Ce soir-là, j'ai prévenu mes enfants avant qu'ils se mettent au lit. Peu après 23 heures, je les réveillerais. Je souhaitais qu'ils voient l'événement en direct. Dans mon esprit, nous assisterions à un moment hors du commun où une athlète, devant des millions de téléspectateurs, se retrouverait seule sur la scène, déchirée entre sa peine et son ambition.

À l'heure dite, Joannie Rochette a pris possession de la patinoire olympique de Vancouver. Assis devant notre écran, nous étions sans doute plus nerveux qu'elle. Comment réagirait cette jeune femme frappée par la mort subite de sa mère deux jours plus tôt? S'écraserait-elle sous la pression et la douleur? Trouverait-elle plutôt au fond d'elle-même la force de s'imposer?

La suite fut bouleversante. Avec sa performance tout en courage, Joannie Rochette nous a arraché des larmes. Le troisième rang obtenu dans un contexte si émotif pava la voie à l'obtention de sa médaille de bronze. Non, je n'ai pas regretté d'avoir interrompu le sommeil de mes enfants.

L'héritage des Jeux olympiques, ce n'est pas seulement de nouvelles installations sportives ou du financement accru pour les athlètes d'élite. Ce sont aussi des souvenirs fabuleux qui, peut-être, inspireront de jeunes personnes.

Voilà pourquoi les Jeux de Vancouver ont constitué une si belle réussite. Les athlètes québécois, comme ces pages nous le rappellent, y ont réalisé de fabuleux exploits.

Du coup, cette question: quelles limites franchiraient-ils si les Jeux étaient présentés dans leur propre milieu, à Québec, en 2022? Pour espérer un jour une réponse, la Vieille capitale devra d'abord foncer dans l'aventure.

L'enthousiasme du maire Régis Labeaume a été refroidi, en décembre dernier, lorsque la Fédération internationale de ski (FIS) a écarté sans appel la piste proposée pour la descente masculine. Pas question de mettre sur pied une candidature olympique si cette épreuve ne peut être tenue dans la région, a-t-il dit.

Or, ce dossier connaîtra des développements au cours des prochains jours. Claude Rousseau, le responsable d'Équipe-Québec, remettra au gouvernement Charest son rapport sur cet enjeu controversé. Depuis l'annonce de la FIS, son équipe et lui ont passé le dossier au peigne fin.

«Ce n'est pas seulement une question de pente et d'inclinaison, explique M. Rousseau. C'est beaucoup plus complexe. Nous avons analysé 11 groupes de critères, notamment les coûts et les impacts environnementaux.»

Équipe-Québec - c'est le nom de cette mission chargée d'exploiter le potentiel international de Québec sur le plan sportif -, ne se prononcera pas immédiatement sur l'opportunité de soumettre une candidature olympique. M. Rousseau croit plutôt à une stratégie bien ordonnée. «Il faut d'abord travailler notre positionnement, dit-il. Et pour cela, nous devons attirer de grandes compétitions internationales à Québec. C'est ainsi que nous créerons un buzz autour de notre ville.»

Cela dit, plusieurs décideurs souhaitent que Québec relève le pari olympique. Jeudi, en annonçant la participation de son gouvernement à la construction d'un nouvel amphithéâtre, le premier ministre Jean Charest a rappelé cet idéal. «Je continue de rêver à des Jeux olympiques d'hiver à Québec. À mes yeux, il s'agit de la ville la mieux préparée et la mieux située pour les accueillir. Un nouvel amphithéâtre est une infrastructure essentielle à la réalisation de ce rêve.»

La veille, en visite à La Presse, Jean Dupré, chef de la direction du Comité olympique canadien, semblait n'attendre que le signal du maire Labeaume pour donner son appui au projet.

«Nous sommes très réceptifs à une candidature canadienne pour 2022, a-t-il dit. On connaît l'impact des grands Jeux sur le développement de notre système sportif. La décision de foncer revient à M. Labeaume. Mais si Québec y va, on fera tout en notre pouvoir pour que cette candidature soit gagnante.»

Le défi de la descente masculine ne diminue en rien l'enthousiasme de M. Dupré. «Une montagne, ça se travaille! On a envoyé des gens sur la lune, on peut sûrement trouver une solution à ce problème!»

En clair, M. Dupré préconise un dialogue avec la FIS. Selon lui, les graves accidents survenus sur le circuit masculin cette saison inciteront ses dirigeants à réfléchir aux aspects sécuritaires du sport. Longtemps directeur général du patinage de vitesse au Canada, il émet cette analogie entre les épreuves sur courte piste et la descente masculine.

«Avec les nouvelles lames et les autres développements technologiques, le patin sur courte piste devenait de plus en plus vite. Les records du monde tombaient, mais les accidents augmentaient. La Fédération internationale a introduit des mesures pour ralentir les courses, devenues trop dangereuses.

«Le même raisonnement peut s'appliquer au ski alpin. La vitesse a considérablement augmenté depuis cinq ans. La Fédération réfléchira sûrement à des moyens de rendre le sport plus sécuritaire, afin de compenser les avancées technologiques.»

Le problème de la descente masculine est réel mais le maire Labeaume commettrait une erreur en décidant sur la foi de ce seul enjeu de lancer ou non une candidature olympique.

L'extraordinaire retentissement des Jeux de Vancouver, au plan sportif, doit aussi faire partie de l'équation. Tout comme les défis économiques liés à l'organisation des Jeux. Cette rubrique, hélas, réserve souvent de mauvaises surprises.