Facebook m'invitait récemment à me décrire en quelques mots. Ils sont sortis spontanément...

Dans le jus.

C'est ce qui me décrit le mieux. Dans le jus, occupé.

J'ai ce job extraordinaire à La Presse où je ponds d'ordinaire trois chroniques par semaine. Chaque soir à 17 h 05, je collabore à l'émission Le Québec maintenant, sur les ondes du 98,5 FM. Puis je raccroche et je parle à Aaron Rand, à CJAD, essentiellement des mêmes sujets abordés avec Paul Houde, mais en anglais.

Et de la mi-septembre à la mi-mars, les jeudis sont consacrés à la préparation (en journée) du tournage (en soirée) de Deux hommes en or, que je coanime à Télé-Québec.

Et entre tout ça, il y a la vie...

Comment j'organise mon temps?

J'ai plus souvent l'impression que c'est le temps qui m'organise. Je déconne, je suis organisé, je ne pourrais pas passer à travers mes journées, mes semaines, mes mois et mes années de fou sans l'être minimalement.

En quelques flashs, voici donc comment je parviens à ne pas me noyer dans l'avalanche de deadlines qui ponctuent mes journées, mes semaines, mes mois et mes années.

Je suis l'esclave de mon iPhone 

(Attention, les lignes qui suivent peuvent choquer certaines personnes...)

Dans une réunion, oui, j'ai parfois le nez dans mon iPhone. Je sais que ça peut être emmerdant pour autrui.

Je n'ai pas le nez dans mon iPhone quand une mère passe deux heures en entrevue à m'expliquer la dynamique qui a poussé sa fille à tomber sous l'emprise d'un pimp, bien évidemment. Là, je suis attentif à 110 %. Je ne sais même pas où est le téléphone.

Par contre, dans les réunions de production de Deux hommes en or, oui, je prends mes messages quand la discussion s'éternise sur un sujet qui ne me touche pas directement. Je ne suis pas sur Twitter. Je ne suis pas en train d'envoyer des GIF de chat à mon fils.

Je suis en train de répondre à une personne qui m'annonce qu'elle peut me rencontrer à 13 h, mais qu'elle a besoin d'une réponse avant midi.

Et si j'attends à midi quinze pour lui répondre - après le meeting -, eh bien, je vais rater le rendez-vous avec la source.

Et si je rate ce rendez-vous, eh bien, samedi, dans La Presse, je serai pogné pour parler de mon nombril. Je préfère parler du nombril des autres.

Donc, c'est parfois irritant pour mes amis et pour mes collègues, mais j'assume le fait que je suis esclave d'un outil - mon iPhone - qui me permet un peu de me dédoubler.

Si ce n'est pas dans mon iPhone, ça n'existe pas

Aussi simple que ça.

J'inscris tout ce que je peux dans le iCal de mon iPhone, sans tarder. Je me mets des rappels. Sinon, ça n'existe pas. J'inscris tout, tout de suite, dès qu'une rencontre est convenue, dès que je sais que je dois faire quelque chose à un moment précis dans le temps. Et quand j'oublie quelque chose, c'est que je ne l'ai pas inscrit dans mon iPhone.

Je suis discipliné (genre)

Dimanche dernier, c'était le party annuel de la télévision, la journée de Gémeaux. J'avais très envie d'aller à la fête qui chapeaute la journée, après le gala du dimanche soir. J'avais mon billet. J'avais un tas d'amis qui y allaient...

J'ai donné mon billet et je suis allé me coucher, je dormais avant minuit: lundi matin, 7 h 45, un taxi était devant ma maison pour me déposer au point de rendez-vous d'une journée de tournage pour Deuxième chance, une série d'émissions qui sera diffusée à Radio-Canada en janvier (90 % de la série a été tournée au printemps et à l'été derniers, hors des périodes de tournage de Deux hommes en or).

Je connais des gens qui n'ont pas besoin de dormir. J'ai besoin de dormir.

Si je m'étais couché à 2 h 30 pour aller à ce party des Gémeaux, j'aurais probablement vu Guy A. Lepage y danser avec un abat-jour sur la tête, mais j'aurais porté toute la journée de lundi le fardeau de n'avoir dormi que quatre heures...

Je préviens les gens que je suis dans le jus...

Quand je dis à quelqu'un «Envoyez-moi un courriel», la phrase est généralement suivie de celle-ci: «Et si je ne vous ai pas répondu en 24 h, relancez-moi.»

Parce que des fois, il y a des trucs qui «tombent dans les craques», comme on dit. Les matins de chroniques qui font réagir les lecteurs, je peux recevoir deux, trois courriels à la minute. Ma messagerie devient alors rapidement un fouillis.

Je maximise mes déjeuners

Je ne suis pas un lève-tôt de nature. Idéalement, je me réveillerais à 8 h, au bout de mon sommeil. Mais comme la moyenne des ours, je ne vis pas dans un monde idéal: alors je suis debout à 6 h la plupart du temps. C'est l'heure à laquelle l'héritier doit se lever pour aller à l'école.

J'essaie donc de donner rendez-vous aux gens qui ont des histoires susceptibles de se retrouver en chronique pour le petit-déjeuner.

Ce faisant, je bouffe ET je remplis mon calepin de notes... Avant 9 h, bien souvent.

