Max Pacioretty aime Twitter. Il est membre de la génération des médias sociaux, celle qui révolutionne nos manières de communiquer.

Suffit d'un seul clic pour que notre opinion, songée ou non, s'envole dans le cyberespace. Intrigante époque, on en conviendra. Mais cette démocratisation des moyens d'expression comporte aussi des pièges. Le sport professionnel nous le rappelle chaque semaine.

Pacioretty vient d'en faire deux fois l'expérience. Les conséquences de ses «tweets» demeurent anodines. Mais elles mettent néanmoins en lumière les dangers de l'instantanéité.

Samedi, comme La Presse l'expliquait hier, le jeune homme a écrit à ses 31 500 abonnés que la rencontre Canadien-Bruins était «plus longue que le nez de Brad Marchand». Cette blague de collégien, à propos de l'attaquant des Bruins, a peut-être amusé ses amis.

Mais Pacioretty a oublié que Twitter constitue une formidable caisse de résonance. Le moindre message peut faire le tour de la planète. Ces petites observations de 140 caractères ou moins sont tout sauf privées.

Comme tant d'autres avant lui, Pacioretty a réalisé trop tard son erreur. On ne se moque pas publiquement d'un adversaire. Il a retiré le message de son compte et s'est excusé: «J'essayais d'être drôle, mais ça n'a pas fonctionné. Mes excuses à Marchand...»

Pacioretty avait pourtant déjà été mis en garde à propos de Twitter. Le mois dernier, six jours après avoir été terrassé par Zdeno Chara, il est allé au cinéma. Sur Twitter, il a expliqué à quel point le film Le passe-droit l'avait amusé.

Ce «tweet», banal en soi, a provoqué une petite tempête. Mark Recchi s'en est emparé pour remettre en cause la gravité de la commotion cérébrale de Pacioretty. Comment un joueur aussi durement touché peut-il assister à un film dans l'environnement bruyant d'une salle?, a demandé le vétéran des Bruins, dans une déclaration qui a fait la manchette.

Les messages sur Twitter sont du domaine public. Et les conséquences peuvent être imprévues. Même lorsque le «tweet» est, à première vue, sans intérêt.

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Twitter a modifié les relations entre les joueurs. Une preuve éloquente en a été donnée en janvier dernier, dans la NFL. Jay Cutler, le quart-arrière des Bears de Chicago, a quitté une rencontre éliminatoire en raison d'une blessure.

Sa résistance, une qualité essentielle au football pour mériter le respect de ses pairs, a été remise en cause. Plusieurs joueurs d'autres équipes, assis devant leur télé, ont dénoncé Cutler sur-le-champ. Leur outil: Twitter.

Darnell Dockett, des Cards de l'Arizona, a été féroce: si je jouais pour les Bears, a-t-il écrit, j'exigerais après le match de prendre ma douche et de quitter le vestiaire avant d'en permettre l'accès à Cutler!

Ces propos ont ébranlé le quart des Bears. Leur impact sur sa carrière promet d'être un élément intrigant du prochain calendrier de la NFL.

La saison complétée, l'impact Twitter ne s'est pas démenti dans la NFL. Les négociations en vue de renouveler le contrat de travail ont fourni plusieurs moments intéressants.

Ainsi, lorsqu'Antonio Cromartie, joueur vedette des Jets de New York, a réclamé la reprise des pourparlers, la direction du circuit a vite «re-twitté» le commentaire à ses 2 millions d'abonnés. Cette suggestion de Cromartie a entraîné une question: la solidarité des joueurs s'effritait-elle?

Au même moment, les porte-parole de la NFL et de l'Association des joueurs entretenaient un fascinant échange sur Twitter, chacun réagissant, parfois avec venin, aux propos de l'autre.

Nous assistions aux premières négociations Twitter de l'histoire du sport professionnel, comme l'ont signalé des médias américains. Les vérités qui avaient l'habitude de demeurer entre quatre murs se retrouvaient désormais dans l'espace public.

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La popularité des médias sociaux offre des occasions exceptionnelles aux organisations sportives de contrôler leur message sans le filtre des médias. Leurs pages Facebook et leurs messages Twitter permettent de s'adresser aux fans, en élaguant tout contenu négatif. La promotion est ainsi camouflée en information.

Selon des chiffres publiés par le Sports Business Journal, le FC Barcelone, avec 13,5 millions d'abonnés, est l'équipe la plus suivie de la planète sur les médias sociaux, Twitter et Facebook combinés.

Dans la LNH, le Canadien mène la danse. Avec 125 000 abonnés à son compte Twitter et 640 000 à sa page Facebook, l'organisation détient un accès direct à plus de 765 000 partisans. Les ennuis de Scott Gomez n'y sont jamais mentionnés!

Trois autres équipes prestigieuses dominent leur sport respectif: les Lakers de Los Angeles (9,5 millions), les Yankees de New York (3,9 millions) et les Cowboys de Dallas (2,6 millions). Dans tous les cas, les abonnés Facebook sont beaucoup plus nombreux que les abonnés Twitter.

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Personne ne l'avouera trop ouvertement. Mais les équipes, agents et associations des joueurs s'inquiètent des répercussions des messages Twitter des joueurs, tous sports confondus. L'impulsivité peut conduire à des dérapages, comme on l'a vu dans la NFL.

Plusieurs organisations, dont le Canadien, continueront de sensibiliser les joueurs à ce sujet. Pas question d'interdire la participation aux médias sociaux, ce qui constituerait une entrave à la liberté d'expression. Mais parions que Max Pacioretty sera désormais plus prudent avec le contenu de ses messages.

Cela dit, l'instantanéité et la facilité d'utilisation de Twitter attireront les joueurs, créant ainsi une source d'information inattendue pour le plus grand bonheur des fans... et des journalistes!

Photo: Reuters

Des 30 équipes de la Ligue nationale, le Canadien compte le plus d'abonnés sur Facebook et Twitter.