Cette fois, on ne peut plus parler de fait isolé. Wade Belak, dont la mort a été annoncée mercredi, est le troisième dur à cuire de la LNH à perdre la vie dans des circonstances cauchemardesques depuis le printemps dernier. Les dirigeants du circuit ne peuvent rester inactifs devant une tendance aussi lourde et profondément troublante.

Le 13 mai, Derek Boogaard, des Rangers de New York, a succombé à une surdose de drogue et d'alcool. Le 15 août, Rick Rypien, des Jets de Winnipeg, s'est enlevé la vie. Mercredi, Wade Belak, un ancien des Predators de Nashville âgé de 35 ans, a atteint le même niveau de désespoir. Selon le Toronto Sun, il se serait suicidé. La nouvelle a provoqué une onde de choc au sein du hockey professionnel, où les bagarres sont toujours considérées comme un ingrédient utile au spectacle.

Comme dans les cas de Boogaard, 28 ans, et de Rypien, 27 ans, le milieu du hockey a salué les qualités de Belak, un homme à «l'enthousiasme contagieux» selon un de ses anciens directeurs généraux. Le commissaire Gary Bettman a souligné sa détermination, et le directeur de l'Association des joueurs, Donald Fehr, sa gentillesse. Dans les circonstances, ces propos étaient de mise.

Mais une fois le deuil complété, la LNH devra se livrer à un examen de conscience. Et poser la question essentielle, dont la réponse risque de faire mal. Les nombreuses bagarres auxquelles ces trois jeunes hommes ont participé durant leur carrière, ce rôle de justicier sur la patinoire et ces attentes démesurées placées dans leurs poings, tout cela a-t-il touché leur équilibre psychologique? Existe-t-il un lien de cause à effet entre les tragiques événements des quatre derniers mois et la violence autorisée par la LNH?

Gary Bettman n'aime pas aborder ces sujets controversés qui, comme le dossier des commotions cérébrales, se transforment vite en désastres de relations publiques.

Après la mort de Rick Rypien, le commissaire a affirmé que la ligue se pencherait sur son programme d'aide aux joueurs. Mais dans ses propos à la Presse Canadienne, on n'a pas senti une volonté farouche d'aller au fond du dossier. Il a d'abord accordé une médaille à son circuit, disant qu'aucun autre n'en faisait autant à ce niveau, une affirmation dont la preuve reste à faire. «Je sais que c'est dur pour les gens de l'accepter, mais le sport est un microcosme de la société en général, a-t-il ajouté. Et la vie n'est pas toujours facile.»

Encore moins pour trois gars gagnant leur vie en donnant et en encaissant des dizaines de coups de poing, serais-je tenté d'ajouter.

La direction de la LNH n'est pas la seule à manquer de leadership dans le dossier de la santé des joueurs, peu importe qu'il s'agisse de commotions cérébrales, de surconsommation de substances dangereuses ou de problèmes psychologiques. L'Association des joueurs n'a jamais mené de bataille de fond à cet égard.

Elle aurait avantage à s'inspirer de l'action de syndicats ayant multiplié, notamment dans le secteur ouvrier, les initiatives pour assurer le bien-être de ses membres. Représenter des athlètes professionnels, ce n'est pas seulement se battre pour augmenter leurs revenus saison après saison. C'est aussi s'assurer qu'ils puissent jouir du fruit de leur travail lorsqu'ils atteindront la retraite.

Au Québec ces jours-ci, on parle beaucoup d'états généraux sur la souveraineté. Je laisserai à d'autres le soin d'examiner l'utilité de cette avenue. Mais je sais que la LNH aurait besoin d'un exercice semblable pour évaluer, avec un regard frais et sans idées préconçues, la lutte aux commotions cérébrales et les conséquences de l'acceptation des bagarres.

Le hockey est le seul sport collectif qui autorise les combats. En 2011, il s'agit d'un choix inacceptable, dont les effets néfastes n'ont jamais été si évidents. La LNH doit reprendre la réflexion à ce sujet. La mort de trois joueurs de hockey, dont celle de Belak qui venait à peine d'annoncer sa retraite, est une tragédie.

Plus que jamais, en cette fin d'été 2011, assurer l'intégrité physique et psychologique des joueurs s'impose comme le premier défi de la Ligue nationale. Saura-t-elle le relever?