Le débat autour du nouvel amphithéâtre de Québec prend une tournure regrettable. Le maire Régis Labeaume qui, grâce à son esprit volontaire, a obtenu jusqu'à maintenant des succès remarquables dans ce dossier, contribue malheureusement à exacerber les tensions.

Selon M. Labeaume, l'urgence est telle que ce nouveau Colisée ne sera pas construit si la loi visant à bétonner l'entente entre la Ville de Québec et Quebecor Media n'est pas approuvée ce printemps. «Pour moi, on oublie ça, pis c'est tout», a-t-il déclaré au Soleil.

Cette déclaration, espérons-le, résulte plus de la colère que de la réflexion stratégique. Après avoir convaincu le gouvernement Charest de pomper 200 millions dans le projet, un exploit étonnant, il serait irresponsable de reléguer ce rêve aux oubliettes.

N'oublions pas que M. Labeaume a longtemps soutenu que Québec avait besoin d'un nouvel amphithéâtre, peu importe qu'il obtienne ou non une concession de la LNH. Or, aujourd'hui, le caractère multifonctionnel de l'édifice semble balayé sous le tapis.

S'il faut aller vite, soutient le maire, c'est parce qu'il veut expédier le plus tôt possible une lettre à Gary Bettman lui indiquant que le chantier sera bientôt ouvert. En clair: le nouvel amphithéâtre, c'est pour la LNH qu'il est envisagé. Ses autres usages sont accessoires.

Hélas, à voir le peu d'empressement manifesté par ce même M. Bettman à finaliser le déménagement des Thrashers d'Atlanta à Winnipeg, je doute qu'il attende impatiemment des nouvelles de M. Labeaume.

Selon le Winnipeg Free Press, l'attribution d'une équipe à la capitale du Manitoba serait même conditionnelle aux résultats d'une campagne d'abonnements saisonniers tenue dans les jours suivant l'annonce. On demanderait aux amateurs de s'engager pour trois saisons lorsqu'ils achèteront des billets.

C'est dire les énormes craintes de la LNH à retourner dans les marchés canadiens à bas revenus. D'ailleurs, plus tôt cette semaine, Bill Daly, adjoint de Bettman, a affirmé s'être entretenu avec un groupe de Seattle souhaitant doter la ville d'une équipe de la LNH.

À court terme, cette nouvelle fournira des munitions à M. Labeaume. En revanche, si cet intérêt se confirme, Seattle constituera un adversaire de taille pour Québec même si, là aussi, il faudra construire un nouvel amphithéâtre.

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Lorsqu'il est question de fonds publics et de sport professionnel au Québec, les débats sont toujours corsés. Croire, comme le souhaite M. Labeaume, que le projet puisse être ficelé sans contestation relève de l'illusion. Suffit de fouiller un peu pour le réaliser.

En 1995, par exemple, les Nordiques avaient exigé la construction d'un casino à Québec, dont les revenus serviraient à construire un nouvel amphithéâtre et à éponger leurs déficits. «Une pompe branchée sur le fonds consolidé de la province», avait rétorqué Jean Royer, chef de cabinet du premier ministre Jacques Parizeau.

Puis, en 1997, les Expos avaient réclamé 250 millions pour un nouveau stade au centre-ville. «Quand on ferme des hôpitaux, je ne suis pas sûr qu'on ouvre des stades», avait tranché le premier ministre Lucien Bouchard.

Le parallèle le plus intéressant avec la situation actuelle est cependant le dossier de l'impôt foncier du Centre Molson, comme on appelait alors le Centre Bell, en 1996.

À la suite d'une entente avec la Ville de Montréal, le Canadien s'était vu promettre une réduction de sa facture annuelle, de 9 à 4,5 millions. Un projet de loi omnibus avait été discrètement amendé pour autoriser ce changement.

À quelques jours de Noël, mon collègue Denis Lessard avait éventé l'affaire dans La Presse. Un gigantesque tollé avait suivi. Voilà qu'on demandait à l'Assemblée nationale d'avaliser un accord conclu par une ville afin de favoriser le sport professionnel.

Ironiquement, l'un des plus farouches opposants à ce projet fut... un député péquiste! Jacques Baril, de l'Arthabaska, déclara: «Pourquoi les villes se commettent alors que ce sont les députés qui ont ensuite l'odieux de faire adopter cela? Cela me met en maudit.»

Les temps ont changé. Aujourd'hui, c'est le Parti québécois qui se bat pour que l'Assemblée nationale entérine le contrat conclu par la Ville de Québec et empêche, de facto, toute contestation judiciaire.

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Si Amir Khadir continue de s'opposer au projet de loi, et il n'existe aucune raison d'en douter, les libéraux et les péquistes pourraient néanmoins le déjouer, comme l'explique mon collègue Tommy Chouinard, dans un texte publié en page 6 du cahier A.

Leur stratégie serait d'incorporer les articles du projet de loi Labeaume-Maltais à une loi omnibus de fin de session. Eh oui, exactement le plan concocté en 1996 dans le cas de l'impôt foncier du Centre Molson! Mais cette fois, compte tenu du fort appui que génère le nouvel amphithéâtre à Québec, le gouvernement foncera sans doute jusqu'au bout.

Cela ne diminuera pas l'intérêt de la commission parlementaire de jeudi prochain. Les principaux protagonistes se feront enfin entendre et la manière dont ils défendront leur position influencera l'opinion publique.

Peu importe la manière dont prendra fin la querelle législative, les explications fournies durant la commission feront désormais partie du dossier. M. Khadir pose des questions pertinentes à propos de l'entente et il sera intéressant d'entendre les réponses.

L'exercice sera salutaire. M. Labeaume ne doit pas oublier que lorsqu'on demande des fonds publics, il faut assumer le processus, sans le comparer à un «tribunal d'inquisition», comme il l'a fait mercredi. Si on veut éviter les commissions parlementaires et les projets de loi, suffit de financer les projets de construction privément.

La légalité de l'amphithéâtre, la chronique d'Yves Boisvert En A6