Au moment où Régis Labeaume et Pierre Karl Péladeau amorcent un sprint de négociations afin de ratifier le contrat de gestion du nouvel amphithéâtre de Québec, la société evenko se dit prête à soumettre une nouvelle offre si la Ville de Québec ne s'entend pas avec Quebecor Media.

«On continue de suivre ce dossier avec beaucoup d'intérêt», a déclaré Geoff Molson, président du Canadien et d'evenko, hier, dans un entretien avec La Presse. «Je pense que nous sommes parmi les meilleurs en Amérique du Nord pour opérer un amphithéâtre et présenter des spectacles.

- Donc, si de nouvelles propositions étaient sollicitées, vous déposeriez une offre?

- Oui, a répondu M. Molson.

La société evenko gère le Centre Bell et présente plus de 800 spectacles par année dans tout l'est du Canada. Elle a développé des liens privilégiés avec des artistes du monde entier et son expertise fait l'unanimité. U2 à Montréal, cet été, c'était evenko. La gestion de centres sportifs fait aussi partie de son mandat. C'est afin d'exploiter ces atouts dans un nouveau marché qu'elle a déposé une offre à la Ville de Québec l'hiver dernier.

«L'amphithéâtre de Québec était pour nous une occasion de faire croître evenko, a poursuivi M. Molson. On a fait notre offre et très vite, on a appris qu'on n'avait pas gagné. Ce fut très rapide.»

M. Molson affirme ne pas savoir si l'offre de Quebecor était supérieure à celle d'evenko. Il n'en connaît que les paramètres révélés publiquement. Or, l'entente n'est pas finale. La semaine dernière, Régis Labeaume a déclaré au quotidien Le Soleil qu'il rencontrerait bientôt M. Péladeau en tête-à-tête à l'extérieur de Québec.

«On va finir les négociations pour l'amphithéâtre, a expliqué le maire. Dans une négociation comme celle-là, la décision finale appartient au maire et au président [de Quebecor].»

Signe de l'importance de l'enjeu, le porte-parole du maire, Paul-Christian Nolin, a qualifié de «rencontre au sommet» l'échange prévu entre les deux hommes. Il est donc clair que de nombreuses clauses demeurent à négocier et sont forcément inconnues du gouvernement Charest. Celui-ci a néanmoins promis au maire Labeaume de sécuriser le contrat par une loi privée dès la rentrée parlementaire.

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En acceptant l'offre de Quebecor Media, M. Labeaume n'a pas seulement évalué des critères financiers. En commission parlementaire en juin dernier, il a expliqué que la capacité du soumissionnaire à obtenir une équipe de la LNH était essentielle.

«Jamais les Québécois ne nous auraient pardonné de ne pas travailler en fonction de la capacité d'un partenaire à amener un club», avait-il dit. Voilà pourquoi il a préféré une «mise en concurrence» plutôt qu'un appel d'offres traditionnel.

Or, c'est justement ce procédé qui l'a obligé à demander une loi privée pour protéger l'entente. Cela a provoqué une crise au Parti québécois et beaucoup d'interrogations dans la population.

«Vous posez des conditions dans un appel d'offres, mais jamais une des conditions ne pouvait être le désir intense d'amener un club de la LNH, avait expliqué M. Labeaume. C'est impossible d'encadrer ça. Et ça veut dire que vous recevez les enveloppes, vous les ouvrez, et c'est terminé. Vous prenez le plus haut soumissionnaire. Que ce soumissionnaire-là ait le goût ou pas d'amener un club à Québec, c'est terminé.

«Il aurait même pu arriver - une hypothèse qui n'est pas bête - qu'un groupe soumissionne dans l'intention de gérer l'amphithéâtre, mais avec l'objectif corporatif de bloquer la venue de toute équipe de hockey à Québec. Et ça, ce n'est pas un mirage, ce n'est pas un fantasme.»

Les observateurs ont soupçonné que M. Labeaume avait en tête la société evenko, et son partenaire Bell, en effectuant cette déclaration. Selon ce raisonnement, le Canadien, soucieux de protéger son marché dans le hockey professionnel au Québec, voudrait bloquer l'arrivée d'une équipe de la LNH dans la Vieille Capitale. Quant à Bell, l'entreprise souhaiterait ralentir la progression de Quebecor, son principal rival en télécommunications.

À cela, M. Molson rétorque qu'evenko ou le Canadien n'empêcherait pas l'implantation d'une équipe de la LNH à Québec. «C'est complètement faux. Québec représente un bon marché et ça créerait une excellente rivalité. Ce serait bon pour la Ligue nationale, et bon pour le hockey au Québec et au Canada. On appuie cette idée.»

Selon M. Molson, d'autres investisseurs pourraient tenter d'obtenir une concession afin de la faire jouer dans un amphithéâtre géré par evenko.

«Nous ne serions évidemment pas propriétaires de cette équipe. Mais nous croyons que c'est important de construire un nouvel amphithéâtre à Québec. C'est important pour le gouvernement, la Ville et les partisans.

«Lorsque nous avons déposé une offre, c'est parce qu'on voyait l'opportunité de bâtir sur ce que nous avons bâti ici. On a fait notre offre, on n'a pas réussi. Notre but n'est pas d'être un dérangeur dans ce dossier. On ne s'en mêlera pas. Mais s'il y a une autre occasion, on présentera de nouveau une offre.»

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Pour les gens de Québec, les propos de Geoff Molson sont rassurants. En juin dernier, le maire Labeaume a laissé entendre que si l'entente avec Quebecor Media n'était pas bétonnée, le projet d'un nouvel amphithéâtre ne vaudrait pas la peine d'être poursuivi.

On sait maintenant qu'un groupe doté d'une vaste expertise garde un oeil sur la situation, prêt à se manifester si l'occasion se présente. Il s'agit d'un nouvel élément significatif au dossier.