La LNH a signé hier la plus importante entente de commandite de son histoire. Au cours des sept prochaines années, la Brasserie Molson Coors versera une somme de 375 millions pour faire de la Molson Canadian la bière officielle du circuit en Amérique du Nord.

À peine dévoilée, cette nouvelle a connu un rebondissement. Les Brasseries Labatt ont annoncé leur intention de contester la portion de cet accord touchant le Canada. Labatt et Anheuser-Busch, deux sociétés membres du même conglomérat, sont les partenaires actuels de la LNH.

«Au Canada, nous avons négocié de bonne foi avec la LNH depuis plusieurs mois afin de renouveler notre commandite, affirme Charlie Angelakos, vice-président aux affaires corporatives de Labatt. Nous avons conclu une entente juridiquement valide. Nous défendrons notre cause avec agressivité.»

On surveillera où cette contestation mènera Labatt. Pour l'instant, Anheuser-Busch n'est pas impliquée puisqu'elle négociait séparément avec la LNH avant la conclusion de l'alliance avec Molson Coors. Cela dit, ces événements mènent à deux conclusions.

D'une part, la compétition entre les grandes brasseries afin de s'associer au sport professionnel atteint un niveau égalé. En mai dernier, Anheuser Busch s'est engagée à verser 1,2 milliard à la NFL au cours des six prochaines saisons, ravissant cette commandite à Molson Coors.

Ce montant faramineux a secoué les dirigeants du baseball majeur. En colère, ils ont mis fin à leur propre entente avec Anheuser Busch, estimant que les conditions de marché n'étaient plus les mêmes. L'affaire s'est brièvement retrouvée devant les tribunaux. En décembre, les deux parties ont signé la paix, Anheuser Busch allongeant assurément des dizaines de millions supplémentaires.

D'autre part, le contrat entre Molson Coors et la LNH démontre que le circuit Bettman est désormais un joueur significatif dans le sport-business américain. Cette entente conduira la LNH vers un cap symbolique. En 2011-2012, ses revenus franchiront trois milliards de dollars.

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Dans une pièce sombre située sous les gradins du Stade McMahon de Calgary, John Collins répond à mes questions d'un ton assuré. En ce samedi après-midi précédant la Classique Héritage, sa tenue décontractée ne manque pas d'élégance. Autour de lui, des employés de la LNH s'assurent qu'il ne manque de rien. Leurs gestes, comme ce verre d'eau discrètement glissé vers ses mains lorsque l'entrevue se prolonge, témoignent du respect qu'on lui voue.

Cela n'est guère étonnant. John Collins est inconnu du grand public. Mais après Gary Bettman, cet Américain de 49 ans est à coup sûr l'homme le plus influent de la LNH. Tout simplement parce qu'il est en charge des revenus.

Depuis août 2008, Collins est chef de la direction de la LNH. Il a appris son métier dans la NFL, où il a oeuvré durant 15 ans, accédant au poste de vice-président senior au marketing et aux ventes. Il a été aussi président des Browns de Cleveland.

Aujourd'hui, toutes les ententes commerciales de la LNH, comme ce gigantesque pacte de 375 millions avec Molson Coors, sont sous sa responsabilité. Depuis son entrée en poste, les revenus des ententes signées par la ligue, excluant les contrats de télévision, ont augmenté de 85%.

«Nous sommes en mode croissance, affirme Collins. Nous misons sur l'innovation et notre capacité à penser différemment. Pour nous, tous les signaux sont au vert. De nombreuses opportunités restent à exploiter.»

L'entente avec Molson Coors lance magnifiquement l'année de John Collins. Trois autres enjeux retiendront son attention en 2011: le renouvellement des contrats de télévision aux États-Unis, l'accélération de la stratégie numérique et le développement agressif du marché européen.

Le premier de ces dossiers est évidemment majeur. Mais les deux autres sont aussi pleins de promesses.

«Le secteur numérique est un pilier de notre développement, explique Collins. La technologie a profondément modifié la façon dont les gens consomment les contenus. Nous voulons répondre à leurs demandes, en proposant des solutions pour les téléphones intelligents et les tablettes numériques. Nous sommes très agressifs à ce niveau et on fait les investissements nécessaires. Notre site NHL.com, avec son accent sur les vidéos, en constitue un bon exemple.

«On réussit tout cela sans investissement important des propriétaires d'équipes. Notre croissance organique finance ces initiatives. Nos marges d'exploitation sont plus robustes que jamais.»

En Europe, quelques matchs de la LNH sont disponibles chaque semaine sur ESPN America, réseau spécialisé dans les sports professionnels nord-américains. Ce contrat vient aussi à échéance à la fin de la saison.

«Actuellement, les mêmes matchs sont présentés partout sur le continent, dit Collins. Ce n'est pas la meilleure façon de servir notre clientèle. Près du tiers des joueurs de la LNH viennent d'Europe et plusieurs sont de grandes vedettes. On sait déjà que les Finlandais veulent obtenir des nouvelles des joueurs de leur pays, tout comme les Suédois et les Russes. On bonifiera notre offre au cours des prochaines années, car le potentiel de croissance est important.»

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La LNH continue d'entretenir le mystère sur l'avenir de la Classique Héritage. À mon avis, vous pouvez miser sur son retour en 2012.

Lorsqu'il travaillait pour la NFL, John Collins a lancé l'idée du «Kick-off Classic», une façon originale d'augmenter la notoriété du premier match de la saison, en mariant football et musique. Ce fut un succès retentissant.

Le chef de la direction de la LNH croit aux événements hors de l'ordinaire. Dans son esprit, il s'agit d'une façon idéale d'insuffler de l'effervescence aux longues saisons. Il ne s'arrêtera pas en si bon chemin.