Il n'est peut-être pas candidat au trophée Vézina, mais Carey Price tient la saison du Canadien entre ses mains.

Seule une performance extraordinaire du jeune gardien permettra aux Glorieux de s'extirper du pétrin après cet échec bête de jeudi, au Centre Bell. Grand défi, mais le bonhomme possède le coffre pour le relever.

Fallait le voir, hier midi, dans le vestiaire du Canadien au Complexe Bell, à Brossard. Seuls quatre joueurs étaient présents pour rencontrer les journalistes et Price était du lot.

Vêtu d'un t-shirt et d'un short, appuyé sur un hockey de gardien, il a répondu à toutes les questions avec sérénité et confiance. Price est encore jeune et peut-être l'ignore-t-il lui-même, mais il est déjà le grand leader du Canadien. Brian Gionta et Hal Gill, en raison de leur vécu, ont sans doute plus l'oreille du coach. Mais lorsque la rondelle est en jeu, Price devient le joueur-clé.

Le calendrier régulier en a donné l'indication et les éliminatoires le confirment: si Price accomplit des miracles, le Canadien gagne. Sinon, il perd.

Aucun autre joueur n'est en mesure de changer l'allure d'un match sur une base régulière, pas même les plus hauts salariés de l'équipe. P.K. Subban y arrivera bientôt, mais il doit encore gagner en expérience.

(Au fait, puisqu'il est question des joueurs les mieux payés, je pose cette question: est-il normal que David Desharnais éclipse Scott Gomez, jeudi, dans ce qui était jusque-là le match le plus important de la saison? Si le Canadien est éliminé par les Bruins de Boston, Pierre Gauthier aura de grandes décisions à prendre à propos de son homme à 8 millions.)

Price accomplit vraiment tout au sein de l'équipe. D'abord, il arrête les rondelles, un exercice délicat compte tenu de l'absence de deux valeurs sûres, Andrei Markov et Josh Gorges, et de la lenteur de plusieurs autres défenseurs.

Ensuite, il rappelle ses coéquipiers à l'ordre au moment opportun. Rappelez-vous son désormais célèbre «On a eu ce qu'on méritait en première période» après le troisième match. Et enfin, il fait face à la musique dans les moments moins agréables, comme hier.

Les joueurs aimeraient faire l'économie de ces points de presse le lendemain d'un revers en prolongation. Ils savent que les questions rappelleront de mauvais souvenirs. Dans la vie, il est toujours plus agréable de commenter ses bons coups que d'expliquer ses erreurs. C'est vrai pour nous tous... et pour les joueurs de hockey!

Mais Price, droit comme un chêne, ne s'est pas défilé. On est loin du jeune homme du printemps 2009 qui, la casquette enfoncée sur la tête et des verres fumés sur le nez, avait commenté avec insolence sa difficile saison.

La bonne nouvelle pour les partisans du Canadien, c'est que les deux revers de cette semaine n'ont pas abattu Price. Alors là, pas du tout! En bon soldat, il a répété le mot d'ordre lancé par Jacques Martin après le match de jeudi: être à égalité avec les Bruins après quatre matchs, c'est excellent.

Ce raisonnement, habile au plan des communications et vrai dans l'absolu, repose néanmoins sur une base fragile. La vérité, c'est que le Canadien a raté une splendide occasion d'assommer les Bruins cette semaine au Centre Bell. Et que le vent souffle désormais dans le dos des joueurs de Claude Julien.

Mais le jeune gardien a aussi dit autre chose, notamment à propos de cette incapacité des deux équipes à gagner devant leurs partisans.

«C'est plutôt bizarre, a-t-il reconnu. C'est fantastique de jouer à la maison et la foule nous fournit une dose d'énergie incroyable. Mais on dirait que l'équipe locale essaie toujours de jouer avec un peu plus de finesse.

«C'est humain de vouloir en faire davantage devant ses partisans. Alors qu'à l'étranger, lorsque tout le monde nous hue, nous n'hésitons pas à lancer la rondelle au fond du territoire adverse.»

Plus tôt, un sourire en coin, Price avait évoqué «l'avantage de la route», en parlant des résultats des quatre premiers matchs. Le Canadien aimerait bien que la série contre les Bruins se poursuive ce soir dans le même sens.

«Perdre en prolongation, c'est frustrant, a ajouté le gardien. Mais ce match est maintenant derrière nous. On ne peut rien y changer. Alors il faut maintenant nous concentrer sur nos objectifs en vue de la cinquième rencontre.»

La recette du succès n'est pas compliquée pour le Canadien: jeux simples, vitesse en attaque et arrêts-clés.

Peu importe la suite des choses, la saison 2010-2011 aura été celle de la réconciliation entre les partisans du Canadien et Carey Price. L'attachement de la foule du Centre Bell à son endroit est saisissante.

Lorsque son nom retentit dans les haut-parleurs et que sa photo illumine les écrans avant la première mise au jeu, l'ovation est démentielle. Dans la pénombre ambiante, les projecteurs sont braqués sur lui.

- Comment fais-tu pour rester concentré?

- Je chasse tout cela de mon esprit, répond-il. Le match s'apprête à commencer et c'est là-dessus que je mets toutes mes énergies.

Concentration et énergie sont des mots qui reviennent souvent dans la bouche du gardien du Canadien. Plus que jamais, ces atouts lui seront nécessaires ce soir. Sans un match superbe de sa part, les Bruins prendront l'avance dans la série.

Car, pour le meilleur comme pour le pire, le Canadien est désormais l'équipe de Carey Price.