Je maximise mes matins

Récemment, je devais «faire des voix», c'est-à-dire des narrations pour des reportages de Deuxième chance. Mais j'ai commis une grossière erreur, une erreur de débutant en gestion du temps: j'ai accepté de faire ces narrations à 14 h 20.

Un rendez-vous semblable, en plein après-midi, est un gros nid-de-poule dans le milieu de ma journée, qui a lieu une heure après la fin de mon heure de lunch: une heure où je ne peux pas entreprendre grand-chose, puisque je sais qu'à 14 h, je devrai sauter dans mon auto pour aller faire ces voix...

Leçon: la prochaine fois, j'irai «faire des voix» le plus tôt possible dans la journée.

Je dis non

Oui, je dis non. Le plus souvent possible. À toutes sortes de choses, à toutes sortes d'invitations.

Parfois, je regarde mon horaire, l'invitation est tentante, je suis libre ce mercredi après-midi... Mais je dis non: j'ai besoin de plages d'oisiveté où je n'ai rien au programme, que ce soit pour faire des appels, pour me perdre dans l'internet (l'oisiveté est une source de créativité), peaufiner des chroniques ou rencontrer des gens.

Dire non... C'est la seule façon de ne pas me noyer dans mon horaire.

Je «compartimentalise»

Je me fais souvent demander: «Comment-tu-fais-pour-tout-faire-ce-que-tu-fais?»

D'abord, je dois dire que c'est plus facile qu'il n'y paraît. Le matériau principal de ma vie, c'est l'information. À La Presse, à la radio, à la télé: je suis journaliste. Je ne pourrais pas avoir un «sideline» de peinture de bâtiment ou être actionnaire d'un restaurant: je me noierais dans mon horaire.

Dans ma vie professionnelle, tout s'imbrique, tout se recoupe, les plateformes sur lesquelles j'évolue sont dans l'absolu autant de vases communicants.

Le travail à La Presse éclaire mes préparations d'entrevues à Deux hommes en or, la télé m'apporte une forme de notoriété qui m'ouvre des portes qui servent bien la chronique, la présence à la radio au quotidien me force à scruter l'actualité de façon maladive, ce qui me fait sans cesse voir des angles de chroniques pour le journal...

Mais j'ai une capacité de compartimenter qui m'étonne. J'ai une vision de ma semaine qui tient du jeu Tetris: je regarde les journées à venir, je sais instinctivement où j'aurai une demi-heure pour envoyer mes sujets à la radio, je sais à quel moment je pourrai donner un rendez-vous téléphonique à une source. Je place des «blocs» de choses à faire dans ces espaces libres.

J'ai appris à ne pas me faire de sang de cochon avec les deadlines.

J'écris «dans ma tête»

C'est La Presse qui occupe le plus grand espace-disque mental. Je suis constamment à l'affût d'une histoire, d'un angle. À la télé, c'est un travail d'équipe, je suis un rouage dans une équipe qui compte de formidables recherchistes qui préparent des dossiers sur lesquels je m'appuie pour les entrevues. Mais à La Presse, je suis seul.

Le grand avantage quand j'écris, c'est que l'heure de tombée absolue est tard en fin de soirée. Il n'est pas rare que j'envoie une chronique au pupitre vers 20 h, 20 h 30, après en avoir écrit une première version en après-midi: j'envoie la version définitive après le souper en famille, à tête reposée, après avoir donné un ultime coup de papier sablé. Je veux lire la version définitive à tête reposée.

L'acte d'écrire, pour moi, n'est pas simplement le fait d'être assis devant mon ordi. Comme je dis souvent: j'écris «dans ma tête» toute la journée, avant l'acte d'écrire lui-même. C'est difficile à expliquer, mais c'est un peu comme avoir plusieurs fenêtres de votre navigateur web ouvertes en même temps...

Dans ma tête, il y a toujours quelques «fenêtres» ouvertes, fenêtres qui représentent ce qui m'occupe cette journée-là. Dans une de ces fenêtres, j'écris toujours, c'est comme un long monologue avec moi-même. Ça semble fou, je sais, mais ce monologue intérieur, cette fenêtre ouverte dans laquelle «j'écris» mentalement, elle me rend diablement efficace.

Dans le grand jeu de Tetris qu'est l'organisation de mon temps, je dégage toujours de grandes plages pour écrire. Et si la chronique ne «sort» pas en deux heures, c'est que c'est un cas de siège: je la remets dans cette «fenêtre» mentale que j'évoquais plus tôt et je la reprends le lendemain ou le surlendemain.

Textos, courriels

Idéalement, j'essaie de communiquer le plus souvent possible par texto et par courriel. Je trouve cela plus efficace que par téléphone. Avec mes amis, avec mes collaborateurs: c'est par écrit que ça se passe. Je communique ce que j'ai à communiquer quand je le veux, et je réponds aux réponses quand je le veux, quand je le peux.

Le téléphone?

Le soir, quand j'ai le temps. L'appel téléphonique inattendu est une intrusion qui me retarde, la plupart du temps, un nid-de-poule dans ma course folle.

***

Je suis dans le jus.

Je sais que cet horaire est cinglé. Mais c'est un horaire dans lequel je suis... heureux.