Depuis que le musée Grévin a ouvert une succursale à Montréal je me dis que je devrais aller le visiter, juste pour essayer de comprendre pourquoi des gens paient (22,43 $) pour aller regarder des statues en cire de personnes connues.

J'y suis donc allé la semaine dernière, parce que si je n'y vais pas la semaine où Brad et Angelina se sont violemment séparés, quand vais-je y aller, je vous le demande ?

L'expérience Grévin commence donc dans une pièce qui ne contient aucune statue de célébrités, que des miroirs suspendus en lattes et dont on devine les reflets dans la pénombre. Puis, le show commence, les murs prennent vie, on projette sur eux des images de paysages qui évoluent à la vitesse Grand V, des images apparemment inspirées par celles qui agrémentent les économiseurs d'écrans de nos ordinateurs, sur fond de musique instrumentale entraînante qui semble avoir été faite par le gars qui n'a jamais pu composer la trame sonore d'un dessin animé de Disney, mais qui a essayé très, très fort... Il a fini par vendre son art à Grévin.

Ça dure deux ou trois minutes, mais peut-être cinq ou six, (on s'y perd, c'est un peu comme un voyage astral), puis, soudainement, la musique entraînante prend fin, des portes dont nous ne soupçonnions même pas l'existence s'ouvrent derrière nous et enfin, elles apparaissent : les statues de cire. Robert Charlebois, Roy Dupuis, Julie Snyder, Fred Pellerin, Gilbert Rozon et j'en oublie : ils étaient là, en cire et en cire, dans des positions censées nous rappeler ces fleurons de la culture canadienne-française dans leur élément naturel...

Suit une galerie de joueurs de hockey, j'ai cru reconnaître Mario Lemieux dans son chandail des Penguins, mais peut-être que c'était Sid the Kid.

Les gens s'émerveillent des ressemblances, prennent des photos avec ces personnages en cire et on met même des accessoires à leur disposition pour rendre la photo encore plus ludique (bâtons de hockey pour les athlètes, coiffe de nonne pour soeur Marie de l'Incarnation).

La célébrité est un concept flou, un peu fourre-tout, comme en fait foi un tableau qui met côte à côte Han Solo, le contrebandier le plus célèbre de la galaxie, flanqué de l'astronaute québécoise Julie Payette.

Le lien entre Solo et Payette ?

Si vous avez répondu « Leur amour de la flûte à bec », vous avez tort : Han et Julie partagent le même lieu de travail, j'ai nommé l'espace.

Ensuite, vous passez dans la zone historique où il y a Jacques Cartier sur son bateau, Jean Talon dans son habit d'époque et Donnacona dans l'habit qu'il sortait seulement le dimanche pour laver son cheval, à côté d'un tipi. On n'apprendra rien sur les us et coutumes des premiers Français dépêchés dans le Nouveau Monde, mais ils sont là, conformes à l'idée qu'on s'en fait, figés dans la cire. Mais ce n'est pas grave, ce qui compte, c'est la ressemblance. Grévin, en ce sens, est votre oncle doué pour les imitations, si votre oncle était un musée.

Oh, tiens, Champlain, est-ce toi ?

Me semble que j'ai vu Champlain, désolé, il ne ressemblait pas à Maxime Le Flaguais dans la série télévisée, alors je ne suis pas sûr que ce soit Champlain, mais me semble que oui. Le comte de Frontenac est de la partie ainsi Marie-Marguerite d'Youville et une femme innue portant un bébé sur son dos, elle n'a pas de nom, elle est juste ça, une « femme innue et son bébé », plus loin il y a Pontiac avant qu'il ne devienne une automobile. Et dans l'air, il y a encore de la musique, pas la même musique que dans la salle aux miroirs, mais une musique résolument entraînante, du genre que tu écoutes et qui te donne envie de découvrir l'Amérique ou encore de commencer à faire du jogging la semaine prochaine...

On entre dans la section où - Grévin a des antennes locales - on plonge dans l'époque du fameux parc Belmont, ce parc d'attractions mort de sa belle mort dans les années 80. Il y a la « grosse femme qui rit », comme au parc Belmont, je m'en souviens, parce que j'y allais. Je ne me souviens pas, cependant, d'avoir vu Justin Bieber assis dans un chariot de montagnes russes : mais chez Grévin, il était bel et bien là, le jeune bellâtre canadien dont on dit aussi qu'il chante.

Dans l'espace parc Belmont, il y aussi un cagibi de La guerre des tuques, mais pas juste La guerre des tuques, non, La guerre des tuques 3D, du nom du dessin animé sorti sur les écrans l'an dernier. Et parce que la vie est vraiment bien faite, dans la boutique de souvenirs qui sera notre dernier arrêt, on pourra acheter des souvenirs de La Guerre des tuques 3D comme des crazy carpets et - vous ne le croirez jamais ! - des tuques...

La visite finit de façon grandiose avec une sorte de salle de bal où flotte la version muzak de hits de Céline Dion (qui est d'ailleurs sur la scène, au fond) et d'Elton John (qui accompagne Céline au piano) et Michael Jackson (qui fait bien sûr le moonwalk). 

George Clooney nous accueille, affichant son regard un peu « sexe » qui, je dois le dire, passe mal en cire, il a plutôt l'air d'avoir fumé un gros pétard.

Marilyn Monroe est bien sûr rayonnante, là-bas, au fond de la salle pendant que jasent Pacino et De Niro un peu à l'écart, car on n'imagine bien sûr pas ces deux-là dansant le moonwalk sur la piste de danse. Guylaine Tremblay est là, avec un Métrostar, ou plutôt un Artis. L'atmosphère est à la fête.

Au milieu de la salle de bal, il y a Brad Pitt et Angelina Jolie, côte à côte mais pas trop, juste assez éloignés l'un de l'autre pour signaler un malaise, comme si les chorégraphes de Grévin avaient tout deviné du divorce il y a longtemps. Ils sont beaux, Brad et Angelina, assez ressemblants, plus ressemblants en tout cas que Roch Voisine, qui est plus beau en vrai qu'en cire, je dois le dire.

Et au milieu de ces répliques de « people », des gens en chair et en os sont bien excités de prendre des selfies, c'est comme s'ils étaient au party des Oscars. Je les observe, tout à leur bonheur, oubliant qu'ils ont payé 22,43 $ pour être ici, ou alors se disant que c'est bien peu payé pour un peu de rêve. Et pour un moment bien furtif, c'est comme s'ils côtoyaient vraiment Céline, Elton, Al, Marilyn et les autres célébrités, demi-dieux radieux aux vies parfaites, qui nous font tant rêver...

Sur ce, un employé traverse la salle de bal au pas de course - évitant Clooney de peu - et avec toute l'autorité que lui confère son walkie-talkie, les mots du jeune homme couvrent l'instrumentale de Beat it : ON NE TOUCHE PAS SVP !

J'allais dire que la magie est brisée. Disons qu'elle a fondu : on découvre que même en cire, les vedettes sont inatteignables pour nous, simples mortels.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

La comédienne Mariloup Wolfe au côté d'un personnage de cire de La Guerre des tuques 3D