Quand tu te fais prendre ivre au volant une troisième fois en 18 ans, quand cette troisième fois-là, tes enfants étaient dans le véhicule - qui louvoyait évidemment sur la route - et que le premier alcootest montre un taux d'alcoolémie de 154 mg par 100 ml de sang (136 pour le second), il faut convenir de deux choses. Non, de trois choses.

Un, maudite chance que tu n'aies pas tué quelqu'un.

Deux, t'es un ivrogne.

Trois, tu ne comprends rien.

Claude Dubois ne comprend pas. Pour la troisième fois en 30 ans, il s'est fait prendre soûl au volant. La dernière fois, à Québec l'été dernier, c'est le cas de figure que j'évoquais ci-haut: avec ses enfants, à 154 mg d'alcool dans le sang, en plein jour. Un ivrogne de ce calibre devrait faire de la prison.

Claude Dubois n'en fera pas.

Si Dubois s'était fait prendre - et j'insiste sur le verbe «prendre», parce qu'il faut en avoir bu du fort pour penser que le chanteur a eu la malchance de se faire intercepter les seules fois où il a trop bu et pris le volant - trois fois en dix ans, il aurait été condamné à la prison, c'eut été automatique.

Le système de justice a pris un virage, ces dernières années, dans les cas d'alcool au volant. Les peines sont plus sévères qu'elles ne l'étaient jadis. Mais pour Claude Dubois, le juge a choisi d'appliquer une sentence parmi les plus légères à sa disposition. Même si la défense et la Couronne s'étaient entendues sur une peine commune de 90 jours de prison et une suspension de permis de trois ans, le juge a choisi d'alléger cette entente avalisée par Dubois lui-même.

Le juge Gilles Garneau a décidé que l'entente commune était trop sévère et il a décidé que Claude Dubois méritait moins que ce que prévoyait l'entente commune. Il a donc ramené la sentence à une amende de 3000$ et une suspension du permis de conduire d'un an, usant de sa discrétion, comme on dit.

Les circonstances aggravantes ne sont pourtant pas en pénurie dans cette affaire. Deux fois la limite permise, les enfants dans l'auto, une troisième arrestation et Dubois qui est allé dire des sottises sur l'alcool au volant à la télé, le lendemain de son arrestation, banalisant le fait de boire sans modération et de conduire son véhicule.

Le juge a quand même trouvé une façon d'être soft avec Dubois, commentant bizarrement la suggestion commune Couronne-défense avec les mots suivants: «Coudonc, à Québec, ils n'aiment pas vos chansons...»

L'histoire ne dit pas si le juge Garneau a demandé un autographe au grand chanteur après l'avoir ainsi élargi.

La Couronne songe à porter la sentence bonbon en appel. Accessoirement, ce serait utile que le juge Garneau se fasse servir une fessée par la Cour d'appel, mais l'accueil d'un appel servirait surtout à affirmer sérieusement un principe social que le juge Garneau a plombé avec sa décision aberrante: les récidivistes de l'alcool au volant méritent plus de sévérité, pas plus de clémence.

Un mot sur Claude Dubois, maintenant.

J'ai décroché de Dubois quand il a menti, il y a quelques années, sur le traitement de faveur qu'il s'était tété, dans un CLSC des Laurentides. Le chanteur était non seulement passé devant la file de citoyens qui attendaient au froid pour se faire vacciner contre la grippe A, mais quand l'affaire est devenue publique, il a inventé pour se justifier une histoire abracadabrante, histoire publiquement démentie par le CLSC.

C'est le même Claude Dubois crâneur qui est allé dire à Salut Bonjour, le lendemain de son arrestation à Québec: «Si tu prends un verre de vin de façon convenable et que quelqu'un est là qui t'aime pas la face et te stoole, tu finis par avoir un dossier.»

Entendant cela, m'est revenu l'écho de ce que le chanteur avait dit aux flics quand il avait été arrêté pour trafic d'héroïne, en 1981. Il leur avait dit qu'ils se trompaient de Dubois, que lui n'était pas dans le célèbre clan de bandits du même nom...

Trois décennies plus tard, avec Dubois, rien n'a changé: jamais de sa faute.

Et là, pour une rare fois où il en admettait une, une gravissime, il reçoit une carte «Sortez de prison», gracieuseté du juge.

Tchin-tchin.