À la fin du match d'hier, l'ambiance était électrique au Centre Bell. Pendant que Carey Price et P.K. Subban célébraient la victoire avec leur enthousiasme si contagieux, la foule hurlait son appréciation. Les joueurs du Canadien pouvaient être fiers d'eux. Ils n'ont jamais abandonné, même après un mauvais coup du sort.

Ce but refusé à Brian Gionta dès la quatrième minute du match, pourtant valide, aurait pu leur couper les ailes. Déjà que l'équipe éprouve des ennuis à marquer, s'il faut en plus qu'on la prive de buts légitimes! Des joueurs au moral plus fragile auraient pu s'effondrer. Ce ne fut pas le cas.

Ne serait-ce que pour la façon dont ils ont réagi à cette erreur de l'arbitre, les Glorieux méritent un coup de chapeau. On a senti l'influence des vétérans dans cette attitude combative. Gionta, pourtant le premier lésé, a montré beaucoup d'énergie pendant tout le match. Il s'est conduit en capitaine.

«C'est ça, le hockey des séries, a expliqué le petit guerrier, après la rencontre. On est tous des professionnels. Si un jeu ne tourne pas en notre faveur, on doit passer par-dessus ça et continuer de jouer notre match. On ne peut pas changer la décision...»

Ce fut une guerre de tranchées. Jusqu'au bout, les Bruins ont menacé. Mais Carey Price, vif et concentré, a réussi des arrêts magiques. Dans les cinq dernières minutes de jeu, il a donné une démonstration époustouflante de son talent.

Cette victoire évite non seulement l'élimination au Canadien, mais elle lui donne le rythme en vue du match décisif.

«On était contents après la victoire, mais personne ne s'est emporté, a expliqué Mathieu Darche. On sait que la série n'est pas finie. Dès que le match a pris fin, les gars avaient déjà hâte de partir pour Boston afin de se reposer. Le prochain match ne sera pas facile. On a réussi à survivre, mais on n'a rien accompli encore...»

Entre ces deux grands rivaux, il fallait sans doute que les choses se terminent ainsi. Par un septième match qui s'annonce passionnant.

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À quoi s'attendre ce soir? À n'en pas douter, la pression est sur les Bruins. Lorsqu'ils enfileront leur équipement, on peut être sûr qu'ils auront en tête les événements du printemps dernier. Ce coup, brutal et inattendu, a profondément marqué leur organisation.

C'était en séries éliminatoires. Menant trois matchs à zéro leur série contre les Flyers de Philadelphie, les Bruins croyaient l'affaire entendue. Contre toute attente, leurs rivaux ont remporté les trois rencontres suivantes.

L'affrontement ultime, disputé à Boston, s'est transformé en catastrophe. Les Bruins ont laissé filer une avance de 3-0 et perdu le match 4-3.

Pire encore: le but vainqueur a été marqué pendant une punition pour avoir eu trop de joueurs sur la patinoire. «Nous sommes tous responsables», avait déclaré Claude Julien, dépité, après l'élimination des siens.

Douze mois plus tard, les Bruins disputeront de nouveau un septième match devant leurs partisans. Et cette fois, l'adversaire sera le grand rival historique, celui qui leur a si souvent fait mal: le Canadien. S'il fallait que les joueurs de Jacques Martin inscrivent le premier but, la foule deviendrait très nerveuse. Et leurs favoris le sentiraient trop bien.

Vendredi dernier, Carey Price a blagué en évoquant «l'avantage de la route». L'équipe visiteuse a en effet remporté les quatre premiers matchs de la série. Cela pourrait jouer en faveur du Canadien ce soir. D'autant plus qu'il a disputé trois solides rencontres à Boston. «On ne pense pas à ça, a dit Mathieu Darche. La patinoire est de la même dimension...»

Brian Gionta a ajouté: «Dans un septième match, il n'y a plus de théorie qui tienne. C'est la préparation qui importe».

Sans doute. Mais j'ai toutefois l'impression que le Canadien sautera sur la patinoire plus confiant que ses rivaux. La raclée de 7-0 subie en fin de saison est bel et bien oubliée.

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Après le match, Claude Julien a conservé son calme. Il n'a critiqué aucune décision des arbitres, soulignant même à quel point leur boulot est difficile. «On ne baisse pas la tête», a-t-il dit, avec confiance. Mais derrière ce détachement apparent, je suis convaincu que se cache beaucoup d'inquiétude.

Au plan collectif, une élimination dès le premier tour ferait mal paraître les Bruins, qui n'ont pas caché leurs ambitions avant le début de la série. Cette équipe rêve de Coupe Stanley. Au hockey comme dans le reste de la vie, plus les attentes sont élevées, plus la déception est grande lorsque les objectifs ne sont pas atteints.

Au plan personnel, Julien se doute bien qu'une nouvelle élimination, après avoir frôlé la victoire une deuxième année consécutive, mettra en péril son avenir à Boston. Cet homme fier et attachant ne veut certes pas que l'étiquette de rater les matchs importants lui colle à la peau. C'est pourtant ce qui risque de se produire si son équipe est éliminée ce soir. Le sport est souvent cruel.

Le Canadien s'est envolé vers Boston en fin de soirée. L'ambiance à bord était sûrement meilleure que dans l'appareil ramenant les Bruins à la maison.

Ce soir, le fabuleux feuilleton Bruins-Canadien s'enrichira d'un nouveau chapitre. Cette rivalité hors du commun continue d'offrir aux amateurs des moments forts. Et cela, plus de 80 ans après le premier match entre les deux équipes!

C'est quand même beau la tradition.