribuer financièrement...»

Si tout fonctionne comme prévu, la grande roue de la Fondation, lancée par des éléments aussi disparates qu'un concert de Céline Dion et un championnat de l'équipe de Jean Perron, tournera longtemps.

Photo: AP

La Fondation de l'athlète d'excellence du Québec (FAEQ) a connu un excellent début il y a 15 ans grâce au couple Céline Dion et René Angélil.