Non, les grues ne sont toujours pas assemblées sur le chantier du nouvel amphithéâtre de Québec.

Au mieux, selon le maire Régis Labeaume, il faudra attendre l'automne 2012 ou le printemps 2013 avant de creuser les fondations. Mais une autre étape a été franchie avec la signature du contrat de gestion entre la Ville de Québec et Quebecor Media.

Deux échéances apparaissent désormais au calendrier. D'abord, le 14 octobre: si l'Assemblée nationale n'a toujours pas adopté le projet de loi 204 visant à sécuriser l'entente, les deux parties pourront se désister.

Ensuite, le 31 mars prochain: à cette date, une analyse plus fine des coûts de construction sera déposée. S'ils s'avèrent trop élevés, la Ville de Québec pourra se retirer. Quebecor Media profitera d'un droit semblable si la qualité du projet envisagé - le «Programme fonctionnel et technique», dans le jargon des ingénieurs -, ne répond pas aux attentes.

Le budget prévu demeure de 400 millions. Un amphithéâtre de la qualité du superbe domicile des Penguins de Pittsburgh est visé. «On veut un endroit attrayant où les gens vivront une expérience unique», a expliqué M. Labeaume, ajoutant qu'un des responsables de ce projet a récemment séjourné à Québec.

Les documents dévoilés hier respectent l'entente de principe de mars dernier. Si Quebecor Media obtient une équipe de la LNH, mais la relocalise quelques années plus tard, elle devra néanmoins assumer le loyer prévu au contrat. Et elle ne recevra aucun remboursement des 63,5 millions versés en retour des droits d'appellation du nouvel amphithéâtre.

Il ne s'agit pas d'une garantie de garder l'équipe à Québec, mais d'un incitatif à ne pas s'en départir. C'est un gain pour les citoyens.

«Quand les Nordiques ont quitté Québec, nous sommes restés le bec à l'eau et on a dû entretenir l'amphithéâtre, a rappelé le maire Labeaume. Cette fois, on a un contrat ferme de 25 ans qui assure le respect intégral de notre plan financier. Il n'y a pas de porte de sortie permettant à Quebecor de laisser tomber le contrat.»

M. Labeaume ajoute que Pierre Karl Péladeau était d'accord avec cette demande. «Ça n'a pas été compliqué pour lui d'accepter...»

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Malgré la complexité du contrat entre la Ville de Québec et Quebecor Media, c'est sur une simple promesse d'intention que sont fondés les espoirs de la Vieille Capitale de retrouver une équipe de la LNH.

Quebecor Media s'engage à déployer des «efforts commerciaux raisonnables» pour obtenir une concession. Et cela, dans la mesure où le «coût d'acquisition» et les «considérations accessoires» s'intègrent à son «plan d'affaires». Cette formule, peu contraignante, laisse une grande latitude au groupe de Pierre Karl Péladeau, surtout en ces temps d'incertitude financière.

Le véritable pari de Régis Labeaume se trouve là. Le maire de Québec se lance à l'assaut de la LNH en compagnie de Quebecor Media et écarte tout autre partenariat. Le scénario ayant permis aux villes de Dallas et Raleigh (Caroline-du-Nord) d'accéder à la LNH est donc écarté.

Dans ces deux cas, les North Stars du Minnesota et les Whalers de Hartford ont déménagé en conservant le même propriétaire. (Les trois autres relocalisations survenues depuis 1993 - Québec, Winnipeg et Atlanta - ont entraîné la vente de l'équipe.)

Dans le sport professionnel, il n'est pas rare que les proprios investissent dans des villes où ils n'ont pas de racines.

Au Québec, par exemple, George Gillett a été propriétaire du Canadien pendant près de 10 ans même s'il était établi au Colorado. Et Robert Wetenhall, un New-Yorkais vivant en Floride, détient les Alouettes depuis 1997.

On peut donc imaginer ceci: le nouvel amphithéâtre construit, une équipe de la LNH connaissant des ennuis financiers veut déménager à Québec, mais son propriétaire ne souhaite pas vendre ses intérêts. Comment réagirait Quebecor Media? Accepterait-elle ou non de lui louer l'amphithéâtre?

Ce curieux scénario ne déroute pas Régis Labeaume. «C'est une hypothèse moins plausible que la vente totale d'un club, mais elle est effectivement possible, reconnaît-il. Le propriétaire de l'équipe en question devra discuter avec M. Péladeau. Les deux pourraient devenir partenaires. La capacité de Quebecor de multiplier les revenus grâce à ses plateformes médiatiques est intéressante.»

Cette perspective démontre à quel point Quebecor Media est désormais maîtresse du jeu à Québec. Puisqu'elle gérera le nouvel amphithéâtre, le retour éventuel de la LNH se fera à ses conditions. Et à celles de Gary Bettman, bien sûr.

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Les plus optimistes s'emballeront à la lecture des contrats entre la Ville de Québec et Quebecor Media. L'utilisation du Colisée actuel est même prévue si Québec obtient une concession de la LNH avant 2015. Le maire Labeaume assure que la mise à niveau de ce vieil équipement n'étoufferait pas ses concitoyens.

«On ne perdra pas un seul dollar là-dedans», dit-il, rappelant que même si ces coûts étaient à la charge de la ville, un bail devrait être négocié avec Quebecor Media. La Ville pourrait aussi compter sur la surcharge prévue sur les billets.

N'empêche que la prudence demeure de mise. Seule une stratégie de petits pas conduira Québec aux portes de la LNH. La route demeure parsemée d'embûches.

- Alors dites-moi, M. Labeaume, à combien estimez-vous vos chances de succès?

- 75%, répond-il. On travaille bien, mais il faut être prudents. Je ne suis pas ingénieur, mais je pousse pour qu'on en arrive à des estimés de coûts précis. Alors, je me garde une petite gêne de 25%.

La suite ne manquera pas d'intérêt.

Photo: PC

Même si une autre étape a été franchie pour la construction du nouvel amphithéâtre de Québec avec la signature du contrat de gestion entre la Ville de Québec et Quebecor Media, d'autres embûches attendent le maire Régis Labeaume.