Les chercheurs Daniel et Susan Voyer, de l'Université du Nouveau-Brunswick, ont publié en 2014 une méta-analyse qui a été fort remarquée sur les différences entre garçons et filles, au chapitre de la réussite scolaire.

En analysant 369 études scientifiques portant sur les notes d'un million de garçons et de filles, dans 30 pays, depuis des décennies, les Voyer - collègues et époux - ont constaté une vérité contre-intuitive...

Les filles ont toujours eu plus de succès à l'école.

Il n'y a jamais eu d'époque dorée où les garçons réussissaient mieux que les filles, ou alors, où les garçons réussissaient aussi bien que les filles, selon la méta-analyse « Gender Differences in Scholastic Achievement » (1), publiée dans le Psychological Bulletin de l'American Psychological Association.

Le Dr Daniel Voyer, psychologue cognitif, est un expert des différences entre hommes et femmes au chapitre des habiletés cognitives : « On sait que le problème existe, m'a-t-il expliqué, hier, lors d'une entrevue téléphonique. Ce qu'on ne sait pas, c'est comment régler ça. »

Je fais écho aux constats de Daniel et Susan Voyer parce que mercredi, le Québec a été ébranlé par cette étude de l'Institut du Québec/HEC Montréal sur la réussite scolaire au Québec, étude qui soulignait notamment que les garçons sont sous-diplômés face aux filles.

La bonne nouvelle, c'est que l'écart garçons-filles dans la réussite scolaire n'est pas une « spécialité » québécoise. Partout, rappelle Daniel Voyer, ce problème existe... bien qu'il soit plus probant en Amérique du Nord.

« Ce n'est ni un problème québécois ni un problème nouveau. Les 369 études que nous avons analysées remontent aussi loin qu'il y a 100 ans », dit Daniel Voyer.

La mauvaise nouvelle, c'est que l'écart de réussite scolaire entre garçons et filles est particulièrement élevé au Québec. Les conclusions de l'étude Institut du Québec/HEC Montréal le soulignaient. Et quand j'ai envoyé ces conclusions au Dr Voyer, il a eu cette réponse : « Il semble que le problème soit particulièrement sévère au Québec. »

Les propos de Daniel Voyer m'ont rappelé l'expérience menée au Collège Reine-Marie de Montréal. On a créé, il y a six ans, un environnement où l'école est mixte, mais où les classes ne le sont pas. Garçons et filles sont séparés en classe (sauf en secondaires 4 et 5, où les cours optionnels sont mixtes).

« Dans une classe, les gars sont plus animés, disons-le comme ça, explique le directeur Marc Tremblay. Ça s'achale, ça parle quand ce n'est pas le temps, ça niaise, tout ça davantage que chez les filles. Dans une classe, on ne peut pas demander aux garçons de rester assis pendant 60 minutes, oubliez ça. Selon la situation, les profs donnent du lousse ou appliquent plus de poigne. Dans les classes de filles, il y a moins de gestion d'énergie à faire. »

Les enseignants et enseignantes de Reine-Marie ont donc une approche différente selon qu'ils enseignent aux gars ou aux filles. Dans les classes de gars, les interruptions sont plus tolérées, les déplacements aussi, et les cours sont axés sur l'action. « Les filles sont plus organisées, plus disciplinées et dès le primaire, dit Marc Tremblay, l'école valorise ces qualités. Les gars sont plus éparpillés et... l'école n'aime pas ça. »

Après six ans de séparation des genres en classe, le directeur du Collège Reine-Marie considère que l'école peut être aussi ennuyante pour les filles : « Mais elles gèrent mieux leurs réactions face à cet ennui, en tout cas mieux que les garçons. »

Les constats de Marc Tremblay sur les atomes crochus des filles avec les exigences de l'école sont partagés par des chercheurs (2), qui ont expliqué de long en large comment les filles - globalement - sont peut-être plus adaptées pour les défis de l'école, du primaire à l'université.

L'expérience du Collège Reine-Marie est donc une piste d'exploration pour régler un problème - l'insuccès relatif des garçons à l'école - pour lequel il n'existe pas de solution évidente.

Car les chercheurs Daniel et Susan Voyer n'ont pas de solution à offrir pour que les garçons aient plus de succès scolaire. Il faudra investir dans la recherche pour trouver ces solutions, écrivent-ils à la fin de leur article.

Daniel Voyer : « Quand notre article est sorti en 2014, j'ai eu une sorte de 15 minutes de gloire. Nous avons même fait la une du magazine Time. J'ai donné des entrevues partout au Canada et aux États-Unis. Et je vais vous dire ce que j'ai dit à tout le monde, à l'époque : il ne faut pas réagir de façon extrême à ce genre de données. Il faut penser aux meilleures façons d'aider tout le monde, à l'école, pas juste un groupe. Il faut rendre l'école intéressante pour tous. »

CE QUI EST SURPRENANT... 

... c'est que tout le monde soit si surpris.

À propos des conclusions de l'étude de l'Institut du Québec/HEC, je veux dire.

Ça fait longtemps qu'on sait que l'Ontario a un système qui échappe moins d'écoliers que le système québécois.

Ça fait longtemps qu'on sait que les garçons québécois décrochent à un rythme effarant.

Ça fait longtemps qu'on sait que les commissions scolaires anglophones du Québec produisent plus de diplômés que les commissions scolaires francophones. Dans les dernières années de sa vie, Jacques Parizeau en a parlé souvent et ses déclarations ont fait la manchette.

Le fait que le Québec ait été ébranlé par la publication de l'étude, mercredi, montre qu'il a la mémoire courte quand il s'agit de l'école.