On aurait dit un joueur de basketball. Du haut de ses 6'9, Zdeno Chara, une barbe de trois jours au visage et les traits tirés, était entouré d'une batterie de journalistes dans un réduit du Centre Bell, transformé pour l'occasion en salle d'entrevue.

Fort d'une rentrée réussie à Montréal après les événements du 8 mars, Chara aurait pu sourire légèrement après le match d'hier. Mais ce point de presse semblait lui plaire autant qu'une visite chez le dentiste. De temps à autre, ses yeux bifurquaient vers le relationniste des Bruins: «Sors moi de là au plus vite!» semblait-il lui dire.

Après une séance de moins de cinq minutes durant laquelle il a chuchoté comme dans une église, Chara a tiré sa révérence. Ne comptez pas sur lui pour des déclarations significatives. Surtout à Montréal, un endroit qui lui rappelle maintenant de mauvais souvenirs. Ses propos se résument à ceci: «On est contents de cette victoire, faut maintenant penser au prochain match».

Tous les yeux étaient évidemment tournés vers Chara au début de la rencontre. On imagine sans peine son état d'esprit lorsqu'il a enfilé son uniforme dans le vestiaire des siens.

Dans quelques minutes, le capitaine des Bruins sauterait de nouveau sur cette patinoire hostile, où son attaque démesurée a hypothéqué la carrière d'un joueur prometteur. Même pour un vétéran rompu aux défis du sport professionnel, il s'agissait là d'un rude test.

De plus, après avoir raté le match de samedi, à Boston, en raison d'un problème de déshydratation, Chara était attendu comme le sauveur de son équipe. «Sa présence, comme son absence, a de grandes répercussions sur notre équipe, a expliqué Tim Thomas, après la rencontre. Il est l'un des meilleurs défenseurs, sinon le meilleur, de la Ligue nationale.»

On peut comprendre le gardien des Bruins d'apprécier l'appui de l'arrière format géant. Claude Julien l'a utilisé plus de 26 minutes durant la rencontre. «Z», comme tout le monde le surnomme chez les Bruins, n'a pas disputé une rencontre exceptionnelle. Il était d'ailleurs sur la glace pour les deux buts du Canadien.

Au plan des habiletés, je suis plutôt d'accord avec Dany Dubé, l'analyste des matchs du Canadien à la radio: «Les responsabilités de Chara sont plus grandes que son coffre à outils. Il n'est pas le joueur des grandes occasions. Mais il est grand, gros et robuste. En ce sens, il s'inscrit parfaitement dans la culture d'entreprise des Bruins».

Claude Julien ne voit évidemment pas les choses ainsi. Dans un contexte doublement difficile - retour à Montréal et ennui de santé -, il était fier de la tenue de Chara. «Zdeno est un très grand joueur, a-t-il dit. Avec sa grande portée, ce n'est pas facile de jouer contre lui. Et il est sans doute le joueur le plus fort de la Ligue.»

Le retour de Chara, quoi qu'on pense du bonhomme, a été déterminant pour les Bruins. Au plan psychologique, sa présence a rassuré l'équipe. Populaire au sein du groupe, il en impose par son physique et son influence.

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Ce n'est jamais bon signe lorsqu'un entraîneur utilise son temps d'arrêt dès la première période, parce que son équipe vient d'encaisser un deuxième but sans réplique. Aussi, en voyant Jacques Martin prendre cette décision, hier, on a vite compris que ce ne serait pas la soirée du Canadien.

Bien sûr, les chances que les Glorieux éliminent les Bruins en quatre matchs consécutifs étaient minces. En ce sens, cette défaite n'est pas catastrophique. La pression demeure sur les Bruins, nettement plus alertes que lors des deux premières rencontres.

Cela dit, on attendait tous de voir comment le Canadien réagirait si les Bruins prenaient l'avance dans le match pour la première fois de la série. La réponse n'a pas été convaincante: l'équipe a semblé ébranlée, comme si ce scénario l'avait surprise.

Pendant de longues minutes, on a vu le Canadien chercher ses repères. Et, petit à petit, les Bruins ont bâti leur confiance. Leur premier but a gonflé leur moral et ils ont géré cette avance avec succès, portant le pointage 3-0 au début de la deuxième période.

Le hockey de rattrapage ne constitue pas une stratégie gagnante et cette rencontre n'a pas fait exception à la règle. Le Canadien a connu un regain d'énergie en troisième, mais Tim Thomas et les Bruins ont limité les dégâts.

Belle victoire des Bruins, donc. Mais rien dans leur jeu ne laisse croire qu'ils domineront désormais cette série. Le Canadien a terminé l'affrontement en force. Suffit maintenant d'amorcer le prochain de la même façon.

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Le délai de deux jours entre les matchs 3 et 4 favorisera-t-il une des deux équipes? En se regroupant à Lake Placid pendant 48 heures, les Bruins auront l'occasion de cimenter le groupe dans un environnement agréable. Ce pourrait être un avantage.

Avec deux jours de préparation et 24 heures additionnelles de repos, ni les Bruins ni le Canadien n'auront d'excuses jeudi soir.

Le gagnant de ce match sera bien positionné pour la suite des choses.

Photo: Bernard Brault, La Presse

Sans être au meilleur de sa forme, Zdeno Chara, absent du match disputé samedi à Boston, a inspiré ses coéquipiers des Bruins hier.