Je sais que Guy Ouellette est un homme intègre et droit. Je le sais depuis 2000, quand je l'ai rencontré pour la première fois, quand il était officier de renseignement à la Sûreté du Québec (SQ), au plus fort de la guerre des motards.

Je ne sais toujours pas pourquoi l'Unité permanente anticorruption (UPAC) a arrêté - sans l'accuser - Guy Ouellette, député.

Je sais que je vais croire qu'il a commis un acte criminel quand il plaidera coupable ou quand un tribunal le déclarera coupable.

Je sais qu'il est troublant que l'UPAC ait arrêté un des parlementaires les plus irritants pour l'UPAC, un parlementaire qui veut plus de garde-fous autour de l'UPAC, pas moins... Comme le souhaite l'UPAC.

Je sais que l'UPAC contribue présentement au cynisme et à l'érosion de la confiance dans l'administration de la justice en refusant de s'expliquer, comme si elle était un holding privé à capital fermé.

Je sais que le doute actuel est peu avenant pour les sonneurs d'alerte qui pourraient vouloir cogner à la porte de l'UPAC.

Je me dis que l'UPAC ne serait pas assez folle pour arrêter un député pour des bêtises, disons pour régler des luttes fratricides intrapolicières...

Je sais que Guy Ouellette dit avoir été « piégé » par l'UPAC.

Je ne sais pas si c'est vrai.

Je sais que plus rien ne m'étonne, quand il est question des flics : ça fait un an aujourd'hui - hasard - qu'on apprenait qu'ils peuvent même espionner des journalistes.

Je sais qu'ils ont espionné des journalistes pour, parfois, piéger des policiers jugés irritants pour d'autres policiers.

***

Mille rumeurs circulent sur ce téléroman mêlant intrigues politiques et policières. Mille théories, aussi.

Des tas de gens pissent dans les oreilles des journalistes et des chroniqueurs. Il y a une bataille des perceptions, présentement.

Plus j'en apprends sur la saga Ouellette-UPAC, plus je sais que je ne sais rien.

Depuis quelques jours, et encore plus hier, j'ai voulu écrire une chronique percutante, la chronique qui fait du bien, la chronique qui remet l'image au foyer...

Mais depuis quelques jours, et encore plus fort hier, j'ai pensé à ce qui s'est passé à Sorel il y a presque neuf ans jour pour jour, le 18 octobre 2008. Ce jour-là, un camion-citerne a été lancé sur le bunker des Hells.

Pendant quelques jours, bien des analystes et des chroniqueurs ont clamé que la guerre des motards était relancée...

Le responsable de l'attaque était plutôt un pauvre hère en proie à une psychose, a-t-on appris plus tard. Il se croyait traqué par les Hells. Rien à voir avec une guerre de bandits.

Se méfier, toujours. Des fois, les explications les plus compliquées - et les plus attrayantes - sont les moins vraies.

C'est vrai pour les motards.

C'est vrai pour la police.

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Je sais que ce n'est pas anodin que l'UPAC ait arrêté et fait accuser Nathalie Normandeau, l'ex-vice-PM du Québec.

Je sais que ce sera difficile de prouver sa culpabilité en cour. Je ne serais pas étonné qu'elle soit reconnue non coupable.

Je ne sais pas si Guy Ouellette a raison quand il évoque une collusion impliquant l'UPAC, l'Autorité des marchés financiers (AMF) et une entreprise privée qui certifie des firmes souhaitant faire affaire avec le secteur public.

Je ne sais pas si c'est pour l'empêcher de révéler cela que l'UPAC l'a filé, traqué et arrêté.

Je sais que la vérificatrice générale a la latitude et l'autonomie voulues pour faire la lumière sur ces affirmations.

Ça m'étonne que ça étonne Guy Ouellette en entrevue chez Bernard Drainville que « l'étanchéité » du caucus libéral ait pu être trahie, pour le flouer, lui, personnellement. Il n'y a pas de surprise là. Un caucus politique québécois n'est pas le Kremlin.

Je sais que Guy Ouellette est dans le champ quand il dit que l'UPAC a donné aux journalistes de La Presse (sans la nommer) la nouvelle de son arrestation. Ça ne vient pas de là. Des fois, les explications les plus simples sont vraies.

Je sais que l'enquête Mâchurer, qui vise l'ex-PM Jean Charest et l'ex-grand argentier du PLQ Marc Bibeau, est toujours en cours.

Je sais que si j'avais eu accès aux documents confidentiels de l'enquête Mâchurer, je les aurais publiés. Je sais que c'est le cas de la plupart de mes collègues.

Je sais cependant que les auteurs de la fuite sur cette enquête en cours n'ont pas aidé l'enquête en question en orchestrant cette fuite.

Des fois, après une enquête, une fuite est d'un intérêt public total et manifeste... Même si elles sont illégales pour les auteurs de la fuite. Ce fut le cas pour l'enquête Diligence II-FTQ (1), ce fut le cas pour Brandone-Charest (2). Une fuite peut révéler des entraves occultes au travail des policiers.

Pour Mâchurer, l'enquête est en cours. Elle prend du temps. Mais ceux qui sont au coeur de l'enquête ont été fâchés que le fruit de leur travail soit l'objet de fuites aux médias. Je ne sais pas qui cette fuite a servi.

Encore là, rien n'est clair, rien n'est net.

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Je ne sais pas si le commissaire de l'UPAC Robert Lafrenière a « intimidé » les élus libéraux pour être reconduit à la tête de l'UPAC, comme l'affirme Guy Ouellette.

Je sais que M. Lafrenière souhaite moins - pas plus - de garde-fous autour de « son » UPAC.

Je sais que c'est une mauvaise idée.

Je trouve que pour un homme si discret, Robert Lafrenière est bien souvent une distraction au sein de l'UPAC.

Je trouve que si Robert Lafrenière n'avait pas eu à faire campagne auprès du gouvernement pour garder son job, que s'il devait rallier l'adhésion des deux tiers de l'Assemblée nationale, on se poserait moins de questions sur sa légitimité.

Je sais que ce serait bienvenu, dans le contexte.